Les Jeunes Agriculteurs livrent leur vision de la gestion des risques
En congrès à Dunkerque du 6 au 8 juin, les JA veulent un budget européen élargi qui leur permette de développer une politique ambitieuse de gestion des risques.
Alors que la FNSEA et le Conseil de l'agriculture française (Caf) organiseront en octobre une journée dédiée à la gestion des risques, les Jeunes agriculteurs sont sortis du bois sur le sujet, à l'occasion de leur congrès qui se déroulait à Dunkerque, du 6 au 8 juin. Au cours d'une longue journée de débat, ils se sont mis d'accord, au travers de leur rapport d'orientation, sur une vision plutôt ambitieuse de la gestion des risques dans le cadre de la Pac.
D'abord cette vision se place dans le cadre d'un budget de la Pac devenu pluriannuel et revu à la hausse, malgré les menaces connues du Brexit et de nouvelles missions pressenties pour le budget européen (immigration, défense). Pour obtenir cette hausse, les Jeunes agriculteurs parient notamment sur leur proposition de distribuer une aide de base, non plus à l'hectare, mais à «l'actif agricole et à l'environnement».
Une telle clé de répartition permettrait de re-légitimer le budget de la Pac auprès des citoyens, estiment les JA. «C'est un des éléments de légitimité à travailler si l'on veut que les enveloppes destinées à la Pac progressent», a étayé l'eurodéputé socialiste Eric Andrieu, invité au congrès.
Chez les JA, cette réorientation vers l'emploi se conçoit en parallèle d'une réforme de la définition de l'actif agricole, qui permettrait de réserver une même enveloppe à un nombre plus restreint de bénéficiaires. «L'une des conditions de réussite réside dans la redéfinition de l'actif agricole», a expliqué le président des Jeunes agriculteurs, Jérémy Decerle.
Moduler les aides en fonction du prix de marché
Derrière les moyens, quels outils utiliser ? Les Jeunes agriculteurs n'en semblent écarter aucun dans leur proposition. Seule exception, l'idée de marché à terme, qu'ils ne mentionnent pas. La création d'un marché de référence pour le lait frais a été évoquée par le conseil d'administration, mais rejetée lors des débats.
La principale innovation de ce rapport consiste à reprendre, en partie, l'idée défendue par le think tank Momagri : moduler les aides en fonction du prix de marché. En complément de l'aide de base à l'actif, un soutien pourrait être versé par la puissance publique lorsque le prix de marché s'écartera trop à la baisse du «prix d'équilibre» des exploitations (-15 % chez les jeunes agriculteurs, -30 % chez les autres). Ce prix d'équilibre serait calculé par bassin de production, comme la somme des charges de l'exploitation, de sa «capacité d'investissement» et d'une «rémunération représentant 2 Smic». Ces aides s'appliqueraient à toutes les filières, explique-t-on chez JA.
Peu de données sur les budgets
Peu de données ont été fournies dans le rapport sur les budgets réservés aux aides de base et aux aides contracycliques, pas plus sur les montants d'aides touchées par type d'exploitation ou par filière. Le rapport indique seulement que pour financer l'aide «contracyclique» aux jeunes agriculteurs, une taxe de 1 % serait appliquée sur les produits, lorsque le prix de marché est supérieur de 30 % au prix d'équilibre.
En fin de débat, on peut retenir que les JA ont acté une baisse progressive de l'enveloppement globale dédiée aux paiements directs en faveur de celle consacrée aux outils de gestion des risques. «Peut-être que nous irons chercher des sous dans les paiements de base, nous ne nous en sommes jamais cachés», a expliqué Jérémy Decerle en conférence de presse. «L'idéal serait que nous n'ayons pas besoin d'utiliser les enveloppes des outils de gestion des risques», commente l'un des rapporteurs, Baptiste Gatouillat. Justement, pour diminuer les aléas, les Jeunes agriculteurs proposent aussi de diminuer les risques en régulant les volumes par filière au niveau européen au travers des interprofessions. L'idée d'une intervention forte par le stockage, mise en avant dans le rapport d'orientation initial, a été largement amoindrie lors des débats. Cette intervention se limiterait aux cas exceptionnels (par exemple l'embargo russe).
Lors du congrès, les discussions ont notamment porté sur la perspective d'une baisse des aides directes engendrée par la transition vers des soutiens s'appuyant sur les outils de gestion de risques. Des régions comme l'Île-de-France, le Centre ou le Grand-Est ont émis des inquiétudes, voire un peu d'aigreur, à voir les DPB baisser, demandant notamment des garde-fous. D'autres régions, comme l'Occitanie, se sont positionnées en faveur d'une franche transition vers les outils de gestion des risques.
Renforcer les aides aux fonds de mutualisation
Dans leur rapport, les JA proposent de développer un autre outil de gestion du risque prix, déjà existant : les fonds de mutualisation. Les soutiens de l'État aux fonds de mutualisation se feraient pour des baisses de prix situés entre 20 et 30 %. L'Europe viendrait abonder à hauteur de 65 % les compensations versées par les fonds de mutualisation, jusqu'à 70 % maximum de la perte de revenu des agriculteurs.
Voilà pour la gestion de l'aléa de marché. Les JA veulent également développer la couverture de l'aléa climatique. «La solution passe par une somme d'outils», a expliqué Vincent Touzot, responsable du dossier Pac de JA. Du côté des aléas climatiques, les Jeunes agriculteurs plaident surtout pour le développement des assurances. Dans le cadre d'un renforcement du soutien aux assurances récolte, les JA demandent de passer de 600 millions d'euros à 1,2 milliard d'euros grâce à l'abaissement des taux de franchise et des seuils de déclenchement. Ils plaident également pour une refonte de l'assurance prairies, qui selon eux, «ne fonctionne pas». Ils proposent de la remplacer par une assurance fourrages, basée sur des analyses de terrain de la qualité des fourrages ramassés par les agriculteurs.
Un groupement pour une assurance mutualiste agricole
En matière d'an groupement pour une assurance mutualiste agricolessurance, les Jeunes agriculteurs ont dévoilé une vraie innovation avec la proposition, lors du congrès d’un Groupement pour une assurance mutualiste agricole (Gama). Il s'agirait d'une structure d'inspiration italienne, similaire au Condifesa, l'association italienne des agriculteurs assurés, expliquent les JA. Le but du Gama est «d'équilibrer les forces entre agriculteurs et assurances». Cette structure «à but non lucratif» aurait pour vocation de négocier plusieurs contrats d'assurances cadre avec l'État, «qui seront ensuite proposés aux assureurs chargés de les vendre». Le Gama permettrait également de fournir un «conseil indépendant» aux agriculteurs en matière de gestion des risques.
Au niveau de l'exploitation, les JA considèrent que les changements de pratiques ou le stockage de l'eau que les agriculteurs mettent en place sont aussi des outils de gestion des risques. Ils voudraient que ces investissements soient mieux reconnus, et même aidés.
Remplacer la dotation pour aléas
En matière de fiscalité, les JA proposent de supprimer la Dotation pour aléas (DPA) et de la remplacer par un compte épargne gestion des risques (CGR). Il fonctionnerait «sur le modèle du plan d'épargne logement». L'argent placé sur ce compte servira à des investissements de prévention des risques. Il serait déduit du résultat et «réintroduit sans pénalité l'année de retrait». Il serait rémunéré «sur la base du taux à 10 ans majoré de deux points».
En conclusion des débats sur le rapport d'orientation, les JA ont affronté un serpent de mer : l'obligation ou non de souscrire à un outil de gestion des risques. Le conseil d'administration avait proposé dans son rapport de rendre obligatoire une telle souscription. Mais à l'issue des débats, les JA ont reculé, et opté pour l'obligation de faire réaliser un audit de gestion des risques par le Gama. «À l'issue du congrès, nous considérons que si les outils sont performants, il n'est pas nécessaire de les rendre obligatoires», a expliqué Vincent Touzot, lors d'une table ronde le 8 juin.
Ce congrès l'a mis en évidence : même chez les plus jeunes, le développement des outils de gestion des risques agricoles est un sujet qui est encore loin de faire consensus.
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Et de conclure : «Sachez que vous avez un ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation à votre écoute !»
La table ronde «Quelle PAC pour répondre aux défis agricoles de l’Union Européenne ?» avec la participation d’un député européen et d’un vice-président du CEJA, a permis d’identifier et de comprendre les modifications et revendications du CEJA.
Léonie Accassat - JA43