Plan d’urgence
Le Crédit Agricole ne veut pas nourrir de faux espoirs
Le président et le directeur général du Crédit Agricole Centre France (1) dénoncent l’incohérence entre le plan d’aide aux filières agricoles et la réalité économique

Il y a tout juste un mois, le président de la République présentait son plan d'urgence pour soutenir les filières agricoles touchées par une baisse des revenus. Parmi le dispositif était annoncé 1 milliard de prêts bancaires aidés par l'Etat et prenant la forme de prêts de trésorerie (500 millions d'euros) et de prêts bonifiés de consolidation (400 millions d'euros)
Des aides inadaptées
Critiques à l'encontre de ce train de mesures, André Janot, président du Crédit Agricole Centre France et Michel Lolliot, directeur général, dénoncent «l'incohérence de ce dispositif public qui ne repose sur aucun critère économique et ne correspond pas aux besoins réels des agriculteurs de la région ». Les deux représentants pointent du doigt l'aide à la reconstitution de fonds de roulement qui, sous les traits d'un emprunt bonifié de
1 à 1,5 % plafonné à 30 000 euros, reste ouvert à tous, sans critères d'éligibilité. « C'est bien la première fois qu'une aide publique n'est pas conditionnée ! Nous sommes encore dans le registre de l'effet d'annonce dans lequel la communication laisse croire à de faux espoirs » s'emporte le président Janot. « Dans ces conditions, il est évident que l'enveloppe nationale de 500 millions d'euros ne suffira pas à répondre aux demandes des 400 000 agriculteurs français. C'est 12 milliards qu'il aurait fallu » poursuit le directeur. Et d'ajouter que sur les 500 millions prévus par le plan Sarkozy, 17 à 18 millions devraient être destinés à l'Auvergne et au Limousin.
Même sentiment amère à propos du dispositif de prêts bonifiés de consolidation devant permettre d'étaler le remboursement des annuités. Pour prétendre à ce prêt, le niveau d'endettement de l'agriculteur doit être supérieur à 60 % de l'Excédent Brut d'Exploitation (EBE), « or dans notre région où l'agriculture n'est pas en situation de surendettement, peu de producteurs bénéficieront de cette consolidation... heureusement ! L'endettement de la ferme Centre France représente en effet 6 mois de production en Auvergne contre 10 à 12 mois en France ». Pour le directeur, l'endettement n'est pas la cause de la situation de crise, mais un problème de revenu. «Nous sommes dans une situation strictement économique face à laquelle les mesures annoncées sont inadaptées, notamment à la région ».
Soutenir le revenu des agriculteurs
Le président et le directeur du Crédit Agricole Centre France regrettent également que ce plan national ne prenne pas en compte les intérêts spécifiques de l'économie agricole de moyenne montagne et que les productions qui ont le plus souffert cette année ne soient pas différenciées des autres. « C'est un plan qui engendre de faux espoirs » confie André Janot
Face à ce contexte, la volonté du crédit Agricole Centre France est d'aller vite et de servir en priorité ceux qui en ont le plus besoin. « Nous avons donc choisi de retenir des critères d'éligibilité strictement économiques, basés sur la perte de revenu, notamment auprès de jeunes et des récents investisseurs ». La banque verte souhaite ainsi rester dans la continuité des analyses qu'elle réalise depuis 18 mois pour constater les pertes réelles dans toutes les productions. « Et quand on fait le total de ce que nous avons anticipé, l'enveloppe de 17 millions ne représente que le tiers des besoins des agriculteurs... » explique Michel Lolliot.
« J'ai confiance dans l'agriculture de notre région ; une agriculture qui n'est pas surendettée et qui dispose de capacités à rebondir et à investir. La situation permet d'espérer un avenir à cette agriculture indispensable à l'économie du territoire régional. C'est pour cette raison que l'aide doit aller vers les secteurs les plus en difficulté économiquement » conclut André Janot
(1) Le Crédit Agricole Centre France exerce son activité sur cinq départements : Allier, Cantal, Corrèze, Creuse, Puy-de-Dôme, répartis sur deux régions, l'Auvergne et le Limousin.