L’agriculture, au cœur des enjeux et défis planétaires du XXIe siècle
Trop souvent oubliée dans la liste des secteurs économiques stratégiques, l’agriculture reste un facteur de stabilité géopolitique soumis à de nouveaux enjeux. Éclairage de Patrick Chazal.

Votre sujet - vaste s’il en est : “Les enjeux et défis de l’agriculture”. Vous avez 45 mn. Ce n’est pas l’épreuve qui attend les postulants bacheliers des lycées agricoles cantaliens mais la commande passée par les établissements Défi-Mat à Patrick Chazal, responsable du pôle Développement de la chambre d’agriculture du Cantal, qui s’est acquitté avec un rare esprit de synthèse de cet exercice à l’occasion de la première journée Défi-Tech du concessionnaire (lire aussi en page 7). Enjeux sociétaux, environnementaux, économiques, financiers : l’énumération des multiples attentes et contraintes dirigées vers le secteur agricole a de quoi donner le tournis. Mais derrière les menaces, se profilent aussi des opportunités.
244 000 Terriens en plus à nourrir chaque jour
La première, c’est qu’avec 244 000 personnes en plus à nourrir chaque jour sur la planète, la demande alimentaire mondiale n’est pas prête de se tarir, les experts tablant sur une hausse de cette dernière de 50 % à l’horizon 2050 portée par l’explosion démographique africaine notamment. Avec pour bonus, en parallèle à l’accroissement du niveau de vie, un changement des habitudes alimentaires au profit de la consommation des protéines animales. Avec cependant des à-coups déstabilisants : les producteurs de lait sont bien placés pour savoir les effets des soubresauts de la consommation chinoise sur les cours mondiaux. Autre phénomène majeur à intégrer : la mondialisation des échanges, qui ouvre autant de perspectives pour les producteurs français et cantaliens qu’elle présente de facteurs de concurrence et compétition entre bassins de production. Et les accords de libre-échange - passés ou en discussion - entre l’UE et le Canada, le Mercosur, l’Australie..., peuvent accentuer des formes de concurrence déloyale. Même si l’agriculture ne fait plus la pluie et le beau temps des ministères, une chose demeure en revanche immuable : même au XXIe siècle : “L’alimentation reste le facteur déterminant de stabilité politique et sociale des États”, rappelle Patrick Chazal, évoquant les émeutes de la faim et le coût des matières premières, terreau du Printemps arabe. Plus près de nous, c’est une autre donne qui a changé : un consommateur devenu acteur de son alimentation et exigeant, au-delà du prix, de garanties en termes de conditions de production, bien-être animal, respect de l’environnement... avec l’avènement d’un militantisme anti-élevage porté par une minorité très active surfant sur un anthropomorphisme culpabilisant.
L’agriculture plus victime que responsable du climat
La fin du XXe siècle a vu aussi émerger une prise de conscience collective “que la Terre est fragile, un espace aux ressources limitées”. Avec pour pendant la multiplication de plans de maîtrise ou réduction des vecteurs de pollution : on pense à l’ancien PMPOA(1), à la directive Nitrates, au plan Phytos en cours de finalisation, au plan de maîtrise des émissions d’ammoniac moins connu... Forcément aussi aux engagements pris dans le cadre de la Cop 21 notamment pour réduire les rejets de gaz à effet de serre en vue de limiter un réchauffement climatique dont les impacts sur le secteur agricole sont bien visibles depuis une quinzaine d’années avec des sécheresses à répétition. Patrick Chazal relaie aussi les prévisions des spécialistes sur les pénuries d’eau potable : si ces dernières affectent déjà la moitié de la population mondiale, elles vont devenir une réalité aussi dans l’Hexagone dans les années à venir. La Margeride et le Massiacois peuvent en témoigner. En matière de rejets de GES, les éleveurs cantaliens ont des arguments à faire valoir (stockage par les prairies) et des leviers accessibles pour encore les diminuer. De même, relève l’expert, ils ont une carte à jouer dans la production d’énergies renouvelables, notamment via la méthanisation.
(1) Plan de maîtrise des pollutions d’origine agricole.