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Bovin viande
Le secteur bovin-viande prépare son avenir

La tendance est difficile pour la filière. Les questions se multiplient. Mais des solutions existent, passant par un travail collectif au sein de la filière.

L’avenir de la filière bovin-viande dépend des choix que l’Europe fera en matière de modèle d’élevage.
L’avenir de la filière bovin-viande dépend des choix que l’Europe fera en matière de modèle d’élevage.
© Réussir

«L’élevage bovin-viande continue de traverser l’une de ses périodes économiques les plus critiques ». Ainsi commence le rapport d’orientation de l’Assemblée générale (Angers les 3 et 4 février 2010) de la Fédération nationale bovine (FNB). C’est aussi une troisième année de baisse consécutive du revenu des éleveurs du secteur. En 2009, la production estimée totale bovine a atteint 1 533 000 tonnes équivalents carcasse (tec) d’après les derniers chiffres publiés par le GEB-Institut de l’élevage. Elle se situe donc au même niveau que celui de l’année précédente. Pour 2010, il est prévu une légère baisse de production, de - 3 %, à 1 481 000 tec. La consommation est, elle aussi, restée stable : 1 641 000 tec estimées en 2009. Mais là encore, 2010 devrait se traduire par une baisse de la consommation, de 1 % environ, à 1 622 000 tec. Grosso modo, on retrouve ces tendances au niveau de l’Union européenne (UE27) : - 1 % pour la production et - 0,5 % pour la consommation en 2010.

Nombreux dossiers

Mais l’année qui vient de commencer s’avère périlleuse. De nombreuses questions perdurent, d’autres émergent. Les responsables de la FNB redoutent un redémarrage des activités de négociations au niveau de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Un accord au niveau du commerce mondial, sur les droits de douane notamment, signifierait à coup sûr un accroissement des importations en France des viandes hors UE27 et notamment en provenance du continent américain. Ce qui signifie que les consommateurs auront un accès toujours plus large à des viandes produites à très bas coûts.

Un niveau sur lequel les producteurs européens ne peuvent pas s’aligner. Car, à la différence de ces pays producteurs à bas coût, les acteurs de la filière européenne sont tenus par des critères de haut standard en matière de sécurisation, d’hygiène, de respect de l’environnement et, plus récemment mais de plus en plus, de bien-être animal. Pour les responsables de la FNB, il existe un véritable paradoxe de constater que la « majorité des investissements réalisés dans la filière bovin-viande se font sur des postes non productifs ».

Du coup, Pierre Chevalier, président de la FNB, s’interroge sur ce que veut réellement l’Europe en termes de modèle de production agricole. Veut-elle garder sa sécurité d’approvisionnement ? Veut-elle préserver son indépendance en matière alimentaire ? Veut-elle éviter de voir les importations en provenance d’Amérique du sud atteindre 40 % des volumes consommés ? Veut-elle garder son indépendance sanitaire (pour éviter des viandes pouvant contenir du chlore, des hormones…) ? Préfère-t-elle éviter les viandes issues d’élevage en « feed lot » à la mode argentine et brésilienne ? Veut-elle préserver une diversité de territoire ou aboutir à un modèle unique ? Si l’UE répond oui à toutes ces interrogations, alors « ceci aura un coût » et c’est l’ensemble de la société qui devra le supporter. Et dernière menace apparue : une multiplication des initiatives contre la consommation de viande.

Communiquer

La FNB compte bien passer à l’offensive donc. Tout d’abord en interpellant le ministre de l’agriculture en faveur d’un moratoire afin d’éviter l’alourdissement des charges. Ensuite, en plaçant au cœur des discussions de la future PAC la prise en compte des risques environnementaux et sanitaires. Elle propose aussi une base de discussion pour la sécurisation de l’engraissement (voir entretien avec Thierry Rapin). Enfin, l’interprofession doit se prononcer sur la réaffectation de ses moyens de communication vers le sociétal. Les éleveurs, et toute la filière avec eux, doivent convaincre les institutionnels, le grand public et les citoyens sur l’utilité alimentaire, économique et environnementale de la filière bovin-viande. Une campagne est prévue à l’automne.

Entretien avec Thierry Rapin, directeur de la Fédération nationale bovine

Que propose la Fédération nationale bovine (FNB) pour sortir la filière des difficultés actuelles ?

La FNB propose un nouveau « projet économique » fondé sur des relations de filière modernisées, assurant plus de transparence et favorisant une meilleure valorisation de la production. La Loi de modernisation agricole (LMA) doit favoriser cette évolution, et jouer le rôle d’un « levier » pour rétablir la rentabilité de l’élevage.

Quid de la transparence ?

L’objectif affiché par la LMA est de renforcer le rôle de « l’observatoire public de formation des prix et des marges ». La viande bovine sera le prochain secteur traité. Les éleveurs en attendent la mise à plat des causes du décalage croissant entre prix producteur et prix consommateur, et que toutes les conséquences en soient tirées.

Vous travaillez aussi sur la contractualisation…

La FNB appelle à un développement de la contractualisation dans la filière bovine, dans un cadre coordonné au plan national (contrat-type interpro- fessionnel) et selon des indicateurs objectifs de situation du marché. Cela doit contribuer à une meilleure régulation des marchés. La FNB a le projet, pour une partie de la production (l’objectif est fixé à 30 % du volume des productions d’engraissement jeunes bovins, bœufs et génisses) de formaliser des contrats qui incluent une « sécurisation de la marge » de l’éleveur. Au moyen d’un engagement tripartite éleveur- organisation de producteur-abatteur, et de la constitution d’un fonds de compensation en cas de forte dégradation de la marge de l’éleveur. Ce fonds devrait être cofinancé par les pouvoirs publics. Pour débattre de contractualisation, il existe un préalable : l’Etat doit garantir l’équité des transactions entre éleveur et abatteur (présentation de la carcasse à la pesée et classement).

D’autres points importants vis-à-vis de la LMA ?

Oui, la maîtrise des importations, la redéfinition d’une politique alimentaire, l’évolution du droit de la concurrence communautaire, la révision des relations éleveurs-vétérinaires, le principe majeur de « sécurité alimentaire » - un objectif sur lequel la FNB se mobilise depuis des années - sont des volets sur lesquels nous serons combatifs. On peut aussi citer la pérennité de la production, qui est un enjeu pour les consommateurs et pour la société au regard de l’équilibre économique et environnemental des territoires.

Propos recueillis par T. Michel

L’interprofession en 2010

Du côté d’Interbev, Denis Sibille, président de la structure interprofessionnelle, juge que la LMA est utile. Le président d’Interbev fait le constat que les pouvoirs publics « n’ont plus trop envie de faire de la régulation. En même temps, l’autorégulation est nécessaire et correspond plutôt à un cercle vertueux pour la bonne santé économique de la filière ». Il pense que, tout d’abord, il faut « bétonner au niveau des importations et ne pas aller au-delà de 5 % en Europe ». L’interprofession doit soutenir la demande, défendre son produit. Éternel débat, la question pesée-classement-marquage (PCM) : Denis Sibille espère fortement une « paix des braves » cette année. Il est tout à fait favorable, et pense que ce sont des objectifs atteignables en 2010, à la mise en place de prévisions et d’indicateurs de tendance ou encore à la sécurisation de l’engraissement (s’il est global et national). Denis Sibille revendique haut et fort que chaque opérateur, dans la filière, doit pouvoir préserver sa liberté. « Les OP doivent se coordonner pour mieux adapter leurs structures aux stratégies des uns et des autres. Un rééquilibrage est souhaitable au profit des producteurs d’animaux vivants ». Denis Sibille défendra ses convictions interprofessionnelles devant les sénateurs, en février, dans le cadre de la préparation de la LMA.

T. M.

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