PAROLES DE JEUNE > AU QUOTIDIEN : Vivre, c’est sa devise
Ludovic Michel a 36 ans. Handicapé à 80 %, il travaille,
il fait du sport, il milite et dévore la vie à pleine dent.
Début juin, les départements de la Haute-Loire et de l’Ardèche sont unis pour fêter la fin de saison d’un de leur fleuron l’AOP Fin Gras du Mézenc, une production de boeufs et génisses élevés au foin de montagne. Cette grande fête annuelle est une belle occasion pour les agriculteurs éleveurs de la région de promouvoir leur agriculture et pour le grand public d’échanger en direct avec eux. Ce dimanche-là, Ludovic Michel, jeune homme de 36 ans très attaché à ce secteur où sont ses racines est venu passer la journée aux Estables pour y retrouver ses amis et donner un coup de main. Jovial, plutôt disert, il engage la conversation. Je suis journaliste… ça l’intéresse. Mais je travaille pour la presse agricole… Qu’à cela ne tienne, il aime bien ce milieu, il vit dans un petit village à quelques kilomètres du Puy-en- Velay et côtoie régulièrement des agriculteurs. D’ailleurs souvent il va aider David un ami éleveur pour faire les foins ou pour conduire le troupeau de moutons. Visiblement, ce jeune homme a quelque chose à dire, un message à faire passer. On prend rendez-vous. Il raconte…
Actif, très actif
Les journées ne sont pas assez longues pour Ludovic Michel qui vit chaque seconde comme si c’était la dernière. Il travaille, à ERDF où il est en charge de renseigner les entreprises et les collectivités sur les plans des réseaux électriques ; un travail de bureau qui lui plaît même s’il aspire à évoluer dans ce poste, au sein d’une équipe. Il fait du sport, marche, vélo, ski… plusieurs fois par semaine, parfois jusqu’à la compétition. Il s’est essayé à la sculpture. Il aide ses nombreux amis et sa famille avec qui il entretient des liens très forts. Et il milite… Oui, à 36 ans Ludovic est un homme actif, très actif même, et pourtant les médecins lui avaient dit qu’il ne remarcherait plus et ne reparlerait pas, ce après un AVC (accident vasculaire cérébral) contracté en août 2006 alors qu’il avait 28 ans. Ludovic Michel est handicapé à 80 %. Il est né
avec une malformation une transposition des gros vaisseaux du coeur qui a nécessité 2 graves opérations dans ses premiers jours de vie. Plus tard à 14 ans, il subira une autre grosse intervention avec ablation d’un poumon. Mais malgré cela, ce garçon a vécu comme les autres faisant des études, du sport et des voyages avec ses copains. C’est au cours de l’un deux en Islande qu’il frôlera la mort terrassé par un AVC. Il lui faudra 2 ans pour réapprendre à marcher, à parler… pour «tout réapprendre». «Lorsque j’ai été opéré du coeur, à
la naissance, on m’a sorti du gouffre. On m’a permis de vivre. À l’adolescence, j’ai été opéré d’un poumon. Mais, malgré toutes ces opérations, mon handicap n’était pas visible. Personne ne pouvait le deviner à l’extérieur. Après mon AVC, en revanche, je n’avais plus l’usage du côté droit de mon corps, et tout le monde a vu combien j’é-tais handicapé, y compris dans
mon entourage».
Remonter la pente
Loin de baisser les bras et de se laisser aller, Ludovic refuse obstinément de devoir passer le restant de ses jours dans un établissement spécialisé. À force de courage, de volonté et grâce au soutiens des siens, lentement il remonte la pente. Il retrouve l’usage de ses membres, il marche, il parle… et rapidement, parce que pour lui c’est un besoin vital,
il veut reprendre son travail. Il changera de poste et même de lieu de travail, mais il réintègre un emploi et une vie sociale. Pour lui, c’est gagné… il se sent utile, intégré. «Le travail m’a boosté pour aller plus loin. Je faisais moins de travail que mes collègues, mais ils ont été géniaux ; ils m’ont appris et m’ont soutenu» à l’instar de son responsable qui quelques années plus tard, l’a invité à participer à un raid sportif en vélo et kayak, le Free Handi’se Trophy un raid Handi’Valid inter-entreprises de 800 km entre Lyon et Bordeaux. Belle performance certes, mais cette expérience est surtout pour Ludovic Michel le point de départ d’un engagement pour «faire bouger les idées reçues sur le handicap à l’intérieur comme à l’extérieur de l’entreprise».Son message aujourd’hui c’est de resserrer des liens entre le monde du travail et le monde du handicap. Pour lui, «trop de personnes handicapées n’ont pas accès à un emploi, trop d’entreprises ne se donnent pas les moyens d’accueillir ces personnes dans leurs équipes… Il faut changer les regards, bousculer les a-priori». Parce qu’il a encore aujourd’hui des séquelles de ses accidents de la vie qui lui rappellent que «la vie est courte, courte… trop courte…», et parce que ces «avertissements» ont renforcé son appétit de vivre, Ludovic Michel redouble de combativité. L’envie de se surpasser, et de profiter de chaque instant, de la nature qui l’entoure, des moments passés avec les autres est une locomotive qui l’emmène chaque jour un peu plus loin. Voilà, c’est ce message, cette leçon de vie qui s'applique à tous et à chacun, qu’il voulait nous faire passer… tout simplement. Lentement, au rythme des saisons, Ludovic Michel a repris pied, pour poursuivre son chemin, et aujourd’hui il ne se contente plus du pas lent des boeufs, il arpente la vie au grand galop.
SUZANNE MARION