Le panorama législatif cantalien se dessine petit à petit
Le dépôt officiel des listes sera bouclé ce dimanche soir en préfecture. En attendant, les binômes se dévoilent peu à peu tandis que d’autres attendent encore des validations nationales.
Le dépôt officiel des listes sera bouclé ce dimanche soir en préfecture. En attendant, les binômes se dévoilent peu à peu tandis que d’autres attendent encore des validations nationales.
Tragédie grecque, commedia dell’arte, règlement de comptes à OK Corral... sans doute un peu de tout ça, et surtout les ingrédients d’une série à succès qu’aucun scénariste n’aurait même imaginée : déroute de la majorité présidentielle, dissolution, trahison, alliances contre-nature, désalliances, mésalliances, luttes fratricides, exclusion... en moins d’une semaine, la bombe à fragmentation des Européennes et de la dissolution de l’Assemblée qui a suivi a produit ses pleins effets n’épargnant aucun parti et dynamitant un paysage politique français déjà secoué.
Bon courage à celui qui voudrait expliquer à son ado les notions de droite républicaine, de nouveau front populaire... au point aussi qu’au rythme où se nouent et dénouent les accords, ces lignes posées jeudi après-midi pourraient déjà être obsolètes à leur publication. Tour d’horizon des forces en présence.
Première circonscription
À droite, l’annonce unilatérale d’Éric Ciotti de pactiser avec le RN a suscité la réaction immédiate de Vincent Descœur, député LR sortant, qui a démissionné dans la foulée des
Républicains. “Je ne me reconnais que dans la prise de position de Laurent Wauquiez, claire et sans ambiguïté.” Sur les réseaux sociaux, le président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, lui aussi candidat sur sa circonscription, avait estimé un peu plus tôt qu’il n’y avait “aucun avenir pour les combinaisons d’appareil” rejetant “l’impuissance du en même temps et le saut dans l’inconnu du RN”. Suppléé comme lors du mandat précédent par Isabelle Lantuéjoul, Vincent Descœur sera donc candidat à sa succession soit sous l’étiquette “droite républicaine”, soit sous celle des LR, si d’ici dimanche l’exclusion prononcée du président Ciotti est juridiquement effective.
Face à lui, probablement un candidat RN, comme l’assure le secrétaire départemental Gilles Lacroix : “J’ai entre
70 et 80 propositions émanant de militants prêts à se porter candidats titulaires ou suppléants”, affirme celui qui, après avoir effectué un premier tri, proposera deux ou trois noms par circonscription aux instances du parti, dont le sien sur la seconde circonscription, comme en 2022 (son épouse Dorothée Gallais s’était alors présentée sur la première).
Descœur, Rueda, Sabot et ?
L’objectif du RN est clair : “Avoir le groupe le plus fort à l’Assemblée, avec une majorité absolue si possible, et que soit désigné Premier ministre Jordan Bardella”, martèle Gilles Lacroix. “On n’est pas seulement là pour témoigner, on veut montrer notre capacité d’être aux commandes. Après tout, quand on nous plébiscite, c’est pour que les choses changent. Et ça, ça commence par un changement de député. Il n’y a écrit nulle part que le Cantal est abonné à MM. Descœur et Bony pour 100 ans.” Et le secrétaire départemental du RN estime de bon augure “les très nombreuses nouvelles adhésions enregistrées la nuit de dimanche à lundi”...
À gauche, il a fallu attendre jeudi matin et l’issue des tractations nationales(1) au sein du “Nouveau front populaire”, associant PS, Place publique, EELV, LFI et le PCF, pour voir se dessiner une candidature socialiste, différente de celle envisagée initialement. Jusqu’à mercredi en effet, Rémy Goubert, secrétaire fédéral du Cantal, était selon nos sources encore candidat - ce que l’intéressé ne confirme pas ... - avant que le nom de Valérie Rueda, accolé à celui de Pierre Mathonier (suppléant), soit adoubé par les instances nationales.
Un arbitrage pas du goût des Jeunes socialistes du Cantal, ces derniers déplorant “une méthode d’un autre âge employée aujourd’hui”. “L’esprit de responsabilité nous oblige à réagir vite et correctement. Il faut, là où l’extrême droite est très forte, une union de la gauche, sans exclusive. Après, je sais que dans certaines circonscriptions, une alliance avec LFI peut faire peur et peut faire perdre des voix. Raison pour laquelle je considère que là où il n’y a pas de risque RN, nous ne sommes pas nécessairement obligés de faire une union avec LFI”, estimait pour sa part Rémy Goubert, se disant prêt à faire campagne sans retenue pour Valérie Rueda.
Au centre, il y aura bien un binôme estampillé Renaissance sur cette première circonscription : Nicolas Authier, référent du comité de campagne Besoin d’Europe dans le Cantal, l’a officialisé jeudi matin. Mais pas de noms, la commission d’investiture nationale n’ayant pas encore statué. “Elle s’est déjà réunie une première fois, notamment pour valider les députés sortants qui se représentent. Comme nous n’en avons pas dans le Cantal, il faudra attendre. Mais nous souhaitons qu’il y ait des candidats qui portent le projet de Gabriel Attal dans le Cantal. Il faut une alternative à, d’un côté, le Front dit populaire, et de l’autre, le Rassemblement national. Les députés sortants, s’ils sont réélus, seront peu utiles à la France, leurs voix, qui ne portaient déjà plus beaucoup, ne porteront plus du tout dans un mini-groupe”, affichait-il.
Jeudi toujours, en tout début d’après-midi, c’est un ancien Macroniste, Denis Sabot, maire de Saint-Julien-de-Toursac, qui dévoilait sa candidature, “investi et soutenu” par Édouard Philippe. “À la lumière des derniers résultats électoraux, de la décision du Président de la République, et de la situation politique actuelle tant
nationale que locale, nous prenons nos responsabilités en nous démarquant de la Majorité présidentielle”, expliquait le délégué départemental d’Horizons dans le Cantal depuis 18 mois, au cours desquels il a travaillé à structurer un maillage départemental. “Nous avons fait un travail de terrain peut-être moins bruyant que certains, sans effet d’annonces ou de commentaires de l’actualité, mais qui s’inscrit dans notre démarche politique d’être sur un temps long, en perspective de la présidentielle et des législatives sans savoir qu’il y aurait une dissolution”, expose-t-il. Avec l’objectif de construire une ligne politique claire, au plus près “des attentes des Français et de leurs priorités”. À ce stade sa suppléante n’était pas encore connue.
Seconde circonscription : Bony, Toty, Lacroix, Cros ?
Le député sortant Jean-Yves Bony a confirmé sa candidature et celle de sa suppléante (sortante elle aussi) Marina Besse, “en retrait des Républicains, tant que le parti est présidé par Éric Ciotti”. “Depuis toutes ces années où je me présente candidat, c’est la première fois que je réfléchis à quelle appartenance m’enregistrer”, confiait-il, réaffirmant lui aussi cependant haut et fort son attachement à la ligne politique de Laurent Wauquiez (lire par ailleurs). Très confiant sur sa propre réélection, Jean-Yves Bony rejette les ententes électorales, de façade, comme il en a été témoin à gauche entre les Insoumis et le PS qui s’entredéchiraient dans l’hémicycle après avoir fait front commun. “Une alliance avec le RN rendait les candidatures des LR sortants plus confortables, mais ce ne sont pas mes valeurs et par respect pour Pierre Raynal ou Georges Pompidou, on ne peut renier ses appartenances politiques”, estimait-il, s’avouant "peiné” de la “cacophonie” de ces derniers jours et pour l’avenir du parti LR.
Il espérait pouvoir batailler face à un candidat RN, probablement Gilles Lacroix, responsable départemental du parti de Jordan Bardella. À droite toujours, Louis Toty a pris la décision de se présenter après 48 heures de réflexion. Comme en 2022, il s’affiche en homme de droite, indépendant, gaulliste, pompidolien et humaniste. Pour le maire de Trizac, “la France est fracturée et le contexte géopolitique inquiétant avec des répercussions en France. Il y a eu un manque d’écoute avec un président qui n’a pas fait campagne en 2022. Les gens ressentent un sentiment d’abandon qu’il faut savoir écouter. Je me présente, parce qu’il n’y a pas de dirigeants qui incarnent les Français. La politique économique du RN n’est pas réaliste. LFI prône des relents d’antisémitisme. Les motifs de ma candidature sont les mêmes qu’il y a deux ans, de servir mon pays”.
Quant à Martine Guibert, candidate UDI dans la majorité présidentielle en 2022, elle a finalement renoncé à se représenter après plusieurs jours de réflexion. Sur ces deux dernières années et les résultats de dimanche, l’amertume prime chez la conseillère régionale avec “un manque de confiance des élus entre eux, des dossiers en souffrance pour le Cantal” et au plan national, “une contestation qui emporte tout”. Martine Guibert déplore “une contestation de principe des partis républicains qui a alimenté la situation dans laquelle nous nous trouvons”. “La contestation est respectable mais il faut raison garder. Je me situe dans le pragmatisme et je défends cette position pour un avenir de co-construction indispensable pour redresser la France ensemble et avec un président qui doit terminer son mandat pour la stabilité politique de la France et confiance de nos partenaires”, confiait-elle.
À sa gauche, le nom de Vanessa Cros, candidate aux Européennes sur la liste de Raphaël Glucksmann, revenait en boucle sans que cette dernière ne confirme. Pour autant, des sources faisaient allusion à un binôme 100 % féminin sur la circonscription avec le nom de Natacha Muracciole qui circulait lui aussi beaucoup. Si du côté d’EELV on se retranchait derrière “des discussions toujours en cours”, les écologistes du Cantal ont confirmé avoir “proposé plusieurs noms”, convaincus par ailleurs de “pouvoir apporter une réponse aux préoccupations des Français”, affichait Élise Brugière, co-secrétaire d’EELV.
(1) Au sein duquel 170 circonscriptions auraient été négociées pour le PS, 92 pour EELV.