Ils ont été nombreux ce lundi 17 octobre au matin à rejoindre l'exploitation de Stéphane Chardon, dans le petit hameau de Médrines à Chanaleilles. Venus de Haute-Loire, de Lozère et du Cantal, ces éleveurs d'ovins et de bovins -pour la plupart victimes des récents assauts du loup sur la Margeride- ont rencontré le Préfet référent Loup, Jean-Paul Celet, lui-même invité par la FDSEA, les JA et la Chambre d'agriculture de Haute-Loire.
"Avec près de 500 victimes (animaux d'élevage tués et blessés) en Lozère, plus de 100 et 150 victimes respectivement en Haute-Loire et dans le Cantal, la prédation par le loup est en nette progression sur le territoire de la Margeride. Et au niveau national, ce sont 52 départements qui sont concernés" constate le président de la FDSEA de Haute-Loire, Claude Font, en ouverture de cette matinée d'échanges à laquelle participaient les représentants de l’État, la sous-préfète de Brioude Catherine Haller, et Bertrand Teissèdre, représentant de la DTT 43, et les responsables syndicaux des trois départements. Si l'objectif de ce face-à-face était de faire baisser la pression de prédation supportée par les éleveurs depuis des mois, à l'image du troupeau de Stéphane Chardon, qui a subi deux attaques en août, en l'espace de 10 jours ; il s'agissait aussi de trouver des solutions pour que l'élevage puisse perdurer dans ce secteur fortement prédaté.
La jeune génération d'éleveurs menacée
Conscient que les éleveurs se trouvent plongés dans une situation "très difficile", le Préfet Celet, a rappelé que le loup était une espèce protégée et que les tirs actuels étaient "dérogatoires". "On met en œuvre tous les moyens dérogatoires possibles. Il n'y a pas un autre État en Europe qui va aussi loin que nous, mais nous devons respecter un certain nombre de règles". Des propos qui attisent la colère des agriculteurs présents. "Et nous les éleveurs, ne croyez-vous pas que nous sommes voués à disparaître ?" entend-on. Et “aujourd'hui, je fais tout pour décourager mon fils qui souhaite s'installer sur la ferme" déclare Frédéric Pontier, dont l'un des veaux en bonne santé la veille a été retrouvé en partie dévoré samedi 15 octobre au matin... Le veau en question trônait d'ailleurs dans la cour de la ferme de Stéphane Chardon ce lundi 17 octobre au matin ; une manière de montrer aux représentants de l’État ce que subissent les éleveurs au quotidien. "Si j'installe mon fils avec 15 loups en Lozère, je le condamne !" ajoute un autre éleveur excédé. L'effectif ovin diminue chaque année sur nos territoires et bientôt, il n'y aura plus aucun troupeau. "Mais que cherche-t-on ? On méprise le monde rural !" lance Stéphane Chardon.
Face à cette colère mêlée d'une certaine injustice, le Préfet a pris la parole pour signaler que tous les moyens seront mis en œuvre "pour protéger vos troupeaux. Mais si vous voulez m'entendre dire que l'on va éradiquer le loup, ce n'est pas possible !". Conscient que le préfet Celet n'est pas lui-même responsable de la réglementation, les éleveurs ont alors pointé du doigt Bruxelles et la convention de Berne qu'il faudrait selon leurs propres mots "remettre en cause". Le Préfet a alors tenté de rassurer l'assistance en leur signalant la grande attention portée par le Ministre de l'Agriculture à la question du loup. " Ce dernier a d'ailleurs souhaité modifier la directive Habitat. Mais la principale difficulté se situe au niveau de la convention de Berne qui nécessite, pour toute modification, l’unanimité des 27 États membres. Ce n'est donc pas impossible, mais ça n'arrivera pas demain ". Autre point rassurant selon le représentant de l'État : "les Ministres de l’Écologie et de l'Agriculture se parlent... Dans les jours qui viennent, je vais rencontrer le directeur de Cabinet du Ministre de l'Écologie ainsi que la secrétaire d'État à la ruralité". Une occasion pour lui de rapporter la détresse de tous ces éleveurs. Autre bonne nouvelle signalée par le Préfet : "On revoit le Plan national Loup, c'est donc une fenêtre intéressante pour vous".
Maîtriser le loup dès maintenant
Les éleveurs de la Margeride ont clairement demandé des dérogations de tir et la possibilité de pouvoir prélever dans la légalité. "Laissez-nous tirer le loup ! Si on ne le maîtrise pas maintenant, ce sera la fin de l'élevage ovin" a demandé Christine Valentin, présidente de la Chambre d'agriculture de Lozère. Pour Mikael Tichit, président de la section ovine en Lozère, l'État a le devoir de protéger les populations et sur ce dossier Loup, il manque à ses obligations. "Peut-être devra-t-on porter plainte !" entend-on dans l'assistance.
Les éleveurs ont par ailleurs dénoncé l’inefficacité des mesures de protection et surtout leur coût faramineux ; "du budget agricole que l'on ne percevra pas" regrette Mikaël Tichit.
Les éleveurs des trois départements ont relevé le manque de coordinations interdépartementales sur la problématique loup et l'absence d'échanges entre l'OFB et les DTT, ce qui joue en la faveur de la prolifération des loups... Sur ces points, le Préfet a promis que des arrêtés interdépartementaux seraient pris et d'instituer une vraie coordination entre les territoires.
Le loup aurait par ailleurs un impact visible sur la biodiversité des territoires où il est présent en nombre. "Les chasseurs voient moins de faons depuis quelques temps..." dénonce un éleveur. Un angle d'attaque jugé très pertinent selon Jean-Paul Celet.
"Les écologistes ne veulent plus d'élevage donc le loup est un allié pour eux. Sauf que sans élevage ni pastoralisme, le pays va cramer (Ndlr : risque majeur d'incendie en raison d'un manque d'entretien)" a indiqué Patrick Escure, président de la chambre d'agriculture du Cantal qui appelle à un réveil des responsables politiques.
Après cette matinée de vives discussions, éleveurs prédatés, responsables syndicaux et représentant de l'État se sont concertés pour trouver des solutions immédiates pour ce territoire de plus en plus impacté par le loup.