Mercosur : FDSEA et JA du Cantal interpellent l'État
Joël Piganiol et Valentin Delbos, présidents de la FDSEA et des JA du Cantal, ont fait part de leurs inquiétudes au secrétaire général de la préfecture lors d'une rencontre sur l’exploitation du Gaec de la Vache Rouge à Vézac.
Joël Piganiol et Valentin Delbos, présidents de la FDSEA et des JA du Cantal, ont fait part de leurs inquiétudes au secrétaire général de la préfecture lors d'une rencontre sur l’exploitation du Gaec de la Vache Rouge à Vézac.
Le libre échange, pourquoi pas, mais pas à n'importe quelles conditions ! L’urgence sanitaire et le Mercosur sont au cœur des préoccupations agricoles. Le 31 octobre, Joël Piganiol et Valentin Delbos, présidents de la FDSEA et des JA du Cantal ont donné rendez-vous au représentant de l’État au Gaec de la Vache Rouge, l’exploitation de Guillaume et Clément Basset à Vézac. C’est Hervé Demai, sous-préfet d’Aurillac et secrétaire général de la préfecture, qui a répondu à l’invitation, accompagné de Myriam Savio, directrice départementale de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (DDETSPP) du Cantal, et Jérôme Pejot, directeur départemental des territoires (DDT) du Cantal.
Un lieu de rendez-vous chez les éleveurs salers loin d’être neutre “puisqu’un des sujets à voir, c’est un possible accord entre l’Europe et le Mercosur. Il y a un risque majeur avec la position de l’Amérique du Sud et sa capacité à produire en viande bovine, viande qui pourrait nous déstabiliser fortement, alors qu’on connaît enfin une année plutôt favorable sur la politique de prix, en particulier des animaux jeunes, les broutards, argumentait Joël Piganiol, président de la FDSEA. Et c’est vrai que cela suscite des inquiétudes”.
Une vraie déstabilisation des marchés européens
99 000 tonnes d’équivalent carcasse surtout de l’aloyau, pourraient rentrer, une vraie concurrence sur des morceaux que l’on peut retrouver en foyer ou dans les restaurants partout en France”, appuie Joël Piganiol, président de la FDSEA Cantal.
Pour les syndicats, l’enjeu se résume à des tonnages qui vont nuire à la production et créer une concurrence déloyale. D'autant que d’autres volumes sont également dans le viseur : 180 000 tonnes de volailles ou encore des marchés tels que les oléoprotéagineux, le blé, le maïs... Joël Piganiol voit là “une vraie déstabilisation des marchés européens” et derrière tout cela la question “de la souveraineté alimentaire” avec la volonté “d’avoir une production qui se fasse sur nos terres, dans les conditions et pratiques que l’on connaît pour éviter d’avoir des produits importés qui ne respectent pas du tout ces règles et ces productions”, pointant clairement l’utilisation d’activateurs de croissance Outre-Atlantique.
Si la France porte cette voix de l’opposition sur cet accord, FDSEA et JA craignent “un fort risque de contourner le droit de véto de la France en scindant l’accord en deux volets : un commercial, l’autre politique”. Selon les syndicats, cela aurait pour effet non seulement d’affaiblir la position française, mais de réduire “l’effet de levier” sur des exigences fortes d’un point de vue environnemental, sanitaire et social. L’inquiétude française est d’autant plus forte que l’Allemagne a affiché sa préférence pour un accord scindé.
Un œil averti sur la position de la France
Face à “cette épée de Damoclès posée sur toutes nos têtes” et qui peut “remettre en cause le développement de nos filières, les installations et la pérennité du système viande dans le Cantal”, la profession fait donc remonter des craintes auxquelles Hervé Demai a pu apporter quelques éléments de réponses. “Nous avons sur ces sujets un double objectif : maintenir avec toute la profession une attention vive sur toutes vos préoccupations, caractérisées par le mouvement mis en place il y a quelques mois, les relayer et essayer de faire quelques propositions ; vous accompagner et mettre en œuvre un certain nombre d’engagements pris.”
Sur le Mercosur, le représentant de l’État rappelle un accord ancien sur lequel “la position de la France est plutôt constante ces dernières années”, à savoir le “refus d’un accord tel qu’il était. Le Président de la République l’a rappelé il y a encore quelques jours étant hostile à certains éléments qui constituent cet accord. Michel Barnier a maintenu cette position.”
Hervé Demai a confirmé la nouvelle position de l’Allemagne, “en retrait jusqu’ici et qui revient sur le devant de la scène pour essayer de conclure cet accord”. Pour autant, il a également relayé la position prise voici quelques jours au Brésil par Sophie Primas, ministre du Commerce extérieur,
réaffirmant que “la signature de l’accord sur le Mercosur était relativement hypothétique car d’autres pays européens pensent un peu comme nous”. Et de rappeler que la signature de cet accord nécessite “l’unanimité des États membres”, mais le risque d’un accord scindé fait brandir le spectre “d’une majorité qualifiée en termes d’États et de populations”.
Alors que se profile le G20 de Rio de Janeiro dans dix jours, “rien n’est encore acté, ni définitif”. Herve Demai évoquait aussi une échéance en décembre, un sommet sur le Mercosur. En attendant, il a tenté de rassurer tout le monde avec un gouvernement qui continue de travailler pour avoir l’appui d’un maximum de pays européens.
L’occasion aussi pour Joël Piganiol de rappeler que “tout compromis” serait rejeté par les producteurs, notamment tout fonds d’indemnisation, tout en glissant la “forte capacité des agriculteurs à se mobiliser” si besoin.
"Signer serait une insulte à notre égard"
Pas de compromis, le message de la FDSEA est clair, au même titre que celui des Jeunes agriculteurs. “La signature d’un tel accord sera très mal pris, prévenait Valentin Deblos, président des JA15. Ce serait une insulte à notre égard car nous avons une production de qualité, la meilleure agriculture au monde, la plus vertueuse, la plus respectueuse.” Il évoque ainsi des priorités prises en direction “du bien-être environnemental ou du bien-être animal. Signer un tel accord remettrait en cause tout un système, toute notre agriculture, notre avenir...” Pas question pour les JA de passer à côté de la santé des consommateurs avec une importation d’ailleurs, “un système qui ne nous plaît pas, et qu’on ne défendra pas”.
Tout comme la FDSEA, les JA attendent également une forme d’équité concernant l’utilisation des antibiotiques et les contrôles qui vont avec. “Vous n’aurez jamais les moyens humains de pouvoir contrôler toute cette viande.” Un argument auquel Hervé Demai a répondu : “C’est vrai qu’actuellement, cela nous demanderait de nous réorganiser totalement dans notre filière de contrôles et de suivis qui a déjà subi de nombreuses modifications. Oui, on risque d’avoir des effets induits, et c’est là qu’on pourra appeler l’attention de nos ministres car cela ne concerne pas que la ministre de l’Agriculture.” Et les syndicats de rappeler qu’ils ne sont pas hostiles aux accords bilatéraux, à condition qu’ils soient justes et équitables dans les deux sens.