Le casse-tête des marchés pour les producteurs de la restauration hors foyer
La fermeture de la restauration hors foyer a conduit les producteurs de la plateforme Agrilocal 63 à stopper brutalement une partie de la vente de leurs produits et à se tourner vers d’autres débouchés. C’est le cas pour la marque cœur de Fermier.
« Du jour au lendemain, les marchés issus d’Agrilocal 63 se sont fermés pour nous » confirme Thierry Sennat, responsable commercial des produits laitiers de la marque cœur de fermier.
Développée par la famille Gourdy, productrice de lait depuis plusieurs générations à Gelles, la marque propose yaourts, fromages blancs, lait et crèmes dessert, tout droit sortis de ses lignes de production.
« 40% de chiffre d’affaires stoppés »
A l’appui d’Agrilocal 63, plateforme de mise en relation entre acheteurs du Puy-de-Dôme et fournisseurs locaux, l’entreprise Gourdy livre régulièrement des cantines scolaires, des collectivités, l’hôpital, des Ephad et autres restaurants collectifs. « Ce réseau représente 40% de notre chiffre d’affaires ; 40% qui dès l’annonce du confinement ont été stoppés » explique Thierry Sennat. Pour compenser cette perte brutale, le producteur s’est tourné vers ses autres réseaux de distribution que sont les hyper-marchés et les magasins de quartier. « Etant déjà référencés par certains d’entre eux, nous avons non seulement continué à travailler avec eux pendant le confinement mais aussi livré davantage de produits. Nous avons ainsi quasiment doublé les livraisons auprès des surfaces de quartier telles que Spar, Vival ou bien encore les crèmeries. Ces magasins étaient demandeurs d’autant plus que certains d’entre eux ont rencontré des soucis d’approvisionnement avec leur centrale. Ils se sont donc adressés à nous pour avoir de la marchandise et nous avons répondu présents ! Nous avons également beaucoup travaillé avec les grandes surfaces qui, chacune à son niveau, ont joué le jeu des produits locaux. Certaines ont réellement mis les producteurs locaux à l’honneur avec des étals réservés et bien exposés. Cœur de Fermier a fait ainsi + 30% dans les GMS et + 100% dans les magasins de quartier ; ce qui nous a permis d’atteindre un équilibre sur mars et avril »
« La souveraineté alimentaire est un vrai sujet »
L’entreprise Cœur de Fermier espère avoir gagné ces nouvelles parts de marchés pour longtemps ; car qui sait si l’engouement pour le consommer local ne va pas durer après la crise ? Pour Serge Gourdy, le gérant de l’exploitation « cette période a sans aucun doute sensibilisé les consommateurs sur l’origine des produits qu’ils consomment. On sent un mouvement, même si effectivement, la situation économique intervient beaucoup dans le choix des produits que nous consommons. La notion de souveraineté alimentaire est un vrai sujet aujourd’hui, elle commence à être entendue par les consommateurs.»
Avec la fin du confinement, les commandes via agrilocal63 redémarrent « doucement » selon le commercial de Cœur de Fermier. « Nous avons quelques commandes des collèges qui ont rouverts leurs portes aux élèves de 6ème et 5ème, mais les quantités sont bien inférieures à un fonctionnement normal des cantines. A titre d’exemple, un des collèges que nous livrons et qui fait habituellement 250 couverts par jour est passé à 7 ! ». Si dans les petites cantines près de 20% de l’effectif est de retour à l’heure du déjeuner, dans les grands établissements en revanche, l’activité ne redémarre pas. « Nous sommes d’ailleurs inquiets pour la rentrée. Comment va-t-elle se dérouler dans ces grands établissements ? Avec quelle organisation dans les restaurants scolaires ? » Des questions dont les réponses impacteront la vente des produits. Mais Serge Gourdy se dit « confiant » pour la suite. « Au plus fort de la crise nous avons continué à produire du lait, sans limite de production, et à fabriquer nos produits. Nous avons équilibré nos ventes à travers nos différents réseaux de commercialisation. Nos lignes ne se sont jamais arrêtées et tout cela grâce à l’engagement d’une équipe de collaborateurs au top ! »
Il a dit...
« J’ai perdu 80% de mes ventes durant le confinement »
Christophe Beauviot, éleveur ovin et maraîcher à Entraigues, habitué de la plateforme Agrilocal. « Depuis le confinement j’ai perdu 80% de mes ventes à cause de la fermeture des cantines. J’ai également perdu le seul marché hebdomadaire que je faisais. Les ventes à la ferme permettent d’écouler un peu les stocks. Des bouchers (rencontrés de longue date) se sont souvenus de moi et m’ont proposé de vendre des sacs de pommes de terre dans leurs boutiques. La première semaine, je vendais par leur intermédiaire 50 kg. Nous atteignons désormais les 120 Kg/semaine. Deux épiceries, dont une à 30 Km de chez moi, m’ont également contacté pour leur approvisionnement. Ces petits « plan B » sont loin de compenser mes ventes habituelles mais ils ont le mérite de limiter la casse. Les clients et les commerçants
sont contents. Ces partenariats d’urgence vont perdurer. Depuis le 18 avril, je livre de nouveau 3 établissements scolaires.»
Propos recueillis par M.Comte