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« Les animaux sont un miroir de notre comportement »

Biologiste et éthologiste à l’INRA, Xavier Boivin remet de l’ordre et surtout des faits dans cette relation tant décriée entre les éleveurs et leurs animaux.

Xavier Boivin, biologiste et éthologiste à l’INRA travaille depuis plus de 30 ans sur les relations entre les éleveurs et leurs animaux.
Xavier Boivin, biologiste et éthologiste à l’INRA travaille depuis plus de 30 ans sur les relations entre les éleveurs et leurs animaux.
© M. Comte

Comment se traduit le bien-être animal ? Quelle relation les animaux établissent-ils avec les hommes, et comment les hommes intéragissent avec les animaux ?
Autant d’interrogations qui, à en croire la conscience collective, sont le fruit de réflexions récentes. Pourtant, Xavier Boivin, biologiste et éthologiste à l’INRA de Theix travaille depuis trente ans sur le comportement des animaux d’élevages. À son actif, il cumule des milliers d’heures d’observations des animaux mais aussi des hommes. Un regard et surtout un avis consensuel rare, à l’heure où les passions se déchaînent autour de la relation homme/animal.

Peut-on définir le bien-être animal ?
Nous sommes capables aujourd’hui de mesurer le rythme cardiaque des animaux, leur taux d’hormones… La science découvre et redécouvre la conscience animale. Nous connaissons de mieux en mieux leur perception du monde. Mais dans la vraie vie, lorsque l’on parle de bien-être animal, on demande aux citoyens ou aux éleveurs de définir ce qu’est un cochon heureux. C’est purement et simplement de l’anthropomorphisme. Le bien-être d’un animal est, comme celui de l’être humain, très individuel. Deux vaches, élevées de la même manière, dans les mêmes conditions, n’auront pas le même ressenti. Quant à dire qu’un animal, en complète liberté, est adapté à la vie sauvage… C’est pour moi biologiste et éthologiste, un non-sens. Un animal en proie à lutter quotidiennement pour manger, boire, survivre aux prédateurs et aux parasites, ressent-il plus de bien-être qu’une vache ou un cochon élevés dans une ferme ?

C’est pourtant le discours largement soutenu par les associations de protection animale et, de ce fait, à charge contre les éleveurs ?
La société des médias et nous, les citoyens, sommes schizophrènes dans nos avis. Un jour, nous votons contre l’« industrialisation » des animaux et le lendemain nous mangeons une entrecôte dans un restaurant ! Notre réflexion est mise à mal par ces discours anthropomorphes formatés faisant appel à notre émotion et notre culpabilité. Nous sommes en démocratie. Oui, la question du bien-être animal doit être posée. C’est un processus de maturation de la société, à condition qu’un consensus soit trouvé. Les gens doivent réveiller leur sens critique et se poser des questions.
Il faut arrêter de stigmatiser une profession, comme le font certaines associations, par le biais de situations individuelles. Ces associations ne prennent aucunement en compte les difficultés économiques et sociales que peut traverser un éleveur. Au contraire, s’il est dans une situation critique, elles le blâment encore davantage. Quelle est alors la responsabilité de L 214 ou de toutes autres associations, si l’éleveur pointé du doigt la veille, se suicide le lendemain ? En observant les animaux, je me suis aperçu que j’observais aussi les hommes. Et je mets au défi tous les « y’a qu’à, faut qu’on », d’un bord ou d’un autre, d’en faire autant ! Le bien-être animal découle principalement d’un comportement humain plutôt que d’une pratique d’élevage globale (intensive, biologique, extensive…).

La relation entre l’éleveur et ses animaux est donc la clé du bien-être animal ?
Les pratiques relationnelles établies par l’éleveur avec son animal sont déterminantes dans la vie de l’un et de l’autre. Tous les éleveurs savent qu’en caressant leurs vaches, en leur parlant, en restant calme, ils entrent dans un cercle vertueux où l’animal est apaisé lors des différentes manipulations. Sans le savoir, ils agissent certes sur leur bien-être au travail mais aussi sur celui de leurs animaux. Malheureusement, le discours actuel diffusé dans les médias est simpliste. Par exemple, l’éleveur porcin de Bretagne ne serait pas un éleveur attaché à ses animaux, du fait de l’industrialisation de son modèle. Et a contrario, il sous-entend qu’un éleveur en agriculture biologique serait plus vertueux que son confrère. C’est très facile d’être dans la peau du procureur et d’occulter tous les aspects environnementaux, sociaux et économiques ! J’ai observé tous ces éleveurs. J’ai vu avant tout des hommes, certains très attentifs à leurs animaux et d’autres plus réservés dans leur contact avec leurs bêtes.

Malheureusement les attaques sont dirigées vers toute une profession arrivant même à faire douter les éleveurs… Quelle réponse leur apporter ?
On peut mesurer scientifiquement les réactions des animaux vis-à-vis d’une situation. De nombreuses évolutions en matière d’élevage ont eu lieu dans le sens du bien-être animal. Certaines pratiques ont été stoppées. D’autres plus respectueuses les ont remplacées. Encore une fois, il serait trop simpliste de répondre à ces questions sans intégrer l’environnement, le social et l’économique. Une certitude est que l’éleveur reste celui qui reconnaît le mieux les changements imperceptibles de ses animaux.
Au regard de ces attaques, les éleveurs me disent souvent qu’ils sont fiers de leur métier parce qu’ils nourrissent la population. Ils disent aussi qu’ils aiment leurs animaux et qu’ils s’en sentent responsables. C’est quoi être responsable ? Si vous ne doutez jamais et ne vous posez pas la question du bien-être de vos animaux, vous êtes irresponsables. Or, tous les jours vous recherchez leur bien-être par différentes pratiques. Anticiper plusieurs jours à l’avance qu’une vache va être malade, c’est une question de bien-être. Les animaux sont un miroir de notre comportement. Ils se souviennent de toutes leurs interactions avec l’homme et les mauvaises restent plus facilement en mémoire que les bonnes. Soyez au contact de vos animaux et servez-vous de la nouvelle technologie pour améliorer cette relation. Pressez-vous lentement, avancez à leur allure.

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