Les producteurs céréaliers sur le fil
Une mission d'enquête a réalisé une expertise sur le secteur de Dore-Limagne afin de constater les dégâts des intempéries du printemps et prendre le pouls d'une profession à bout de souffle.
Les céréaliers de Limagne, tant du Nord que du Sud, sont à bout de souffle. Trois ans. Trois longues années que la profession accumule les mauvais résultats de récolte, subit la chute des cours mondiaux et une météo toujours plus complexe. Alors qu'au printemps de cette année l'excès d'eau a eu raison des cultures d'hiver, le climat estival de juillet-août balaye les espoirs des cultures de printemps.
Face à ce contexte, une mission d'enquête de la DDT 63 a été réalisée le 25 août sur le secteur Dore-Limagne afin de constater les dégâts des intempéries et prendre le pouls de la profession. Caroline Alvarez, chef de bureau à la DDT 63 rappelle : « le but de cette tournée n'est pas d'établir des statistiques mais de donner un premier rapport de la situation pour en référer à la préfète et voir ainsi comment le plan d'urgence national peut être appliqué ».
Printemps calamiteux
La tournée a démarré à Lempty chez Jean-Luc Fournier. Le céréalier explique qu'un mois avant les moissons, le potentiel de rendement de ses blés était de 100 quintaux. « Ils étaient jolis» ajoute-t-il, mais les fortes précipitations, la stagnation de l'eau et le manque de luminosité ont fait chuter les prévisions. Il n'a récolté que 64 quintaux.
Des résultats qui n'étonnent guère Frédéric Moigny, conseiller en grandes cultures à la Chambre d'agriculture. Relevés météorologiques et constat de campagne en main, il confirme aux agents de la DDT 63 que les pluies du printemps sont bien la cause de ces pertes. « Les cumuls de pluie ont été très importants. Les racines des blés ont été asphyxiées. À cela, il faut ajouter le manque de luminosité. La fécondation des blés a été limitée et donc la formation des grains.»
Après la pluie, la sécheresse
La campagne de blé désormais passée, c'est davantage l'avenir qui inquiète Jean-Luc Fournier.
Les intempéries du printemps ont créé par ricochet avec la sécheresse de l'été une situation des plus inattendue. « J'ai vu des sources naître dans des parcelles où il n'y en a jamais eues ! La structure des sols est massacrée. Et maintenant, il faudrait que j'implante des CIPAN donc travailler dans des conditions très sèches ces parcelles pour que les graines grillent sur place. Il faudra m'expliquer l'intérêt écologique de la manoeuvre. » Le département accumule depuis le mois de juillet un déficit pluviométrique de plus de 300 mm. Là encore, le conseiller de la Chambre d'agriculture confirme que le contexte est loin d'être favorable à l'implantation des CIPAN mais aussi aux développements des cultures de printemps. « Au début du mois d'août, nous
n'étions pas inquiets pour les maïs, les betteraves et les tournesols. Mais maintenant, il est clair que les estimations de rendements sont revues à la baisse. Il y a de gros problèmes de fécondations sur les maïs semence. Les agriculteurs qui ont pu irriguer sont parvenus à limiter les dégâts mais pas les autres. »
Revendications professionnelles
Présents lors de cette tournée d'expertise, les différents représentants de la profession ont également apporté leurs observations mais ils ont surtout rappelé l'urgence de la situation. «Depuis trois ans, les exploitations puisent dans des trésoreries qui ne sont pas renflouées d'une année sur l'autre. Je ne sais pas comment certains vont finir l'année... Si une décision de les aider est prise, elle devra s'appliquer au plus tard le 15 octobre. Après, il sera trop tard» explique Florian Bicard vice-président de JA 63. Des exploitations puydômoises dans un marasme sans fond, qu'elles soient au Sud ou au Nord du département. Selon Claude Raynaud, président de la section céréales de la FNSEA 63, les producteurs doivent être soutenus par l'État sans distinction d'aucune sorte. « Il faut arrêter de faire des découpages à l'intérieur du département. En Limagne Nord comme en Limagne Sud, les gens souffrent. Ils ont perdu des rendements et de la trésorerie. Certes les contextes pédoclimatiques sont différents mais les résultats sont les mêmes !»
La tournée d'expertise s'est poursuivie toute la journée chez des exploitants de Maringues, Saint-Ignat ou encore Bas et Lezat. L'occasion pour les responsables professionnels de rappeler encore une fois qu'une dérogation sur les conditions d'implantations des CIPAN, la réduction des démarches administratives pour demander les aides ou encore le développement de l'irrigation éviteraient « d'alerter la DDT tous les ans ».