La reconquête de la souveraineté au coeur des débats
Après la traditionnelle séance à huis clos, les instances de la FNSEA ont ouvert une séquence publique au cours de laquelle les principaux dossiers agricoles du moment ont été passés en revue. La souveraineté alimentaire a quasiment monopolisé les interventions lors du 76e congrès de la FNSEA à Besançon (Doubs).
Après l'intervention émouvante et forte de Mariia Didukh, secrétaire générale du Forum national agricole ukrainien et celle plus « crispée » de Geneviève Pons, directrice générale du think tank "Europe Jacques Delors", la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert a insisté sur la nécessité de retrouver une souveraineté alimentaire et énergétique qui se détache de « la vision décroissante » que l'Union européenne tente d'imposer à travers le Green Deal (Pacte Vert) et Farm to Fork. Non pas que la FNSEA ne souscrive à pas à cette ambition, mais elle ne souhaite pas que ces stratégies soient pilotées par des « lobbys verts qui deviennent les lobbys de la faim dans le monde » ni par « les Garcimore de la Commission européenne », a lâché Christiane Lambert. Elle souhaite au contraire « redonner une ambition » à ces politiques en s'appuyant notamment sur le rapport d'orientation de la FNSEA dévoilé en septembre 2020*, sur les actions concrètes que sont Epiterre, France Carbon Agri, etc. Le syndicat agricole souhaite aussi que le gouvernement finance, d'ici la fin 2025, les diagnostics carbone complets, « à 360° », de l'ensemble des exploitations françaises. « Nous sommes au rendez-vous et l'agriculture doit être, d'ici 2030, le premier fournisseur de biogaz et d'énergies vertes », a-t-elle précisé.
Agacée par l'accumulation des contraintes qui pèsent sur les exploitations et qui font penser « au syndrome de Diogène », Christiane Lambert entend, comme Samuel Vandaele, président JA (dont c'était le dernier congrès de la FNSEA à cette fonction), en finir avec les lourdeurs administratives. « J'ai le remède : la simplification », a-t-elle martelé, fustigeant au passage les surtranspositions qui mettent à mal des filières comme celle de la cerise. Récupérer cette souveraineté tant convoitée, c'est aussi « être intransigeant sur l'application totale d'Egalim 2 et s'attaquer au droit de la concurrence, en particulier aux grandes enseignes qui contournent le droit français en s'installant à l'étranger », a-t-elle expliqué.
« Concilier production et protection »
Pourtant astreint au devoir de réserve en cette période électorale, le ministre de l'Agriculture Julien Denormandie, très habile, a répondu sur le mode de la prétérition : « Je ne peux pas vous parler du Varenne de l'eau, des néonicotinoïdes, du plan stratégique national, de l'ouverture du comptage des loups, de la loi Sempastous, du plan porcin... », a-t-il indiqué. Partageant la vision de Christiane Lambert sur les conséquences du conflit russo-ukrainien, il a lui aussi évoqué la nécessaire reconquête de la souveraineté alimentaire et énergétique. Il compte pour ce faire s'appuyer sur les récentes mesures gouvernementales : France 2030, Plan de résilience, réouverture des négociations commerciales, mais aussi sur le Plan protéines, la reconquête des parts de marché fruits et légumes, et la consolidation des énergies vertes. Il a aussi suggéré de contrebalancer la vision politique de Farm to Fork par la « vocation nourricière de l'agriculture ». Selon lui, en intégrant et en « gravant » cette dimension alimentaire dans cette stratégie européenne, on parvient à « concilier production et protection (de l'environnement ndlr) ». Favorable à la vaccination des volailles pour lutter contre la grippe aviaire, il a assuré la FNSEA que le gouvernement « partage son exaspération » sur les exactions commises le 26 mars dans les Deux-Sèvres. « Il ne peut pas y avoir d'agriculture sans eau. N'en déplaise à certains », a-t-il glissé, dénonçant au passage une « instrumentalisation politique » et s'attirant les applaudissements des 1 000 congressistes présents.
* Faire du défi climatique une opportunité pour l'agriculture
« Ne donnez pas de semences aux Russes »
En visioconférence d'Ukraine, Mariia Didukh, secrétaire générale de l'Ukrainian National Agrarian Forum (Forum national agricole ukrainien), a livré un témoignage bouleversant de la situation de ses compatriotes agriculteurs en temps de guerre. Remerciant les agriculteurs français et européens pour leurs opérations de solidarité, elle a confirmé que ses collègues ne pourraient sans doute pas cultiver plus de 50 % de la SAU du pays. « Les paysans sortent la nuit pour semer mais sans garantie ». En réalité, les agriculteurs ukrainiens manquent de carburant, d'alimentation animale, en particulier dans les élevages laitiers. Mariia Didukh a exhorté les Français à « arrêter le business avec les Russes, notamment sur les semences, car ce sont autant de soutiens financiers pour que Poutine poursuive la guerre ».