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Les marchés paysans d’Apt
Sur les terres du Luberon, depuis plusieurs années, on ne cesse de multiplier les initiatives pour rapprocher les productions agricoles, cultivées et élevées au pays, de leurs consommateurs finaux.
D’abord, les paysans de la région ont créé un mouvement appelé « Les marchés paysans du Parc du Luberon ». Ils regroupent 200 producteurs du territoire. Seuls les exploitants agricoles ou leurs familles sont autorisés à vendre. Les produits proposés à la clientèle doivent provenir exclusivement de leur exploitation. Preuve de la demande grandissante, à Apt, la principale cité du parc, il est ouvert toute l’année et a lieu chaque mardi matin. Toutes les productions sont concernées : huile, d’olive bien sûr, mais aussi fromages de chèvres, vins AOC du Luberon, fruits et légumes variés caractéristiques du Sud, viandes, ovines en particulier, herbes sauvages et le fameux miel de lavande, etc. Pas d’esbroufe, de la simplicité et de l’authenticité caractérisent les étals.
Manon et ses parents, exploitants à Saint Martin de Castillon, jouent la complémentarité produits bruts/produits transformés : des herbes naturelles - du thym en branches notamment - des œufs frais pondus du matin et des courgettes d’un côté, de l’huile d’olive pressée dans la région et des confitures de l’autre. Ce qui n’empêche pas non plus l’inventivité : l’une des confitures proposées est à base de courgette, de citron et de gingembre, sous labelle AB (agriculture biologique). De plus en plus d’exploitants arborent le logo de l’agriculture biologique ou un autre signe de qualité. La formule a si bien pris que le marché paysan d’Apt vient tout juste de fêter les 10 bougies de son existence, le 13 juillet dernier. Un livre commémoratif doit paraître sur le sujet. Dernière née des initiatives dans le pays d’Apt, l’ouverture, le 21 juin, d’un magasin à l’enseigne « Paysan du pays d’Apt ». Fermé le mardi, pour cause de marché paysan bien entendu, il est ouvert tout le reste de la semaine : toute la journée, avec une pause le midi, du lundi au vendredi, le samedi non stop de 9 h à 19 h et même le dimanche de 10 h à 12 h 30. Le principe ? La vente directe de produits locaux de saison (fruits, légumes, viandes, etc.). Le magasin a élu domicile dans un local attenant à la gare SNCF.
Dans le reste du Luberon, on n’est pas inactif. Huit autres villes et villages de la région proposent des marchés de ce type. A Coustellet, le marché paysan fonctionne de fin mars à Noël, le dimanche matin, et est certainement celui qui est le mieux achalandé et le plus fréquenté. Là encore, symbole de sa réussite, la ville a même créé un marché du soir, le mercredi de 17 h à 19 h de fin mai à début septembre. Cadenet, Maubec, Lauris, La Tour d’Aigues, Saint-Martin-de-la-Brasque, Bédoin et Pertuis possèdent aussi leur marché paysan, répondant aux mêmes critères.
Autre manière de capter la clientèle : la création de jardins écologiques sur la thématique des variétés anciennes ou sur la diversité d’une même plante. A Lioux, on peut visiter le potager d’Adonis, au hameau du Parotier, chez Bruno Adonis. Deux devises majeures pour ce fou des légumes anciens et des plantes aromatiques : l’univers des saveurs retrouvées (1) et « si tu veux un bonheur pour la vie entière, cultive un jardin », proverbe d’un sage chinois. Même principe chez Jean-Luc Daneyrolles à Saignon : le public peut visiter un jardin écologique où sont cultivées depuis 20 ans plusieurs centaines de végétaux rares. Ce même public peut y acheter des tomates et des semences potagères oubliées, des plants de légumes et des fleurs.
Autre produit, autre manière de faire : à la mi-avril, Ménerbes propose le « Petit marché du fromage de chèvres », qui réunit une vingtaine de producteurs de toute la région et qui présente toutes les saveurs de ce produit : à l’ail, à la ciboulette, au basilic, aux graines de pavot. Les consommateurs peuvent donc diversifier leur choix et aussi découvrir le vin à travers le musée du tire-bouchon (plus de 1 000 pièces) ou encore la truffe à la Maison de la truffe et du vin.
Le blé meunier d’Apt revit
Où comment la touselle du XIVe siècle a fait sa réapparition dans les boulangeries du Parc régional du Luberon.
Il y a bien longtemps, au XIVe siècle, les écritures commerciales mentionnaient la touselle ou touzelle, une variété de blé froment. Tombé dans l’oubli, c’est en 1985 que le CNRS contacte deux naturalistes du Parc du Luberon pour retrouver trace de ce type de blé.
Ils rencontrent alors un exploitant agricole à la retraite, à Buoux en plein parc, en train de nourrir des agneaux et des brebis. Il distribuait un blé différent aux premiers, apparemment plus apprécié. Il s’agissait de ce fameux blé qui allait devenir ensuite le blé meunier d’Apt, présentant des qualités organoleptiques et nutritionnelles supérieures à bien d’autres espèces.
De plus, cette variété possède d’autres qualités intéressantes : variété à cycle long, longue paille, adaptation aux contraintes climatiques, rendements certes modestes (30 quintaux/hectares) mais réguliers… Enfin, peu chargé en gluten, ce blé convient aux personnes allergiques à cette matière. Après tout le travail de l’ensemble d’un réseau local blé-farine-pain-Luberon-Lure constitué autour de cette idée (producteur, boulanger, meunier, technicien, partenaires institutionnels et consommateurs), une marque est validée en 2007. Aujourd’hui, cinq boulangeries, dont Le fournil du Luberon de Jean-Louis Valloco à Apt, proposent « Le Pain du Luberon », fabriqué avec le blé meunier d’Apt.
Thierry Michel
La passion de Catherine
Avec Catherine Pisani, c’est un véritable voyage aux pays des merveilles du basilic auquel on est convié lorsqu’on la rencontre sur le marché paysan du mardi à Apt. Appuyez sur la touche « Basilic » et Catherine devient intarissable sur le sujet, avec passion. Elle a passé des années à consulter des documents pour tout connaître de cette plante « aromatique mais pas que… ». Cette passion, elle la pratique aussi au quotidien dans sa ferme bohème, du côté de Roussillon, où elle fait découvrir une quarantaine de variétés de basilics en plein champ. Catherine Pisani, c’est aussi le goût de la découverte : après les tisanes, gelées et autres confitures intégrant du basilic, elle vient de lancer une gamme de spray à base d’essence de basilic, à vaporiser sur un plat juste au moment de servir. Actuellement, elle fait des essais pour un nouveau produit, mais chut, c’est encore secret…
T. M.