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"Les dettes publiques préparent la prochaine crise"

Une conférence visant à analyser les origines de la crise économique actuelle s'est tenue à Lyon le 4 novembre dernier à l'initiative de la CRMCCA (Confédération régionale de la mutualité, de la coopération et du Crédit agricole de Rhône-Alpes). Les participants ont abordé les pratiques financières des dernières décennies et la reprise qu'ils jugent "fragile et chaotique".

Le président de la CRMCCA, Jean-Luc Flaugère, à l’origine de cette conférence entre information et formation des responsables agricoles régionaux de Rhône-Alpes et Auvergne.
Le président de la CRMCCA, Jean-Luc Flaugère, à l’origine de cette conférence entre information et formation des responsables agricoles régionaux de Rhône-Alpes et Auvergne.
© Apasec

La Confédération régionale de la mutualité, de la coopération et du Crédit agricole de Rhône-Alpes (CRMCCA), présidée par Jean-Luc Flaugère, a pris l’initiative d’une conférence pour analyser les origines de la crise économique actuelle. Bertrand Bardé, directeur des finances au Crédit agricole SA et Helman le Pas de Sécheval, directeur financier de Groupama SA ont, le 4 novembre à Lyon, traité des pratiques financières des dernières décennies et jugé la reprise observée
« fragile et chaotique ». D’autre part, ils pronostiquent une autre crise. Celle, « en 2014 ou 2015, des dettes publiques qui explosent dans les pays développés ».
L’actuelle crise économique trouve ses origines dans « le développement d’une économie mondialisée sans gouvernance mondiale ». L’économie libérale sans contrôle s’est fixé comme objectif de réaliser, sans retenues, le maximum de profits dans un minimum de temps avec des actionnaires exigeant 15% de rendement.  « C’était insoutenable et contraire à l’éthique », tranche Bertrand Badré. Mais cette dérive du libéralisme ne doit pas, pour autant, condamner le marché. « C’est un moyen qui facilite les échanges et crée de la richesse », estime Helman le Pas de Sécheval « même si, par nature, le marché est amoral ». Bertrand Bardé confirme ce jugement : « le marché est une force qui doit être contrôlée ». D’ailleurs, selon lui, la décision majeure des derniers G-20 est d’avoir enfin « institutionnalisé » une gouvernance mondiale de l’économie planétaire.

« La mère de toutes les crises »

À la différence des autres crises connues depuis la fin de la dernière guerre, celle-ci se caractérise par sa globalisation. Non seulement elle a été mondiale, mais, en plus, elle a affecté tous les secteurs d’activité. Bertrand Badré évoque « la mère de toutes les crises » à la fois immobilière, bancaire, pétrolière, économique. Celle aussi de l’explosion des écarts de salaires entre les plus faibles et les plus élevés posant la question centrale « du mode de développement et de vie que nous voulons pour les cinquante prochaines années ? », interroge Bertrand Bardé. « Pendant les trente dernières années, nous avons confondu croissance et développement », ajoute-t-il. Pourtant, l’une, la croissance, nourrit les prochaines crises et l’autre, le développement, construit durablement les sociétés.

Menace sur les salaires

Désormais nous devons compter avec un autre monde. L’ancien, celui de la domination sans partage des pays riches et industrialisés, a vécu. Le monde a basculé. La croissance, pas forcément le développement, s’est fixée en Chine, en Inde, au Brésil… Ces pays ont pour eux la démographie, la capacité de produire à des coûts sans comparaison avec les nôtres, ils maîtrisent la plupart des technologies modernes et disposent, avec les pays du Golfe, d’une immense réserve de devises. « La Chine épargne 40 % de son produit intérieur brut, les Etats-Unis entre 1 et 5% et la France entre 15 et 17% », alerte Helman de Pas de Sécheval. L’argent n’est plus chez nous et la croissance massive et durable non plus ! « Aux derniers G-20, les patrons, c’étaient les chinois », reconnaît Bertrand Badré. Pour l’un comme pour l’autre des spécialistes, la sortie de crise aujourd’hui évoquée concerne surtout le secteur bancaire et les grandes entreprises. Pas les petites et moyennes entreprises ni les ménages qui restent dans une situation économique précaire. Et ce n’est pas fini. Helman de Pas de Sénéchal prévoit une forte pression sur les salaires : « les entreprises ont réduit leurs coûts, taillé dans leurs charges nos stratégiques, déstocké et rogné sur leurs investissements. Aujourd’hui, il ne leur reste plus que « l’ajustement des salaires » pour résister à la crise. « Cette pression sur les ménages sera durable et constitue un frein majeur à la relance », fondée, en France, essentiellement sur la consommation. Enfin, toute la question est maintenant de savoir quant, il faut débrancher l’économie des perfusions financières qu’elle reçoit des états ?

Les dangers du protectionnisme

Face à cette situation, la tentation du repli sur soi est grande. Certaines voix en appellent à la fermeture de nos frontières et au protectionnisme. Pour répondre, les deux intervenants convoquent l’histoire et la crise de 1929 : « le choix du protectionnisme avait alors conduit à la dépression de l’économie mondiale » et, finalement, à la deuxième guerre mondiale. Il y a 20 ans, l’effondrement du mur de Berlin a mis fin à un système politique insoutenable. La crise que nous traversons met fin à un autre système sans rival dont le profit immédiat était le cœur battant. Comme l’indique Bertrand Badré, « il ne nous reste plus qu’à inventer un nouveau modèle de développement » où l’Homme, son respect, son progrès et son bien être seraient enfin au cœur de l’économie et l’économie au service de l’humanité. On dirait le mutualisme !

Le grand emprunt

Le grand emprunt lancé par la France est qualifié par les deux intervenants de « vaste opération de communication ». La France emprunte déjà tous les jours. De plus, explique Bertrand Badré, cette opération n’est pas très « pédagogique ». Si un client vient voir son banquier en lui disant : « je veux de l’argent, mais je ne sais pas pour quoi faire, le banquier lui répondra : réfléchissez d’abord à un projet et vous reviendrez me voir après ! ».

Les protections sociales

Pour Helman de Pas de Sécheval, les protections sociales sont, en période d’euphorie économique, des freins au développement. Mais en période de crise, ils sont de précieux amortisseurs qui limitent les effets de la crise. L’enjeu, dans une société équilibrée, est de conserver les bons outils sociaux à des niveaux de coûts acceptables par l’économie.

Les réformes

Bertrand Badré rapporte une remarque de Michel Camdessus, l’ancien directeur général français du FMI qui disait : « C’est difficile de réformer un pays en crise. Mais c’est impossible, quand il n’est pas en crise ! ».

L’Europe

Selon Bertrand Badré, la chance de la France, « c’est la construction de l’Europe, pour résister à l’irrésistible montée en puissance de la Chine et de l’Inde et de leurs deux milliards d’habitants ».

Les profits des banques

En faillite hier, les banques renouent avec des profits importants aujourd’hui. L’explication tient dans le fait que les banques centrales prêtent de l’argent « artificiellement bas » à 1% ; un argent remis sur le marché par les banques à un taux plus élevé. Les financiers appellent cette opération « la pente de la courbe des prêts bancaires ». Le directeur général du Crédit agricole déclarait récemment que sa banque avait besoin d’un demi-point d’intérêt pour financer son risque, son fonctionnement et ses résultats.

Comment résorber les dettes publiques accumulées ?

À la crise financière et économique s’ajoute maintenant la monstrueuse dette des états industrialisés. La dette des ménages, des entreprises et de l’état atteint aux Etats-Unis 40 000 milliards de dollars.
Une dette qui, selon certains observateurs, ne sera jamais remboursée ! En 1929, en pleine crise économique,
les Etats-Unis ont une dette globale (ménages, entreprises et État) égale à 130 % de leur produit intérieur brut. Elle est aujourd’hui de 230 % ! Pour éviter la faillite, les Américains empruntent 2 milliards de dollars par jour ! Les Japonais sont à la même enseigne et des pays européens comme l’Irlande, la Grèce ou les Pays Baltes ne sont pas mieux lotis. L’Islande est en faillite et la France a vu sa dette publique, celle de l’État, passer de 26 % de son PIB en 1980 à 68 % en 2008. Elle sera de 77 % en 2009 et de 88 % en 2012 ! Le déficit budgétaire de la France passe de 3,4 % du PIB en 2008 à presque 8 % en 2009 et 8,2 % en 2010. Nous sommes loin des 3 % recommandés par Maastricht qu’on nous présentait comme « un seuil infranchissable ! ».
Le seul remboursement des intérêts de la dette française, estimée à 1 400 milliards d’euros, absorbe déjà plus que ne rapporte l’impôt sur le revenu. Selon les spécialistes du Crédit agricole et de Groupama, la dette est supportable « aussi longtemps que les marchés acceptent de prêter à la France »

 

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