Arboriculture : « La protection physique des vergers peut être un moyen de fidéliser les salariés »
Plusieurs organismes agricoles régionaux ont lancé un questionnaire en ligne à destination des arboriculteurs, afin de mieux connaître les impacts du changement climatique sur les conditions de travail de la filière. Régis Aubenas, arboriculteur dans la Drôme, témoigne des adaptations opérées sur son exploitation.
Plusieurs organismes agricoles régionaux ont lancé un questionnaire en ligne à destination des arboriculteurs, afin de mieux connaître les impacts du changement climatique sur les conditions de travail de la filière. Régis Aubenas, arboriculteur dans la Drôme, témoigne des adaptations opérées sur son exploitation.

Comment se manifeste le réchauffement climatique sur votre exploitation ?
Régis Aubenas : « En l’espace de 20 ans, la floraison des abricotiers et des pêchers a avancé de 15 jours. Lors de l’année 2022, les arbres étaient en fleurs dès le début du mois de mars. Ce changement augmente la période de sensibilité au gel, qui dure jusqu’à la mi-avril. Une fois la période des risques de gel terminée, démarre celle de la grêle. Il y a 15 ans, il s’agissait d’aléas qui ne se produisaient pas chaque année. Or, depuis 2011, la fréquence de ces épisodes s’est rapprochée et la grêle est même de plus en plus précoce. Au 31 mars 2024, 80 % de la récolte d’abricots et de nectarines a été détruite au sud de Valence. Notre exploitation était en bordure de nuages, donc nous avons pu trier lors de l’éclaircissage. Mais pour les producteurs qui étaient sous cette zone, toute la récolte est partie en filière industrielle à 0,30 cts d’€ le kilo, contre 2,20 € en départ de station fruitière. Afin d’éviter cela, les producteurs peuvent se doter de filets paragrêle et les déployer dès la mi-mars, selon l’avancement de la végétation des variétés précoces. Sachant qu’il faut environ 15 heures de travail par ha pour les déplier, cela nous demande également du personnel compétent. Mais nous avons remarqué que les exploitations où le travail est assuré par la protection physique des vergers peut être un moyen de fidéliser les salariés. »
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Ces changements ont-ils des conséquences sur la gestion de vos salariés ?
R. A. : « Habituellement, nous avions peu de personnel présent sur l’exploitation de la fin du mois de février jusqu’au mois d’avril. Dorénavant, la période de gel nous oblige à avoir du monde en quantité suffisante afin d’activer les différents dispositifs de lutte. Nous avons également modifié notre façon de travailler en commençant à tailler plus tard et sur une plus longue période, ou en deux fois, avec moins de personnel. En plus d’avoir investi dans des bougies contre le gel, des filets paragrêle et du matériel de manutention, notre stratégie a été d’employer de la main-d’œuvre qualifiée pour faire de l’éclaircissage, que nous démarrons plus tôt qu’il y a une trentaine d’années. Mais ce personnel est également qualifié pour conduire des passerelles automotrices, afin de gérer les filets en hauteur. Quand nous avons repensé notre système, il y a 15 ans, nous avons constaté que nous avions besoin de personnel permanent et compétent pour toutes ces tâches. En parallèle, nous avons également recruté des équipes sur des contrats de 8 ou 9 mois, en tant que tractoristes et conducteurs de passerelles. Nous avons également introduit des poiriers, qui fleurissent plus tard et qui nous permettent d’étaler le personnel sur une plus longue période. La récolte démarre fin mai, jusqu’à fin septembre, ce qui fidélise les employés. De notre réflexion démarrée en 2013, au recrutement, en passant par les formations et les montées en compétences des équipes, tous ces changements ont mis 8 ans à aboutir. »
Comment compensez-vous financièrement ces changements ?
R. A. : « Nous avons redéployé le système. Tandis qu’auparavant, nous finissions les tailles en vert fin septembre ou début octobre, nous les réalisons dorénavant tout au long de l’année. Nous avons également augmenté le prix de revient. Si nous ne déclenchons pas les dispositifs anti-gel et anti-grêle, nous sommes entre 12 et 14 cts d’€/kg, contre 16 et 17 cts d’€/kg, si nous les activons. Il ne faut pas oublier que sans l’usage de filets paragrêle, sur 100 kg de fruits, 10 % à 15 % ne seraient pas classés en catégorie 1, contre seulement 5 à 7 % avec l’usage des filets. À l’hectare, nous gagnons donc 10 % de tonnages commercialisés en catégorie 1. C’est aussi à nous d’aller chercher plus de rendements et plus de précisions techniques, afin que l’euro investi soit le plus efficient possible. »
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Quelles adaptations avez-vous adopté lors des grosses chaleurs qui sévissent durant l’été ?
R. A. : « L’été, nous sommes environ 40 personnes en production, séparées en deux équipes. La première ne s’occupe que de la taille en vert avant et après la récolte, tandis que la seconde est dédiée à la récolte. Lorsqu’il y a des coups de chaud qui obligent à travailler seulement le matin, de 6 à 13 heures, l’équipe de taille vient renforcer celle qui est à la récolte. »
À retrouver : Lien vers le questionnaire sur les conditions de travail sur la filière ou scanner QR code en bas à droite de l'image.
Ce projet est soutenu par la Dreets et le soutien technique de la chambre régionale d'agriculture d'Auvergne-Rhône-Alpes, la FRSEA et Anefa Auvergne Rhône Alpes.