PAC : « La France ne doit pas sacrifier les hommes aux hectares »
En attendant la finalisation du plan stratégique national attendue pour fin juin-début juillet, les professionnels agricoles du Massif central poursuivent leur lobbying pour obtenir une feuille de route préservant le modèle de polyculture-élevage à dimension familiale.
À l’occasion d’une réunion en visio, les membres de la Copamac-Sidam (grand Massif central) ont redit leur inquiétude suite à la publication récente des propositions du ministère de l’Agriculture sur le plan stratégique national. Cette inquiétude avait suscité plusieurs mouvements de protestation, dans les départements du grand Massif central et donné lieu à deux vastes rassemblements le 25 mars à Clermont-Ferrand et à Lyon. Depuis, les responsables professionnels ont rencontré Julien Denormandie. La teneur des échanges loin de les rassurer, a donné lieu à de nouvelles rencontres avec les parlementaires français et européens. Des courriers ont, par ailleurs, été adressés au plus haut niveau de l’État fin avril. Pour les élus du grand Massif central, et plus globalement de tous les Massifs français (Alpes, Pyrénées, Vosges, Jura et Corse), ce qui se joue c’est clairement un modèle d’agriculture diamétralement opposé : « l’État doit choisir entre deux visions de la PAC qui s’opposent : la PAC des Hommes contre la PAC des hectares. L’agriculture des Massifs est désignée à tort comme la « grande gagnante » de la réforme de 2015. La réforme précédente a seulement amorcé un rééquilibrage pour prendre en compte les actifs et les revenus agricoles les plus faibles », explique Patrick Bénézit, président de la Copamac. Pas question pour les agriculteurs des zones les plus fragiles d’être victimes d’un rétropédalage, à la faveur d’une politique « qui reviendrait à prendre aux plus pauvres pour donner au plus aisés ». Très concrètement, le Massif central pousse pour le maintien au même niveau des montants des aides couplées animales dont dépend entièrement la survie des élevages ruminants¹. Et d’estimer « que la protéine végétale n’a pas besoin d’aides couplées complémentaires aux aides existantes au vu du développement important des investissements dans ce secteur visant à soutenir la production d’une alimentation sans viande ni lait que nous condamnons fortement ». Sans compter qu’avec la flambée actuelle du coût de l’alimentation du bétail, « pour les éleveurs ce serait la double peine », estime Dominique Fayel de l’Aveyron.
Conserver le bonus pour le lait de montagne
Seconde problématique : le passage d’une aide bovine à la vache allaitante et à la vache laitière à une aide bovine à l’UGB engendrerait une perte des montants d’aides couplées allaitantes évaluée entre -30 % et -50 % en zone de montagne, et ce, de manière indifférenciée entre les systèmes naisseurs et les systèmes naisseurs-engraisseurs, y compris en zone de plaine. « Le différentiel d’aides pour les producteurs laitiers entre plaine et montagne serait dans ce cadre effacé. Il y a donc un vrai enjeu à obtenir un modèle plus équilibré avec une vraie différenciation plaine/montagne qui permette aux laitiers de montagne de lisser l’écart de compétitivité entre les systèmes », estime Christine Valentin, présidente du Sidam. Enfin, au chapitre des ICHN, le Massif central plaide pour un dispositif fort et centré sur l’élevage doté d’une enveloppe pour tenir compte des augmentations de charges. « Les montants ICHN permettent de compenser les charges additionnelles en montagne à hauteur environ de 40 % des surcoûts. Depuis les calculs effectués pour la réforme de 2014, les charges n’ont fait qu’augmenter. Or, le stabilisateur appliqué sur les montants ICHN est toujours de 5 % ; les agriculteurs ont donc touché en fin de programmation 95 % des montants prévus (92% en 2018) », rappelle Tony Cornelissen, président de la chambre d’agriculture de la Corrèze.
1. Le revenu des éleveurs de bovins viande est estimé à 8 000 euros annuels en 2020, alors que les éleveurs de bovins de race à viande touchaient en moyenne 8 500 euros d’aides couplées de la PAC. Une triste réalité qui rappelle le caractère essentiel des aides couplées.