L’Europe au cœur des débats
Congrès de la FNSEA Initialement porté par Xavier Beulin, le rapport d’orientation voté par la FNSEA le 29 mars, lors de son congrès annuel à Brest, a réaffirmé l’importance de l’Union européenne et de la PAC pour les agriculteurs français, en dépit de nécessaires ajustements mis en avant par l’organisation.
Le congrès de la FNSEA, placé sous le signe de l’Europe, aura suscité bien des débats parmi les congressistes. Les enjeux restent très stratégiques et vitaux pour l’Agriculture.
Parmi l’ensemble des délégations venues des quatre coins de France, la délégation creusoise, emmenée par Thierry Jamot, le nouveau président de la FDSEA, et Pascale Durudaud, première vice-présidente, ne peut se résoudre à l’idée de sortir de cette Europe, construite il y a 60 ans, mais qui nécessite, sans aucun doute, une refondation pour qu’elle puisse de nouveau fonctionner sur des principes en faveur des citoyens européens.
L’Europe souffre du « choix d’élargissement au détriment d’un approfondissement » regrette Xavier Beulin, président de la FNSEA décédé brutalement le 19 février, dans une vidéo diffusée en introduction de la présentation du rapport d’orientation sur l’Europe, le 29 mars, au congrès de la FNSEA. Un constat partagé par le député européen Michel Dantin qui estime que « le chiffrage de cet élargissement a été largement sous-estimé ». Le rapport d’orientation souligne que le passage de 380 millions à 500 millions de consommateurs s’est accompagné d’une part, d’inégalités et de divergences économiques, mais aussi du développement de distorsions de concurrence entre les États membres alors même que le « tout marché » ne peut fonctionner en agriculture. « La paix et la sécurité alimentaire sont des réussites évidentes de la construction européenne, une construction européenne qui dérive malheureusement vers une technocratie », déplore ainsi Jérôme Volle, responsable de la Commission Emploi de la FNSEA. « On ne sait même plus non plus si les décisions sont élaborées de manière intelligente », poursuit-il. En effet, la rédaction des règles européennes est de plus en plus confiée à des juristes, sans lien avec le terrain, ce qui conduit parfois à des absurdités. La PAC est donc logiquement perçue aujourd’hui comme « un ciment historique qui s’effrite », indique le rapport. Cela s’explique par le fait qu’elle a subi des réformes majeures puisque « nous sommes passés d’une politique de prix à une politique d’aides directes », explique Jérôme Volle. « Aujourd’hui elle paraît à bout de souffle », déplore Arnaud Danjean, député européen, dans son témoignage vidéo. Ainsi, « les enjeux nationaux sont souvent mis en avant plutôt que les intérêts européens ». Pourtant, la solution ne réside certainement pas dans un « Frexit », scénario imaginé par la FNSEA et qui conduirait, souligne le rapport, à une crise sur le marché sans précédent. « Pour la FNSEA, la sortie de la France n’est pas une option mais n’est pas non plus une option le statu-quo », insiste Jérôme Volle.
Les leviers sur lesquels agir
Crise, instabilité géopolitique, Brexit, changement climatique, croissance démographique… « L’UE est sans doute l’objet de déceptions, néanmoins il faut qu’elle sache relever ces nouveau défis », estime Henri Brichart, vice-président de la FNSEA. Un élément de réponse majeur consiste en la mise en place de normes uniques : « la convergence des politiques entre les États membres doit être relancée », affirme-t-il. Et ce, « en débutant par la mise en place d’un salaire minimum dans chaque État membre », ainsi qu’en luttant contre la zone grise que constitue aujourd’hui les travailleurs détachés, détaille-t-il. L’harmonisation doit par ailleurs être étendue aux mesures sanitaires, environnementales et concernant le bien-être des animaux. Le rapport d’orientation propose par ailleurs un système plus cohérent d’AMM (autorisation de mise sur le marché) afin de réduire les écarts de compétitivité causés entre autres par la surtransposition des normes en France. Au-delà d’être plus harmonisée, l’Union européenne doit renforcer le rôle de ses élus : « Le Conseil européen doit retrouver son rôle », estime Arnold Puech d’Alissac, l’un des trois rapporteurs, président de la FRSEA de Normandie. « On insiste pour que les ministres soient présents à Bruxelles », poursuit-il. D’autre part, l’exercice de la démocratie représentative passe par une coopération accrue « entre l’État et les organisations agricoles », explique-t-il.
Un projet agricole européen repensé
« Nous pensons qu’en termes de calendrier, il faut sûrement prendre un peu de temps », annonce Henri Brichart. Il s’agit en effet d’adapter ce calendrier aux ambitions. Quant aux aides directes, si « elles doivent rester un élément essentiel de la future PAC », elles « ne se suffisent pas à elles-seules », explique le vice-président de la FNSEA. Raison pour laquelle la résilience des exploitations doit être améliorée dans le cadre du deuxième pilier. Le Fonds de mutualisation sanitaire et environnemental créé en 2013 à l’initiative de la FNSEA et des JA mérite entre autres d’être renforcé. Il s’agit également de « redonner le pouvoir aux producteurs dans la chaîne alimentaire », ambitionne Henri Brichart. « Il est temps de desserrer l’étau de l’interdiction des ententes pour la vente des produits agricoles » mentionne le rapport à cet effet. Le volet environnemental est aussi pleinement présent, néanmoins, à condition d’en revoir les modalités avec plus de pragmatisme : « Nous voulons une écologie pragmatique qui permette d’allier des performances économiques et des performances environnementales ». Ce qui inclut les innovations technologiques, note le rapport, mais aussi la députée européenne Françoise Grossetête : « la modernisation de notre agriculture passe par de nouvelles technologies permettant de créer en somme ou d’aboutir à une agriculture intelligente ». Enfin, la FNSEA met en avant la nécessité d’un budget adapté aux ambitions, et non l’inverse. En effet, comment expliquer le fait que la PAC ne représente que 0,4 % des dépenses publiques européennes alors qu’elle compte à hauteur de 38 % du budget de l’UE ? Des moyens à hauteur de ses ambitions compétitives, environnementales et sociétales sont donc indispensables.