« Le Nutriscore est un outil de santé publique, pas un gadget »
Serge Hercberg, professeur de nutrition à l’Université Sorbonne Paris nord, spécialiste de l’épidémiologie nutritionnelle et co-inventeur du Nutri-score, répond aux détracteurs du logo qui traduit la valeur nutritionnelle des produits alimentaires en une note de A à E.
Depuis 2017, les industriels ont le choix d’afficher ou non le Nutri-score. A-t-il fait la preuve de son efficacité ?
Le Nutri-score est un outil de santé publique, pas un gadget. Il repose sur des bases scientifiques très solides. Il traduit de façon synthétique le tableau de composition nutritionnelle, situé sur l’arrière de l’emballage des aliments, qui est incompréhensible pour le grand public Des études montrent qu’il a un impact positif au plan nutritionnel sur le choix des consommateurs et des travaux menés dans différents pays européens sur des larges populations avaient montré que les personnes qui consomment des produits mieux notés ont moins de chance de développer des maladies chroniques.
L’annonce d’un étiquetage nutritionnel européen obligatoire et harmonisé a réveillé l’opposition des industriels et de certaines organisations de producteurs au Nutri-score qui est en bonne place pour être choisi par l’Union. Que leur répondez-vous ?
Les industriels et les secteurs agricoles qui s’y opposent sont principalement ceux dont les produits sont plutôt notés D ou E sur l’échelle du Nutri-score. Ils disent que l’affichage obligatoire entraînera des conséquences économiques. Ils veulent laisser croire que le Nutri-score interdit la consommation de certains aliments, ce qui est faux. Le Nutri-score ne fait qu’alerter le consommateur sur la composition nutritionnelle d’un produit, de manière qu’il puisse gérer ses choix et comparer un produit à un autre, équivalent dans son usage. Par exemple, un fromage avec un autre fromage. Quand le Nutri-score a été lancé, aucun industriel n’en voulait, mais la pression des consommateurs les a convaincus et certains ont fini par jouer le jeu de la transparence.
Les opposants au Nutri-score demandent notamment une révision de sa méthodologie pour calculer la valeur nutritionnelle des aliments, non plus sur 100 g ou 100 ml, mais sur une portion.
Le calcul du logo doit reposer sur la science, pas sur des intérêts économiques ou industriels. Or, il est très compliqué de définir une portion. La recommandation sera différente en fonction de l’âge, du sexe et de l’activité physique du consommateur. En l’absence de standard scientifique, ce sont les industriels qui fixent la portion recommandée et, si l’on accède à leur demande, ils réduiront la taille de la portion pour faire pâlir l’indicateur et donner l’impression que leurs produits contiennent moins de gras, de sel, de sucre. Et comment estimer, sans balance, une portion de 30 g d’un fromage et de 35 g d’un autre ? La portion de 100 g permet de faire la comparaison avec un dénominateur commun.