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Le vautour aurait-il changé de comportement ?

Une centaine de vautours attaque mortellement des animaux vivants et en bonne santé dans le secteur du Sancy. Un comportement « anormal » dont les raisons restent inexpliquées…

Stupeur et inquiétude ! Les éleveurs du Sancy habitués depuis quelques années à voir tournoyer localement de petites compagnies de 3 à 5 vautours constatent, cet été, leur présence en nombre. « Ce printemps nous avons aperçu des bandes composées d’une cinquantaine de vautours puis 5 à 6 jours après ils étaient près de 150 ! C’est la première fois que l’on voit ça dans la Sancy qui est pourtant uniquement un lieu de passage pour cette espèce » explique Eric Sarliève, éleveur d’Aubrac à Chambon-sur-Lac.

Les premières « attaques » ont débuté le 12 août dernier sur l’estive de la montagne de la plate (400 ha) où les éleveurs locaux mais aussi lozériens et aveyronnais mettent leurs animaux. Ce jour-là, alertés par un promeneur, ils assistent impuissants au « gueuleton » des vautours. Des carcasses de veaux, de broutards et de vache gisent déjà au sol. Un spectacle effroyable et inacceptable pour les cinq éleveurs de l’estive qui à ce jour ont perdu près de 22 bêtes, « plutôt des animaux jeunes » précise Eric Sarliève. La plus grosse perte touche un éleveur aveyronnais dont 9 broutards et une vache ont été attaqués par les vautours en l’espace de 2 à 3 jours seulement

Des questions et peu de réponses…

L’effet de stupeur passé, un sentiment d’incompréhension et de colère prend le dessus, car le phénomène est inédit : attaques sur animaux vivants, nombre de rapaces en présence, attaques collectives…de nombreuses questions restent sans réponses.

D’où viennent ces vautours ? Comment se fait-il qu’un charognard s’attaque à des bovins bien vivants et en bonne santé ? Ces rapaces sont-ils susceptibles de s’installer durablement sur le secteur ? Et si oui, qu’en sera-t-il de la sérénité des éleveurs et de leurs troupeaux ? Est-ce la faim qui explique ces prédations ? Ou la domestication de l’animal ? On sait que plus au sud, sur les Causses, un programme de réintroduction du vautour est en place depuis de longues années. Ces populations sont-elles suffisamment régulées et maîtrisées ?

Bref, à ce jour, les éleveurs restent avec leurs interrogations, leurs inquiétudes, et la perte d’animaux sans possibilité d’indemnisation ; car il n’existe pas de plan de protection contre le vautour et les assurances ne prennent pas en charge ce type de perte.

 

Un comportement « anormal »

N’est-on pas face à une évolution de comportement du vautour ? s’interrogent les éleveurs. Christophe Ayral, directeur du GDS du Puy-de-Dôme, rappelle que le vautour est avant tout un charognard et non un rapace ; « il est attiré par une proie en train d’agoniser ou morte ; mais s’il a faim il peut se tourner vers un animal vulnérable ou fragilisé ». Cette vulnérabilité peut-elle être causée par le comportement des vautours ? Les éleveurs ont en effet constaté que les rapaces agissaient en bande de manière «stratégique» : certains d’entre eux positionnés à proximité des points d’abreuvement empêchent les bovins de s’approcher, pendant que d’autres tournoient au-dessus des veaux et affolent les mères qui se regroupent en cercle et ne vont plus boire ni manger. Apeurés et effarouchés par les vautours, qu’ils n’ont pas l’habitude de croiser, les troupeaux sont alors fragilisés et affaiblis…et deviennent des proies potentielles. « Un comportement anormal » remarqué également par l’Office Français de la Biodiversité (OFB)(1) venu constater les dégâts et qui s’inquiète de l’extension de la population des vautours. Dans le cadre d’une entrevue sollicitée par la FNO(2), l’OFB a d’ailleurs confirmé l’accroissement de l’espèce et la colonisation de nouvelles zones. Quant aux pics d’attaques constatés au printemps et cet été ils seraient, selon l’OFB, notamment liés à « un besoin alimentaire supérieur avec la naissance des petits et une vulnérabilité accrue avec les mises-bas ».

 

(1) Depuis le 1er janvier 2020 avec la loi n°2019-773 du 24 juillet 2019, l’Agence française pour la biodiversité et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage sont regroupés au sein du nouvel Office Français de la Biodiversité (OFB), sous la tutelle du ministère de la Transition écologique et solidaire et du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation.

(2) Fédération Nationale Ovine

Elle a dIt...

Sabine Tholoniat, présidente de la FNSEA 63

Les attaques des vautours sur des troupeaux de bovins vivants et en bonne santé sont totalement inédites. C’est véritablement la première fois que l’on assiste impuissants à ce type de prédation. Comment sommes-nous arrivés à de telles extrêmes sur des sites où le rapace est habituellement discret et de passage ? Le traitement de cette espèces sauvage comme une espèce domestique est peut-être un premier élément de réponse. La mise en place de charniers ou placettes pour nourrir les vautours a modifié les habitudes de cet animal sauvage et favorisé sa reproduction. Aujourd’hui on constate alors un phénomène de surpopulation. La nourriture « domestique » n’est plus suffisante poussant les vautours à aller plus loin. La régulation de ces populations est donc indispensable.

Nous demandons par ailleurs au Préfet que des analyses soient réalisées à la fois sur les vautours (fientes) et sur l’eau des points d’abreuvement afin de vérifier d’éventuels risques de contamination des troupeaux. Des morts subites et inexpliquées ont en effet été signifiées ; faut-il les lier à la présence des vautours ? Seules des analyses poussées le diront. Les services de l’Etat doivent prendre leurs responsabilités pour stopper ce massacre et faire en sorte que ces évènements tragiques pour les éleveurs ne se reproduisent plus.

 

Propos recueillis par C.Rolle

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