Philippe Mangin, président de Coop de France
« Nous devons apporter la preuve de nos bonnes pratiques »
Grenelle de l’environnement, certificat des exploitations, réforme de la PAC : ces actualités concernent aussi les coopératives agricoles.

Quel bilan faites-vous de l'année 2007 pour le monde des coopératives ?
Le monde coopératif bouge. Après une année 2006 plutôt calme de ce point de vue, fusions, alliances, acquisitions ont été nombreuses depuis le début de 2007. Je retiendrai quelques événements marquants. Par exemple, dans le secteur porc, Prestor, Cecab et Gad ont créé une société commune dans l'abattage. Dans le secteur viticole, il y a eu des fusions de coopératives ou des créations de sociétés commerciales communes.
Je salue ces initiatives dans des filières où il y a beaucoup à faire.
Un chiffre également : 1,7 milliard d'euros, c'est le solde des acquisitions faites par les coopératives en 2007.
A noter, enfin, la création d'une section « aviculture » au sein du pôle animal de Coop de France. J'espère que ceci va favoriser l'émergence d'une interprofession dans un secteur extrêmement dispersé, avec de nombreux acteurs, et la reconnaissance du maillon coopératif en tant que tel.
La coopération, via Coop de France, a participé au Grenelle de l'environnement. Qu'en retenez-vous ?
J'en retiens d'abord que les agriculteurs, depuis quinze ans, n'ont pas su faire la preuve des progrès réalisés dans ce domaine de l'environnement. Je pense aux mises aux normes des bâtiments d'élevage, aux chartes de bonnes pratiques comme les chartes Irtac-Arvalis dans le domaine des céréales, à la traçabilité... sans compter l'écoconditionalité des aides. 360 000 km de bandes enherbées ont été mises en place. C'est énorme ! On n'a pas fait savoir ce qui a été fait et, surtout, on ne l'a pas fait certifier par des tiers. Résultat : l'agriculture s'est retrouvée au Grenelle en position d'accusée ce qui n'a pas été le cas de l'industrie où beaucoup d'activités sont certifiées. Il nous faut apporter la preuve de nos bons comportements.
Le Grenelle envisage la certification des exploitations. La certification, telle qu'elle est envisagée, en trois étapes progressives, nous va plutôt bien. Le conseil d'administration de Coop de France vient de décider, après débat, que les coopératives allaient se lancer à fond dans l'accompagnement des adhérents dans ce domaine. La plupart des sites des coopératives sont déjà, eux, agréés, qualifiés ou certifiés.
Parmi les propositions, il y a aussi la réduction de l'emploi des produits phytosanitaires et la séparation des actes de vente et de conseil. Sur ce volet, les coopératives sont particulièrement concernées.
Nous avons dû batailler sur ces deux points. La profession agricole a obtenu qu'il n'y ait pas de retrait de molécules sans solution de remplacement. Cela a été acté par Michel Barnier lors de la mise en place de la commission chargée de ce dossier.
Quant au deuxième point, avec 7 500 techniciens de terrain, les coopératives sont effectivement particulièrement concernées. Le débat sur ce sujet est totalement idéologique. Les attentes des adhérents d'une coopérative sont claires : des conseils techniques pour dépenser le moins possible ! Coop de France a élaboré une Charte du conseil coopératif. La coopérative qui l'adopte s'engage à respecter dix points qui vont de la formation des techniciens à l'absence de rémunération liée à une activité commerciale en passant, entre autres, par l'enregistrement des préco- nisations.
Le conseil est dans les missions des coopératives telles qu'elles figurent dans le Code rural.
Que pensez-vous des propositions de la Commission sur le bilan de santé de la Pac ?
Il n'y a aucun scoop dans le document du 20 novembre. C'est un approfondissement de ce qui a été enclenché en 1992 et poursuivi en 2000 et 2003. C'est la fin de tout mécanisme de régulation des marchés. Il n'y a aucune proposition concernant la gestion des risques, assurance-récolte ou assurance-revenu. Une telle évolution ne peut qu'inciter à renforcer l'organisation économique des producteurs, donc le rôle des coopératives.
La France va assurer la présidence de l'Union Européenne. Qu'en attendez-vous ?
Je dois d'abord saluer l'initiative d'organiser des « Assises de l'agriculture » pour préparer cette présidence.
Pour une fois, la France anticipe une réforme et ne sera pas sur une position défensive face à une réforme de la PAC. Elle arrivera avec des propositions élaborées avec les autres États membres. Michel Barnier multiplie les contacts avec ses homologues. C'est une bonne chose. Coop de France participe aux différents groupes de travail mis en place. Et nous aussi sommes en contact avec les autres pays européens au sein du Copa(1) et du Cogeca(2).
(1) Copa : Comité des organisations professionnelles agricoles de l'UE
(2) Cogeca : Confédération générale des coopératives agricoles de l'UE
En chiffres
Les coopératives en France, ce sont 3 200 entreprises industrielles et commerciales et 13 100 Cuma. S'y ajoutent 1 500 filiales dont 350 dans des industries de transformation. Sur 80 milliards d'euros de chiffre d'affaires, près de 30 milliards sont réalisés dans l'agro-alimentaire.
Les coopératives emploient plus de 150 000 salariés.
La part de marché des coopératives est particulièrement forte dans certains secteurs, 74 %
de la collecte des grains, 62 % de la production de sucre, 60 % de l'alimentation animale, 47 % de l'abattage et de la transformation de viande porcine...
Au menu de l'assemblée générale : Les relations avec la grande distribution
Outre la partie statutaire, l'assemblée générale (29 novembre) sera l'occasion d'une table ronde sur « l'impact de la hausse des prix des matières premières sur les relations coopération-distribution ». Ce débat aura lieu alors qu'une réforme des lois Galland-Dutreil est en cours avec pour objectif de remettre de l'ordre et de la lisibilité dans les relations entre les industriels et la grande distribution.
« Le système actuel n'est pas satisfaisant mais il est absolument nécessaire de préserver un seuil de revente à perte calculé clairement ainsi que des conditions générales de vente » estime le président de Coop de France. « Sinon la ‘machine à perdre' se mettrait en route, résultat implacable de notre offre éclatée vis-à-vis d'une demande concentrée ». Il y a cinq grandes centrales d'achats face à quelques milliers d'entreprises agro-alimentaires.
- 50 ans
- Exploitant agricole à Riaville dans la Meuse (250 ha : céréales, colza)
en GAEC avec son frère.
- 1990-1992 : président des Jeunes Agriculteurs.
- Depuis 1992 : président de la coopérative EMC2
- 2003 : Président de Coop de France (2000-2003 CFCA)
- 2007 : Président de la Confédération nationale de la Mutualité, de la Coopération et du Crédit Agricoles (CNMCCA)
- 2007 : membre du Conseil économique et social européen.