L’élevage ovin en Bourbonnais est en phase avec les attentes des consommateurs
Sur le terrain, le regain d’intérêt pour la filière est notable. Rencontre avec les éleveurs bourbonnais.
Difficile de se voiler la face. La production ovine a essuyé des plâtres depuis 30 ans. Les distorsion de concurrence, notamment face à des pays comme le Royaume Uni ou la Nouvelle Zélande, ont sérieusement contraint les ambitions d’installation et fait littéralement chuter le cheptel national : malgré une stagnation depuis quelques années, en 2018, le mouton français ne fournit plus que 45 % de la viande ovine consommée dans le pays. « Mais je pense qu’aujourd’hui on peut dire que l’élevage bourbonnais est ressorti plus fort de cette crise douloureuse », analyse Olivier Melloux, responsable Sicaba : l’abattoir valorise 65 000 ovins par an en direction de la région parisienne, de la Côte d’Azur, mais également de la zone lyonnaise jusqu’à Annecy/Genève et plusieurs boucheries de détail dans l’Est. « Les Maistre font partie de ces éleveurs qui ont su mettre en place les bons outils pour tenir bon, et même devenir encore meilleurs », souligne Patrice Abdalla, président du SEMA. Leur troupeau est, en effet, mené d’une main de « Maistre ». Des investissements raisonnés et une gestion prudente des aides ont rendu l’exploitation viable. Au total, 412 brebis inscrites, dont 90 primipares, 330 race Ile-de-France et 82 race Texel, élevées en plein air sur les hauteurs magnifiques du bocage bourbonnais et sous sept tunnels, « 10 ans d’investissements pour nous », explique Thierry Piccand. Le cadre aurait de quoi faire rêver les consommateurs les plus inquiets : quand le duo déploie ses chiens de bergers (Border et Beauceron LOF) pour mener le troupeau, le spectacle est féérique. « 80 % du cheptel bourbonnais évolue en zone herbagère, souligne Patrice Abdalla : l’avantage de notre production, c’est qu’elle colle parfaitement aux nouvelles attentes du consommateur en matière de qualité ».
Et bien au-delà du cadre, l’exploitation a choisi de déployer une technicité précise. Les Maistre ont ainsi voulu atteindre l’autonomie alimentaire. Sur les 92,23 ha de SAU, ils comptent 75,28 ha de prairies permanentes, 16,95 ha de prairies temporaires, 30 ha de foin chaque année et 4 à 5 ha de pairies refaites chaque année. Côté troupeau, deux périodes de mise bas, mi-novembre pour 52 Ile-de-France en IA, et de février à mai pour 263 Ile-de-France et 63 Texel sur lutte naturelle. « Les agnelles Texel sont mises en lutte naturelle à 18 mois, expliquent-ils. Les agnelles Ile de France nées au printemps sont luttées en IA à 15 mois et les agnelles Ile-de-France nées en novembre sont mises en lutte naturelle à 10 mois ». Le choix de la sélection a été salutaire. Leurs résultats techniques sont impressionnants pour 2017-2018 : fertilité moyenne de 82,2 %, prolificité à 164,5 % et tout juste 10 % de mortalité. La productivité par brebis luttée monte à 121,5 % !
Bien gérer les charges
Sur le bassin charolais (03,58,71), il faut une production de 13 tonnes eqc (équivalent carcasse) pour une rémunération d’environ deux Smic par UMO ovine rémunéré. « La clé du succès pour assurer la rentabilité en élevage ovin se joue beaucoup sur la gestion des charges », conclut Karelle Tourret, agent à la Chambre d’agriculture. « Il faut pouvoir assurer une productivité suffisante et surtout maîtriser ses coûts », a-t-elle insisté.
Les élevages ovins encore plus touchés par la sécheresse
82 % : c’est la part moyenne d’herbe dans la ration alimentaire d’une brebis allaitante en France. « C’est pour cette raison que les éleveurs ovins sont particulièrement touchés par la sécheresse », explique Franck Doriat, technicien à la Chambre d’agriculture de l’Allier. Les agents de la Chambre mettent à disposition un certain nombre de conseils après les deux sécheresses d’été et d’automne. D’abord, économiser. Privilégier les catégories d’animaux à forts besoins et/ou à faible capacité d’ingestion ; trier et alloter les animaux (vides/pleines-simples/doubles) ; engraisser les agneaux à la paille ; limiter le libre-service ; attention à la décapitalisation du cheptel. Ensuite, substituer. Réduire la distribution de fourrages grossiers (maxi 20 %) et augmenter la part de concentrés ; pailler avec les refus, des plaquettes de bois, de la dolomie… ; favoriser le pâturage hivernal ; valoriser des cultures dérobées ou inter-cultures, déprimage rapide des cultures (avant stade épi un cm). Et enfin, préparer l’avenir. Pour les animaux : préserver les performances des brebis au printemps en veillant au maintien de l’équilibre de la ration (apport en vitamines et oligo-éléments) et en surveillant le parasitisme. Pour les prairies : reconstituer les stocks 2019 grâce à des sur-semis et/ou hersage des prairies dégradées, à la fertilisation et enfin à la récolte des céréales immatures suivie d’une dérobée, etc.