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« L'élevage ovin n'a pas à rougir en matière de durabilité »

Interview de Michèle Boudoin, présidente de la Fédération nationale ovine.

Michèle Boudoin, présidente de la Fédération nationale ovine.
Michèle Boudoin, présidente de la Fédération nationale ovine.
© DR

Le congrès annuel de la FNO qui se tient en marge du salon Tech Ovin les 7 et 8 septembre prochains à Limoges examinera les atouts et les enjeux de la durabilité pour la production ovine française. Pour sa présidente, les efforts de la filière dans cette voie ne sauraient être remis en cause par les risques liés à la prédation ou par la signature des accords de libre-échange.

Vous avez choisi de consacrer particulièrement votre congrès aux questions de durabilité de la production ovine. Pour quelles raisons ?
Dans un contexte anxiogène pour les éleveurs, de la montée en puissance des anti-viandes aux contraintes réglementaires, en passant par les incertitudes économiques et climatiques, il nous a paru important de mettre en lumière les initiatives portées par la profession pour engager la production ovine dans la durabilité. Dans ce domaine, nous n'avons pas à rougir, loin de là, et il s'agit de le dire haut et fort. Les éleveurs français oeuvrent à la souveraineté alimentaire en s'appuyant sur une grande diversité de races et sur des systèmes adaptés aux différents territoires. Pour résister aux contraintes économiques, cette filière a appris de longue date à être économe en ressources et à apporter des externalités positives qui répondent aux demandes de nos concitoyens. C'est de cela que nous entendons notamment parler avec un grand témoin extérieur à notre univers, l'écologue Frédéric Denhez, de manière à engager un dialogue constructif avec la société.

Dans ce domaine, existe-t-il encore des choses à améliorer ?
Bien sûr. Pour nous adapter au réchauffement, nous avons déjà décalé les périodes d'agnelage, mais nous devons aussi développer l'autonomie fourragère ou encore nous appuyer sur la génétique pour lutter contre les problèmes sanitaires que favorise le dérèglement climatique. Pour mieux cerner les grands enjeux de la durabilité, nous avons demandé à notre ancien collègue Emmanuel Coste aujourd'hui expert missionné par la Confédération nationale de l'élevage et Interbev à la FAO de présenter les travaux menés dans cette institution sur les modèles d'élevage durable. Sindy Throude, de l'Idele, présentera de son côté l'état l'avancement du programme européen GreenSheep, une démarche d'élevages ovins bas carbone engagée au niveau européen.

Les élevages ovins ont-ils répondu présent pour s'engager dans ce programme ?
On peut le dire, oui, puisque 885 fermes, dont 700 en ovins viande et 185 en ovins lait, mèneront un diagnostic CAP2ER et alimenteront la base de données nationale en matière d'empreinte carbone et de performances de durabilité. Nous avons par ailleurs identifié 211 fermes déjà engagées, qui testeront des leviers d'action innovants bas carbone et durables.

Il y a deux mois, les organisations professionnelles agricoles claquaient la porte du Groupe national loup, estimant notamment que les effectifs de canidés étaient sous-estimés. Alors que l'annonce du prochain Plan national d'action 2024-2028 se profile, le dialogue a-t-il été renoué depuis avec les autorités ?
En accord avec les autres OPA, nous avons en effet invité cet été la préfète Fabienne Buccio, coordinatrice du Plan loup, à venir à la rencontre des éleveurs pour qu'elle se rende compte de la situation sur le terrain. C'est ce qu'elle a fait le 21 juillet, dans les Alpes-de-Haute-Provence et la rencontre a, je crois, été fructueuse. Parallèlement, notre réseau dans les départements s'est fortement mobilisé, dans le Puy-de-Dôme, en Haute-Loire ou en Isère, pour réclamer la mise en place simplifiée des tirs de défense et un comptage plus sérieux de la population de loups. Sur ces questions, nous attendons des réponses des pouvoirs publics dès notre congrès. Notre objectif n'est pas de chasser le loup mais que son comportement change pour que nous travaillions dans la sérénité. Nous préférons aussi que les budgets européens aillent à l'investissement en faveur des agriculteurs plutôt qu'à la prévention de la prédation.

L'été a été également marqué par la signature de l'accord de libre-échange entre l'UE et la Nouvelle-Zélande. En redoutez-vous ses conséquences mais aussi celles d'un éventuel accord commercial avec l'Australie ?
Bien sûr. La perspective d'une augmentation de 38 000 tonnes des importations néo-zélandaises est une véritable menace pour la filière européenne. Il suffirait que la Chine ferme ses frontières pour que demain ces volumes débarquent en Europe. Je suis également choqué par l'absence de mesures-miroir en dehors de celle, dérisoire, de « l'élevage à l'herbe ». L'accord ne tient même pas compte de l'utilisation dans ce pays de l'atrazine, interdite depuis vingt ans en Europe.
La question de l'Australie est un autre motif d'inquiétude. Depuis que le Royaume-Uni a signé en 2021 un accord bilatéral avec ce pays, il existe un risque qu'une partie de ces flux arrivent chez nous comme par un cheval de Troie. Quant au cadre de discussion actuel entre l'UE et l'Australie, il est très alarmant, l'Australie demandant un quota de 150 000 tonnes, contre 3 800 aujourd'hui ! Que restera-t-il de la filière européenne dans ce cas-là ? La Commission poursuit aveuglement ses décisions prises en 2019 avec le Green Deal et Farm to Fork sans tenir compte de la pandémie de 2020 qui a bouleversé les échanges en fragilisant la souveraineté et de la guerre provoquée par les Russes en Ukraine qui perturbe le marché mondial des céréales pouvant entraîner des famines dans le reste du monde... La Commission ne tient pas compte de ces éléments majeurs, pas d'études d'impacts ! C'est d'une incohérence totale !

Serez-vous candidate à votre réélection ?
Oui, nous allons solliciter à nouveau la confiance du conseil d'administration après le congrès pour constituer un nouveau bureau avec Brigitte Singla. Ce sera dans tous les cas mon dernier mandat. Notre volonté avec Brigitte est d'associer un groupe de jeunes éleveurs dès maintenant pour transmettre le relais dans de bonnes conditions dans trois ans.

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