Lait. Le monde du lait agite le spectre de la décapitalisation
Producteurs et transformateurs alertent sur le risque de détourner les éleveurs de la production si des hausses de tarifs ne sont pas passées rapidement.
Pourrait-on manquer de lait à l'avenir si les hausses des charges de la production ne se répercutent pas très vite ? C'est la menace qu'agitent les producteurs et l'industrie alors que les syndicats avaient fixé « la date butoir » pour les re-négociations commerciales à fin mai. Dans un communiqué paru le 25 mai, la coopérative Sodiaal alerte sur « la nécessité d'obtenir des tarifs à la hausse avec la grande distribution pour éviter des pénuries de lait ». Selon la première coopérative laitière française, des hausses de tarif de « 15 à 20 % » sont « indispensables pour éviter les risques de pénurie de lait ». En effet, argue le groupe, une absence de hausse « pourrait inciter certains producteurs à réorienter leurs activités », d'autant plus dans un contexte de « baisse significative du nombre d'exploitations » et de « sécheresse ». Une inquiétude partagée par le président de Syndilait (transformateurs de lait liquide) Éric Forin : « Si on ne prend pas garde à ces problématiques d'inflation, c'est un encouragement à se désengager de cette production », prévenait-il, à l'occasion d'une conférence de presse le 10 mai.
La responsabilité de l'aval mise en cause
De son côté, la FNPL (producteurs de lait, FNSEA) exige un « signal fort » de la part des acteurs de l'aval industriels et distributeurs dans un communiqué du 27 mai. Selon le syndicat, une revalorisation du prix du lait payé aux producteurs est nécessaire pour faire face aux prix des intrants « qui explosent dans toutes les fermes ». Il affirme que les producteurs de lait ont besoin d'une « augmentation générale » de 50 EUR/ 1000 l, soit une hausse de 0,005 EUR sur un yaourt ou de 0,06 EUR sur une bouteille de lait. C'est « le prix de l'avenir », estime la FNPL, expliquant qu' « une ferme laitière ne reprend jamais son activité après l'avoir arrêtée ». Elle cible tour à tour la responsabilité de l'industrie et de la distribution dans la décapitalisation du cheptel laitier (-1,5 % sur un an en avril, selon l'Idele). « Toutes les laiteries doivent dire maintenant à leurs éleveurs : nous avons besoin de vous. Tous les distributeurs doivent cesser ce jeu délétère qui entraînera la ruine de toute une filière et accepter les hausses. »
Pour Sodiaal, le risque de déconsommation lié à la hausse des prix des produits alimentaires serait moindre pour les produits laitiers. Selon une étude Ipsos, mise en avant par le groupe, si les Français devaient réduire de 50 EUR par mois leur budget de courses alimentaires, ils rogneraient d'abord les confiseries, l'alcool, les plats cuisinés ou la viande, mais achèteraient davantage de yaourts ou de lait.