"L'herbe de nos montagnes", un inépuisable sujet de recherches
En amont de la "Journée de l'herbe", le 25 septembre à Marcenat, Pascal Dhour, directeur de l'unité expérimentale des Monts d'Auvergne, explique les objectifs et les résultats de ces recherches.
Quels sont, vu des chercheurs, les enjeux en termes fourragers des élevages du Massif central ?
Pascal Dhour, directeur de l'unité expérimentale des Monts d'Auvergne : "Nous sommes dans un contexte où les prix des matières premières sont de plus en plus volatils, avec une forte concurrence de la demande pour l'alimentation humaine. Il faut donc absolument que les systèmes d'élevage de ruminants soient les plus autonomes possible en termes alimentaires. Sachant que nous parlons davantage d'autonomie alimentaire que de seule autonomie fourragère. L'enjeu est donc de bien valoriser la ressource herbagère pour minimiser la part desaliments achetés."
Il y a aussi la question du changement climatique...
P. D. : "Oui, comme l'élevage est remis en question, il faut diminuer son empreinte carbone, donc la consommation d'énergie fossile - que ce soit pour la mécanisation, la fertilisation - et l'achat d'aliments concentrés, etc. Mais s'agissant des systèmes herbagers, le bilan carbone est positif avec une mécanique de captation par les prairies. C'est aussi là-dessus qu'il faut se positionner. Quant à l'adaptation de l'élevage aux aléas climatiques, les modèles montrent qu'il y aura une variabilité importante du climat entre années, avec des années sèches, d'autres plus pluvieuses, mais aussi intra-années avec un printemps sec et un été humide comme on vient de le vivre. L'enjeu pour nous est de voir quels sont les systèmes d'élevage les plus à même de supporter ces aléas."
Quels sont les programmes de recherche menés par l'Inra de Clermont-Theix sur ces questions ?
P. D. : "Nous travaillons sur l'adaptation des animaux à des fluctuations, par exemple de niveau alimentaire, avec notamment un projet en cours pour déterminer si des types d'animaux, au sein d'une même race, sont capables de supporter une réduction de niveau alimentaire sans trop perdre en production.Ça se traduit aussi par des expérimentations "système" : on essaie de concevoir des systèmes d'élevage et d'étudier leurs réactions aux aléas climatiques en faisant varier les dates de mise bas, par exemple en élevage ovins (avec des agnelages en automne ou en hiver). Nous menons aussi des travaux sur la qualité des produits en étudiant l'incidence des facteurs d'élevage sur la qualité des fromages au lait cru, en particulier l'influence de la nature des prairies mono ou pluri-spécifiques.Des recherches sont également en cours sur la qualité des carcasses en ovins, avec l'objectif de produire des agneaux les "plus à l'herbe possible" pour influer sur la couleur du gras et l'odeur de la viande."
Combien de temps pour arriver à des résultats ?
P. D. : "Ça dépend. Quand on teste l'effet d'un aliment sur la quantité ou la qualité du lait produit, on est de l'ordre de quelques semaines. Quand on travaille sur des systèmes bio ou laitiers à faibles intrants, c'est à l'échelle de plusieurs années qu'on évalue l'adaptation des troupeaux à leurs conditions d'élevage."
Quels sont les enseignements à ce stade de ces recherches ?
P. D. : "Nous avons montré que la prairie, notamment pâturée, était un réservoir de carbone. Si on inclut les émissions des troupeaux, la respiration du sol et qu'on les met en balance avec le carbone stocké par la prairie, le bilan est positif, avec des systèmes d'élevage herbager qui permettent destocker le carbone. Nous avons montré, en ovins, notamment en bio, qu'un certain nombre de plantes - comme le sanfoin - ont des vertus anti-parasitaires et qu'en réduisant l'infection des agneaux, la qualité des carcasses est meilleure. Sur les troupeaux laitiers à faibles intrants (peu ou pas d'engrais, d'aliment concentré, quelques médi- caments vétérinaires autorisés), la principale difficulté mise en évidence est la reproduction. Nous sommes en train de chercher à comprendre d'où cela vient et comment y remédier. Par contre, les systèmes intermédiaires avec un peu de concentrés s'en sortent mieux. Même si leur production est un peu faible, les résultats économiques sont relativement satisfaisants.On peut aussi évoquer les travaux sur les bâtiments d'hivernage simplifié, notamment sur le site de Laqueuille. Pour des génisses ou des mâles en croissance, on peut avoir des parcs d'hivernage extérieurs permettant de réduire substantiellement les coûts sans conséquence sur la santé des animaux ni sur l'environnement."
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