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Les maladies vectorielles, une problématique émergente avec le changement climatique

Le 13 novembre 2024, les vétérinaires intervenant en Creuse étaient conviés à la 25e journée GDS-GTV pour échanger sur les maladies vectorielles.

 

Pour la 25e fois, les vétérinaires intervenant en Creuse ont répondu à l’invitation de Philippe Monteil, président de GDS Creuse et du Dr Nicolas Athanassiadis, président du Groupement Technique Vétérinaire 23. Avec 30 personnes présentes, la thématique retenue, les maladies vectorielles, a fortement mobilisé et a permis des échanges nourris.

Immunité et vaccination…

Pour mieux comprendre les différences de résistance à ces maladies dans les élevages, un rappel a été fait sur les deux branches de l’immunité. L’immunité innée permet à tout organisme d’identifier un agent pathogène et de mettre en place rapidement des mécanismes de défense non spécifiques pour neutraliser l’agression. Elle fait intervenir des « globules blancs » (neutrophiles, cellules tueuses, macrophages) et des molécules (cytokines, complément). Elle reste cependant limitée et pour mieux se défendre, l’organisme active après quelques jours la deuxième branche, l’immunité acquise ou adaptative. L’agent pathogène ayant été identifié, des mécanismes se mettent en place : production de lymphocytes B et T, mais surtout de molécules (les anticorps). Cette immunité est donc plus tardive mais spécifique, et surtout avec une capacité de mémoire qui permet de réagir très rapidement en cas de nouvelle agression. La vaccination utilise cette capacité du système immunitaire à se souvenir d’un agent pathogène, en exposant l’animal à du virus inactivé ou des morceaux de virus afin de le sensibiliser.

… avec des facteurs de variation

Pour que l’organisme réagisse en cas d’agression ou que la mémoire se mette en place suite à une vaccination, il faut que le système immunitaire soit pleinement fonctionnel. De nombreux facteurs interviennent :

  • La génétique, des animaux étant naturellement plus résistants, des travaux de recherche sont en cours sur ce point.
  • L’âge, les jeunes étant plus vulnérables (d’où la nécessité de la prise de colostrum) mais également les animaux âgés qui peuvent présenter des défenses moins performantes.
  • Le microbiote (flore présente avec laquelle l’organisme vit en équilibre, que ce soit au niveau digestif, respiratoire ou cutané) de l’animal, qui perturbe l’arrivée des agents pathogènes.
  • Le statut sanitaire des animaux, notamment s’ils sont parasités ou porteurs d’une maladie affectant leur système immunitaire (paratuberculose par exemple).
  • Des facteurs alimentaires au sens large, que ce soit les apports énergétiques ou protéiques, mais surtout les oligoéléments et les vitamines. Toute carence aura un impact majeur sur la capacité des animaux à lutter contre une agression.
  • Des facteurs environnementaux, trop souvent sous-estimés, comme le stress, l’ambiance du bâtiment, l’hygiène générale du troupeau.

FCO et MHE, des virus émergents en France…

Le Dr Guillaume Convert, vétérinaire spécialiste de ces maladies, a fait le point sur la FCO et la MHE. Ces virus ont de très nombreux points communs : famille des orbivirus, transmis par des moucherons du genre culicoides, provoquant des signes cliniques assez similaires sur les ruminants. On les distingue par le numéro de leur sérotype (plus de 30 pour la FCO et au moins 7 identifiés pour la MHE) et on ne peut malheureusement pas compter sur une immunité croisée entre sérotypes. Comme tous les virus à ARN, ils peuvent facilement muter, entraînant un pouvoir pathogène variable, y compris au sein d’un même sérotype. Ils sont endémiques en Afrique et plus globalement dans les zones tropicales à subtropicales.

… en lien avec les échanges internationaux et l’activité des vecteurs

Plusieurs éléments peuvent expliquer l’arrivée de ces virus en Europe. Les culicoïdes ont des capacités de vol limitées mais les vents chauds leur ont permis de survoler la mer Méditerranée et ont permis l’introduction de la MHE 8 en Espagne et en Sicile. Pour la FCO, l’arrivée aux Pays Bas des sérotypes 8, puis 3 et enfin 12 est due aux mouvements internationaux et même si on n’a jamais pu identifier précisément l’origine de la contamination, la présence de moucherons dans des conteneurs de fleurs est une hypothèse sérieuse. Transmis par des culicoïdes africains ou méditerranéens comme C. imicola, les virus se sont parfaitement adaptés aux culicoïdes nordiques comme C. obsoletus ou C. pulicaris. Avec le changement climatique, plusieurs facteurs permettent d’expliquer la meilleure transmission de ces virus : une température moyenne plus favorable à la multiplication du virus dans l’hôte, moins de froid et donc une période d’activité des moucherons plus importante et des périodes humides très favorables à leur reproduction. Les mesures de contrôle des vecteurs étant très limitées, les seules solutions pour se protéger restent la vaccination et la santé globale des troupeaux.

Un retour d’expérience sur l’épisode de MHE 8 en 2023

Le Dr Jérôme Lafon, vétérinaire praticien à Oloron-Sainte-Marie (64) est venu témoigner de ce qu’il avait observé lors de l’arrivée de la MHE 8 en France à l’été 2023. Les informations venant d’Espagne étaient contradictoires et globalement, ils ont été surpris par l’ampleur et la violence des symptômes observés. Le tableau clinique était semblable à celui de la FCO, avec abattement, lésions sur le mufle et dans la bouche, salivation, lésions podales et une hyperthermie variable. Rapidement, ils ont mis en place les traitements sur les animaux les plus atteints, principalement des anti-inflammatoires (AINS et corticoïdes) pour les soulager. Pour ceux qui n’arrivaient plus à boire, ils ont été perfusés ou abreuvés par drenchage. La maladie a touché très principalement les bovins et si la mortalité est restée faible (environ 0,5 %, surtout des animaux âgés), la morbidité a été beaucoup plus importante (13 % des bovins en moyenne) avec les impacts associés : avortements, mises bas prématurées avec vaches sans lait et de nombreux animaux devenus des non-valeurs économiques qu’il a fallu euthanasier plusieurs semaines ou mois plus tard. Une étude est en cours pour évaluer l’impact sur la reproduction et s’il ne semble pas y avoir de problème de stérilité sur les vaches, les taureaux atteints présentent souvent des lésions testiculaires avec une baisse de la fécondité. Le taux de bovins contaminés en 2023 a été variable suivant les cheptels ce qui peut expliquer la deuxième vague observée en cette fin d’année 2024, d’animaux non immunisés.

Une nécessaire adaptation des élevages à ces maladies vectorielles

La journée a été riche en échanges, instructive et force est de constater qu’il va falloir nous habituer à vivre avec ces vagues de maladies vectorielles. Elles entraînent des exigences commerciales avec la vaccination ou les PCR pour l’exportation, des négociations européennes sont en cours sur ce sujet. La Creuse n’a pas encore été impactée par la FCO 3 ou la MHE 8 (seulement deux foyers déclarés), plus que jamais la recommandation reste la même, protégez votre outil de travail ! Rapprochez-vous de votre vétérinaire pour déterminer le protocole le plus adapté à votre situation. Et pour avoir un troupeau plus résistant à tous ces aléas, la conduite de troupeau reste la principale mesure à mettre en œuvre, en gérant l’alimentation, la minéralisation au sens large, la gestion du parasitisme, l’alotement… Pour vous aider, votre vétérinaire et vous pouvez vous appuyer sur la boîte à outils GDS Creuse (kit parasitisme, dosage oligoéléments, transferts immunitaires…). Pour plus de renseignements, n’hésitez pas à nous contacter ou votre vétérinaire.

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