"Des engagements ont été pris vis à vis du monde agricole, il faut qu'ils soient tenus"
À la veille des élections aux Chambres d'agriculture, Patrick Bénézit, président de la Fédération nationale bovine et second vice-président de la FNSEA revient sur le travail engagé. Entre acquis, combativité et détermination.
À la veille des élections aux Chambres d'agriculture, Patrick Bénézit, président de la Fédération nationale bovine et second vice-président de la FNSEA revient sur le travail engagé. Entre acquis, combativité et détermination.
La dissolution de l'Assemblée nationale en juillet dernier, puis la censure du Gouvernement Barnier ont mis un coup d'arrêt aux mesures obtenues par le réseau FNSEA-JA suite à d'importantes mobilisations démarrées il y a quasiment un an jour pour jour. Où en sommes-nous aujourd'hui ?
Patrick Bénézit : Des engagements avaient été pris par le Gouvernement Attal, suite aux manifestations FNSEA-JA de l'hiver dernier. Et il a fallu redoubler de ténacité pour qu'enfin ces mesures soient clairement écrites. En octobre, le Gouvernement Barnier et la ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, ont remis l'ouvrage sur le métier avec la volonté de tenir les engagements pris par leurs prédécesseurs. La censure a mis en attente un certain nombre de mesures. Rappelons qu'il s'agit de plus de 400 millions d'euros fléchés pour redonner des perspectives aux agricultrices et agriculteurs de ce pays que nous avons négociés pied à pied.
Très concrètement, quelles sont les mesures attendues en faveur de l'agriculture ?
P.B. : Il y a d'abord la mesure « provision élevage », obtenue au Sommet de l'Élevage 2023, mais jamais appliquée, qui doit permettre de défiscaliser 15 000 euros par actif. Provision non réintégrable sur le plan fiscal et social, cette mesure est très importante pour les éleveurs au réel. Pour les éleveurs au forfait, nous avons d'ores et déjà obtenu une revalorisation du plafond de 90 000 à 120 000 euros. Dans le projet de loi de finances initial ainsi que dans le PLFSS (projet de loi de finances de la sécurité sociale), figuraient également la non-réintégration fiscale de 30% de la DPE, la mesure GNR avec un blocage du tarif à 3,86 centimes d'euros par litre, alors qu'il devait progressivement passer de 3,86 à 23,81 centimes d'euro par litre entre 2024 et 2030. À noter, que pour 2024, nous avons déjà obtenu la non-avance de la taxe sur le GNR. Sur le plan social, là aussi, les avancées attendues ne sont pas négligeables : exonération des charges sociales pour les emplois saisonniers, prise en compte des 25 meilleures années pour le calcul des retraites agricoles, le crédit d'impôt pour le remplacement… Des promesses ont été faites par les gouvernements successifs. Elles doivent désormais se concrétiser rapidement avant la clôture des exercices comptables. Nous comptons sur tous les parlementaires pour que le prochain budget soit mis en œuvre le plus rapidement possible.
Si des engagements n'ont pas atterri au printemps dernier avant la dissolution, il y avait aussi une certaine volonté du Gouvernement Attal d'essayer de diviser la profession. Nous avons tenu la barre. Tous les engagements aboutiront si on reste unis derrière l'étendard FNSEA-JA ».
Sur la question des prix agricoles, et de la place des producteurs dans leur construction, là aussi, il y a une attente forte des agriculteurs pour muscler la loi Egalim…
P.B. : Les Egalim, en mettant en avant les indicateurs de coûts de production, ont apporté une dynamique sur les prix. En production viande bovine, même si du travail reste à mener sur les animaux finis, le prix des broutards atteint enfin le coût de production. Cependant, pour s'inscrire dans la durée, la loi Egalim a besoin d'ajustements. L'encadrement des promotions, le seuil de revente à perte… entre autres mesures qui étaient jusqu'alors à l'essai doivent désormais être inscrites dans le marbre. Le respect des indicateurs de coût de production comme la transparence sur l'origine des produits sont des préoccupations de chaque instant.
La perspective d'un accord commercial entre l'Europe et les pays du Mercosur inquiète les agriculteurs. Comment la France peut-elle s'y opposer ?
P.B. : La France doit impérativement activer son droit de véto pour empêcher l'accord commercial avec le Mercosur. Malgré les engagements pris par la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen à Montevideo début décembre, l'affaire n'est pas bouclée. Les Italiens sont prêts à nous suivre. Le mandat donné à la Commission a un caractère mixte qui confère à chaque pays un droit de véto. À ce titre-là, il n'a jamais été enlevé à la France ni à aucun autre pays. Au-delà de la nécessité de disposer d'une minorité de blocage, la France peut faire valoir son droit de véto. Le président Macron doit l'actionner. Même si la partie est loin d'être gagnée, les mobilisations d'octobre du réseau FNSEA-JA ont très clairement fait changer la donne.
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Sur le volet réglementaire, la mobilisation des agriculteurs a également payé…Quelles sont les principales avancées ?
P.B. : Nous avons réussi à sortir les bovins de la directive IED (installations classées), ce qui était loin d'être gagné. Des avancées ont également été obtenues sur les zones humides et les prairies contribuant à desserrer l'étau qui enferme les paysans. Enfin, au chapitre climatique, nous attendons la parution du décret permettant aux éleveurs de contester l'indice satellitaire qui ne voit ni la sécheresse, ni la grêle, ni les inondations… Ils pourront dans ce cadre bénéficier d'expertises terrain fiables et rapides dans leur cour de ferme.
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FCO, MHE… l'élevage a encore subi un lourd tribut des problématiques sanitaires en 2024. Quel bilan peut-on faire des indemnisations ?
P.B. : Nous avons obtenu plusieurs programmes d'indemnisation. Les dégâts sur les ovins touchés par la FCO-8 ont été compliqués à obtenir, mais nous y sommes parvenus. Pour les bovins, c'est le Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE) qui prend en charge les pertes en 2024 pour les exploitations foyers. Reste à mener le combat des pertes indirectes et de la prise en charge des vaccins. Nous y travaillons.
Quel a été l'impact de ces épizooties sur les échanges commerciaux ?
P.B. : Pour la première fois cette année, grâce à la PCR et la reconnaissance des vaccins y compris les nouveaux, les marchés avec nos principaux clients sont restés fluides et les prix se sont maintenus. Aujourd'hui, l'enjeu est que cette fluidité s'étende à tous les pays européens et même au-delà.
La ministre de l'Agriculture a annoncé la tenue des assises du sanitaire fin janvier. Qu'en attendez-vous ?
P.B. : Nous comptons sur les assises du sanitaire pour que la fluidité commerciale soit totale. D'autre part, pour pouvoir gérer ces maladies en amont, une banque d'antigènes qui protège nos troupeaux est indispensable. Nous militons aussi pour que les différentes souches soient regroupées dans un même flacon.
Enfin sur la prédation, le déclassement du loup d'espèce strictement protégée, à espèce protégée, en décembre dernier par le comité permanent de la Convention de Berne, constitue une avancée…
P.B : C'est une première porte qui saute, mais il faut continuer à travailler pour déverrouiller plus largement car les loups n'ont rien à faire au milieu de nos troupeaux.
Pour aller plus loin : La Convention de Berne approuve le déclassement du loup