À l’horizon 2025, scénario catastrophe sur la zone Saint-nectaire
Environ 29% des 485 producteurs de la zone AOP Saint-nectaire ont plus de 55 ans et entre 75 et 100 d’entre eux n’ont pas de successeur.
« Nous sommes en 2025. L’AOP Saint-nectaire est devenue l’indispensable des plateaux de fromages. Depuis 2018, la demande en fromage laitier a progressé de 9%. Seulement, voilà, ils ne sont désormais qu’une poignée de producteurs à fournir le lait nécessaire. De près de 62 millions de litres de lait il y a sept ans, les volumes ont chuté à 54,5 millions de litres alors qu’il en faudrait 68 millions pour répondre à la demande actuelle. En cause, une filière qui n’a pas réussi à renouveler ses générations. »
Ce scénario digne des plus grands films catastrophe, a été établi par l’Interprofession du Saint-nectaire. Loin d’être sorti de l’imagination de quelques illuminés, il s’appuie sur la dure réalité démographique agricole. Sur les 485 producteurs fermiers et laitiers de la zone, 29% ont plus de 55 ans. Parmi eux, entre 75 à 100 n’ont pas de repreneur.
Le deuil d’une vie
L’Interprofession et l’ensemble des acteurs(1) de ce territoire de montagne se mobilisent dès à présent pour tenter d’enrayer la situation. Philippe Voyer, conseiller installation à la Chambre d’agriculture du Puy-de-Dôme témoigne d’une évolution dans l’accompagnement. « La zone Saint-nectaire, comme partout en France, voit ses agriculteurs vieillir sans que leurs exploitations aient une continuité assurée. Autrefois, nous accompagnions surtout des jeunes dans leur installation. Désormais, nous conseillons et formons également les cédants pour transmettre leur outil. » Plusieurs réunions d’informations et formations à la cessation d’activité ont lieu dans l’année sur le territoire. Une dizaine de personnes assiste à ces rendez-vous et le scénario est toujours le même : « au départ, ils ne savent pas ce qu’ils souhaitent ». Derrière une exploitation agricole se cachent plusieurs dizaines d’années de travail et souvent plusieurs générations. La transmettre signifie donc pour l’exploitant de faire le deuil d’une vie et d’une histoire passée. « C’est loin d’être un long fleuve tranquille car il y a certes le côté économique et administratif mais il y a surtout le côté humain. »
Production laitière cherche repreneurs
La continuité des exploitations laitières est la priorité du plan stratégique 2025 de l’ISN. Tandis que les producteurs fermiers parviennent à se renouveler, ce sont les laitiers qui peinent le plus. L’interprofession voit ainsi chaque année les chiffres de la production laitière diminuer et « réduire la marge de manœuvre des entreprises de transformation » explique François Peyroux, conseiller développement à l’ISN. La progression de la demande en Saint-nectaire laitier et la baisse de lait disponible créent une situation tendue. Les taux de transformation illustrent parfaitement le contexte avec en 2010, 70% du lait transformé en fromage contre 95% aujourd’hui. « Nous avons beaucoup d’agrandissements d’exploitations mais la quantité de lait produite n’augmente pas pour autant. »
Le renouvellement des générations est donc un enjeu économique pour toute la zone. L’interprofession use de sa notoriété et de ses services pour promouvoir la transmission des exploitations. « Nous accompagnons notamment les cédants dans la qualification de leur offre. » Là encore, François Peyroux témoigne devoir faire face régulièrement à la réticence des cédants. « Savoir comment et ce que l’on transmet est un travail délicat. Il y a toujours un frein psychologique. »
Pas foule au portillon
Une fois cette épreuve passée, il faut encore trouver le bon candidat et ils ne sont pas nombreux à se présenter malgré le dynamisme de la zone. « C’est une profession exigeante avec de nombreuses contraintes de temps. De plus, dans ce territoire de montage, il n’y a pas toujours les services qu’attend par exemple un jeune couple. » À cela, s’ajoute l’aspect économique. En zone Saint-nectaire, la pression foncière sur les terres agricoles peut vite faire grimper les prix. La location apparaît alors comme une solution plus appropriée.
Enfin, si les repreneurs ne se bousculent pas aux portillons des fermes, il en va de même pour les associés. « Nous avons plusieurs producteurs désireux de trouver un associé pour remplacer un départ à la retraite mais ils ne trouvent personne. À priori, les candidats préfèrent travailler seuls. » Loin de s’avouer vaincue, la filière redouble d’effort ! Ainsi le 28 février prochain, au SIA à Paris, elle consacrera une journée à toutes les exploitations en attente de trouver un nouveau propriétaire. Elle espère ainsi susciter les vocations.
Mélodie Comte
(1) Chambres d’agriculture Puy-de-Dôme et Cantal, Communautés de Communes, élus locaux.