Le filon pourrait se tarir pour les agriculteurs-méthaniseurs
Les agriculteurs pourraient à terme ne plus parvenir à tirer des « revenus significatifs » de leur activité de méthanisation, d'après une étude récente d'un laboratoire du CNRS. L'évolution de la filière du biogaz se fait au bénéfice d'autres acteurs, notamment des industriels.
La source se tarira-t-elle bientôt ? Les déchets agricoles seront toujours là, mais qu'en sera-t-il des revenus des agriculteurs-méthaniseurs ? Alors que le projet du plus gros méthaniseur de France, rassemblant deux cents agriculteurs et un industriel danois, suscite des débats en Loire-Atlantique, une étude alerte sur les « dérives » de la filière de la méthanisation. Publiée le 22 octobre par le CEP (Centre d'études et de prospective), elle présente les principales conclusions du projet de recherche Métha'revenus mené par le laboratoire Ladyss du CNRS.
Ce programme financé par le ministère de l'Agriculture avait pour objectif d'analyser la contribution de la méthanisation aux revenus des agriculteurs. Conclusion : « Il n'est pas certain que les agriculteurs, à terme, parviennent à être des acteurs dominants de la méthanisation et à en dégager un revenu significatif, quelles que soient leurs spécificités », tranche l'auteur de l'article Pascal Grouiez. Il met en cause la structuration de la filière qui suit « une logique d'industrialisation et d'extension. »
Prise de pouvoir des acteurs non-agricoles
Cette évolution vers de plus grosses structures a pour corollaire la multiplication des acteurs impliqués, avec l'arrivée sur ce marché de plus en plus d'industriels. Le chercheur observe « une prise de pouvoir des acteurs non-agricoles sur la filière » aux dépens des agriculteurs. « Ils doivent faire face à la concurrence de nombreux acteurs, placés sur divers segments de la chaîne (y compris au niveau de la production de biogaz) et qui cherchent également à capter une partie de la plus-value de la production d'énergie », explique-t-il.
Avec la structuration de la filière, les agriculteurs-méthaniseurs doivent de plus en plus payer pour se fournir en matières premières, ce qui fait mécaniquement baisser la rentabilité de leur modèle. Les substrats (fumier, lisier, co-produits agricoles, déchets organiques de produits de consommation, déchets verts...), des déchets jusqu'ici fournis gratuitement car ils coûtaient cher à traiter, sont devenus « une ressource à valoriser pour leurs propriétaires. » L'étude souligne également le risque de transformer « une grande partie des agriculteurs en simples fournisseurs de substrats » avec l'accroissement de ce marché et de créer, à terme, un modèle « tout céréales » au détriment de l'élevage.