Le ministre de l'agriculture est venu "rendre des comptes"
Michel Barnier ministre de l’agriculture (plus pour longtemps puisqu’il part pour les européennes), était accueilli par plus de 300 éleveurs du Massif Central, vendredi 17 avril à l’Énita de Clermont Fd. Selon ses propres termes, il est venu «rendre des comptes» devant des agriculteurs qui ont salué son courage dans le cadre de l’accord sur le bilan de santé de la PAC. «Il fallait une plotique plus juste et plus légitime pour préparer l’après 2013» déclarait-il. Et d’ajouter : «la voie nouvelle est celle d’un soutien différencié, juste et équilibré pour toutes les productions. Votre projet Massif “nourrir c’est produire“ va dans ce sens».





La boucle est bouclée ! Après des années de combat et de mobilisation syndicale, les éleveurs du Massif central saluent les « décisions politiques courageuses » prises à l’occasion du Bilan de santé de la Pac. « Notre combat syndical a payé ! Nous revendiquions une compensation sur l’herbe, le rétablissement de l’équité des soutiens et la reconnaissance de compétitivité dans tous les territoires ; nous les avons enfin obtenues grâce à notre mobilisation, à notre détermination et grâce aussi au soutien des trois ministres auvergnats, Brice Hortefeux, Alain Marleix et Laurent Wauquier. Le 23 février dernier, le ministre de l’Agriculture a fait le choix d’une réforme qui donne de la lisibilité et de la légitimité à notre agriculture » déclarait Jacques Chazalet, vendredi dernier à l’Enita de Clermont-Ferrand, devant les 300 éleveurs du massif central venus accueillir Michel Barnier.
A quelques jours de son départ du ministère pour les européennes, la venue du ministre de l’Agriculture et de la Pêche faisait figure d’une tournée d’adieu. Devant un public bien décidé à saluer son courage dans le cadre de l’accord du bilan de santé de la Pac, Michel Barnier est venu « rendre des comptes » selon ses propres termes.
Préserver une PAC juste et durable
« Il fallait une politique plus juste et plus légitime pour préparer l’après 2013 ; il fallait laisser une trace pour la continuer ». Cette trace marquée par l’accord du 23 février sur la réorientation des aides, redonne espoir à la filière ovine, reconnaît une fonction économique de l’herbe, protège des risques (sanitaires, climatiques…) face auxquels les entrepreneurs agricoles sont les plus vulnérables, et dessine un nouveau modèle agricole durable répondant aux attentes des citoyens sur la qualité, la sécurité et l’environnement. « Mais l’action n’est pas terminée ! » prévient Michel Barnier. Il insiste sur l’importance d’anticiper dès maintenant les débats de la réforme de la Pac et de définir le modèle agricole à défendre dans le budget 2013-2020. « Dès 2010, la commission européenne, le parlement et les ministres vont entamer leurs travaux budgétaires. Les discussions vont être dures, et la Pac est la politique qui sera la plus attaquée, car la plus symbolique »
La voie nouvelle du soutien différencié
Le ministre de l’Agriculture met en garde les agriculteurs contre certaines volontés européennes et nationales de voir disparaître la politique agricole commune. « Si on la supprime, cela coûtera beaucoup plus cher à l’UE, aux collectivités territoriales et aux citoyens » et de préciser, « la Pac n’est pas une politique nostalgique mais une politique stratégique » dont les enjeux sont la préférence communautaire (via des outils de régulation et de contrôles sur les importations), le maintien du budget agricole et le défi alimentaire mondial. Il invite donc les agriculteurs à saisir le débat sur la loi de modernisation pour préparer cet avenir et se mettre en ordre de marche pour proposer un modèle agricole aux autres partenaires. «Ce n’est pas le budget qui commande la politique mais la politique qui décide du budget»précise-t-il. « La voie nouvelle est celle d’un soutien différencié, juste et équilibré pour toutes les productions. Votre projet Massif central « nourrir c’est produire » va dans ce sens ; votre combat doit donc continuer !» lançait-il aux responsables du Massif central.
Inachevé…
Dans le débat qui a suivi l’allocution de Michel Barnier, les représentants des Fdsea/Udsea du Massif central ont qualifié d’« historique » le rééquilibrage des soutiens… mais « avec un goût d’inachevé » sur certains points. Parmi eux :
- La nécessité de revoir l’application des dispositions pour les seuils de chargement inférieurs à 0,5 Ugb/ha, « un chargement subi et non choisi dans un bon nombre de petits territoires ».
- L’importance de revenir à des mécanismes de stabilisation du marché pour défendre les productions de montagne, « car la réorientation des aides ne suffit pas à elle seule »
- Convaincre le Premier Ministre et le Président de la République que l’agriculture a sa part dans le plan de relance, « on a l’impression que le gouvernement distribue des milliards à tour de bras sans que l’agriculture puisse en bénéficier. Il y a pourtant des besoins en matière de bâtiments »
- Aider la production porcine de montagne, « oubliée au profit de la concentration de la production en Bretagne et Pays de Loire »
- Soutenir les zones céréalières intermédiaires « aujourd’hui en danger par leur faible potentiel ». Concernant l’enveloppe des 170 millions pour les grandes cultures des zones intermédiaires, le ministre a précisé que « le classement n’était pas encore défini. Le soutien à la diversification des assolements peut intéresser les exploitations de Limagne (…) plusieurs outils peuvent assurer du soutien aux céréaliers ».
3 responsables professionnels du Massif-Central Patrick Benezit, Michel Queille et Joseph Mousset s’expriment sur la réforme de la PAC.
«Le ministre Barnier a fait des choix courageux et nécessaires»
L’accord obtenu par Michel Barnier à Bruxelles le 20 novembre permet-il d’espérer une PAC forte après 2013 ?
J.M : Comme l’a souligné le Premier Ministre, François Fillon, au congrès de la FNSEA : «Michel Barnier a obtenu le meilleur accord possible à Bruxelles, destiné à préparer dès maintenant 2013 ».
Il était exclu de rester immobile notamment en matière de répartition des soutiens, pour préparer les discussions budgétaires de 2010 et la réforme de la PAC de 2013. Pour que la politique agricole dure, elle doit être légitime auprès de nos partenaires européens vis-à-vis de l’opinion publique et vis-à-vis des agriculteurs eux-mêmes.
Que fallait-il faire pour cela ?
J.M : Il fallait, pour parvenir à cette légitimité, abandonner peu à peu les références historiques et refuser d’aller vers une aide unique à l’hectare, tout en maintenant des outils permettant la régulation des marchés.
La Frsea Massif central tout comme la Fnsea appelaient de leurs voeux une réorientation des soutiens pour aider les secteurs les plus fragiles et notamment le secteur ovin, créer un soutien à l’herbe dans le pilier économique de la PAC, bâtir des outils de gestion des crises, sanitaires, climatiques mais aussi économiques et renforcer la politique de compensation des handicaps naturels.
Ces orientations validées à la quasi unanimité par le congrès de la Fnsea à Poitiers il y a quelques jours, sont celles qui ont été obtenues par l’accord de novembre 2008 à Bruxelles et que le Ministre Michel Barnier a confirmé le 23 février dernier en indiquant le choix de la France en matière de réorientation des soutiens.
Vous avez déclaré que le Ministre avait fait des choix courageux…
P.B : En effet, le ministre Barnier a fait des choix courageux et nécessaires mais cependant pas faciles à prendre car pour les systèmes d’exploitation contributeurs, l’absence de progressivité dans les réorientations est difficile à accepter. Or les éleveurs herbagers qui, depuis plus de 15 ans attendaient que soient réparée l’injustice qui leur était faite par la réforme de 1992 ne pouvaient attendre davantage.
Il a donc fallu, au delà de la mobilisation des agriculteurs du Massif central, que le Ministre soit épaulé au sein du gouvernement par les Ministres auvergnats, Brice Hortefeux, Alain Marleix et Laurent Wauquiez. Ils se sont montrés d’un soutien sans faille qui a sans doute été déterminant et soucieux de l’avenir du développement économique de leur territoire.
La réforme de la Pac ne s’arrête pas au bilan de santé. Que proposez-vous pour préparer l’après 2013 ?
P B : La Fnsea et la Frsea du Massif central ont ensemble le souci permanent de la défense du revenu des agriculteurs ; quelles que soient leurs productions, dans tous les territoires. Le revenu des agriculteurs est fait certes de soutiens mais il dépend tout autant des prix, des produits et des charges.
Pour disposer d’exploitations compétitives sur tous les territoires, nous devons dès à présent travailler d’arrache-pied sur l’ensemble des facteurs qui conditionne le revenu des agriculteurs.
C'est-à-dire ?
M Q : Concernant la future politique agricole commune, nous devons être force de propositions pour avoir des marchés régulés et des outils de gestion des risques, et avoir des soutiens différenciés permettant d’aider en priorité les secteurs les plus fragiles.
Nous devons également veiller à renforcer la politique de compensation des handicaps naturels en revalorisant les ICHN et en faisant en sorte que tous les chefs d’exploitation soient reconnus. Nous devons enfin instaurer de la flexibilité dans les soutiens afin d’aider davantage dans les secteurs où ça va mal.
La maîtrise des charges est un élément essentiel sur lequel nous devons également concentrer notre travail. Cela passe entre autres par l’amélioration des performances des exploitations (autonomie fourragère, performances énergétiques…)
Enfin, le facteur prix doit intégrer toutes nos réflexions et nos actions. A nous de nous mobiliser pour donner aux agriculteurs la capacité à mieux organiser l’offre et à mieux valoriser les produits sous signes de qualité. Nous devons aussi travailler sur la contractualisation au sein de filières performantes et renforcer les interprofessions.