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La production porcine n'est pas à la fête...

Depuis bientôt deux ans, les cours du porc sont plombés alors que le prix des intrants et les contraintes flambent.

Un début d'année 2022 qui voit l'instauration de la contractualisation obligatoire et la fin de la castration à vif.
Un début d'année 2022 qui voit l'instauration de la contractualisation obligatoire et la fin de la castration à vif.
© Réussir

Dans le cochon tout est bon et rose mais aujourd'hui, les éleveurs, eux, broient du noir. La faute au Covid synonyme d'embargo chinois, à l'envolée des cours des matières premières inversement proportionnelle à la dégringolade du cadran breton... sans compter des exigences sans cesse accrues en matière environnementale et de bien-être animal notamment. Point de la situation avec Jean-Paul Gamel, éleveur de porcs à Yolet et responsable de la section porcine de la FDSEA.

La production porcine n'est pas à la fête en ce début d'année, quelle est votre analyse de la conjoncture ?
Jean-Paul Gamel : "Nous traversons une conjoncture très difficile depuis bientôt deux ans, depuis l'arrivée du Covid en fait, avec des cours qui ont dévissé : il y a d'abord eu pas mal de fermetures d'abattoirs en raison des confinements, puis des cas Covid dans des ateliers de transformation, suivis de l'embargo chinois qui a généré un encombrement du marché européen, notamment de porcs espagnols dont la production avait été doublée pour répondre à la demande chinoise d'avant-Covid. Le porc français
- peu exporté en Chine - s'est donc retrouvé en concurrence avec les porcs espagnols et allemands, avec pour corollaire un prix du cadran qui a plongé et qui ne dépasse pas aujourd'hui 1,24 EUR le kilo alors que nos coûts de production sont calculés à 1,75 EUR."

Couvrir a minima ces coûts de production dans les contrats, c'est justement tout l'enjeu de la loi Égalim 2. La production porcine est elle aussi concernée...
J.-P. G. : "Oui, au 1er janvier 2022, comme en viande bovine, ce n'est plus l'aval mais les éleveurs qui vont proposer un contrat de vente aux acheteurs, coopératives comme privés. Des contrats de trois ans minimum avec des clauses de revoyure tous les six mois. Du fait de la concurrence internationale, le contexte est moins favorable dans la filière porcine pour imposer un prix
au-delà de 1,75 EUR quand bien même c'est indispensable pour faire face à l'inflation de nos charges, avec l'aliment qui a déjà pris 30 à 40 %."

Fin de la castration à vif
L'autre actualité du moment, c'est l'interdiction de la castration à vif des porcs. Comment les éleveurs vont-ils s'adapter ?
J.- P. G. : "Seule la castration à vif est  interdite depuis le 1er janvier. Il y a donc deux alternatives : la première, c'est de castrer avec une anesthésie préalable et des anti-inflammatoires. Cela va nous demander plus de temps et de manipulation avec un coût estimé entre 10 et 13 EUR par porc castré. Là encore, la question est de savoir comment répercuter ce surcoût, des réflexions sont en cours. Cette méthode suppose également une formation obligatoire des éleveurs, une formation gratuite délivrée en ligne (Internet) par l'Ifip (Institut du porc français) qui doit être suivie d'une intervention dans l'année de son vétérinaire pour qu'elle soit validée.
La deuxième possibilité, c'est une immunocastration qui consiste à vacciner les porcs à 30 kg, puis
70 kg, voire un peu plus tard s'ils sont odorants. Les essais effectués montrent que cela s'avère fastidieux pour l'éleveur sachant en outre qu'en abattoir, des "renifleurs" doivent vérifier si les porcs sont odorants ou pas. S'ils le sont trop, les animaux sont déclassés et rémunérés moitié moins... Ce n'est donc pour l'heure pas une solution d'autant que les trois abattoirs du département ne sont pas encore organisés pour déployer ce contrôle olfactif. Mais il se peut que d'ici quelques années, sous la pression sociétale, on soit obligé de recourir à cette immunocastration ou alors de produire des mâles entiers plus légers de 80 kg de poids vifs."

Sur le plan sanitaire, c'est toujours l'épée de Damoclès de la PPA (peste porcine africaine) ?
J.- P. G. : "Oui, ces derniers jours il y a encore eu un nouveau cas dans le Nord-Ouest de l'Allemagne sur un sanglier. Il est donc essentiel de bien respecter les règles de biosécurité. Des aides aux investissements(1) sont toujours accessibles pour installer un sas pour les visiteurs, des douches, des clôtures, des bacs de désinfection... Sachant aussi que la Chine et la France ont signé un protocole d'accord permettant de ne pas bloquer les exportations des zones indemnes de PPA même si un cas était avéré sur le reste du territoire national."

Dans ce contexte, difficile
d'installer des jeunes et de renouveler les effectifs ?
J.- P. G. : "Oui les installations sont rares et il devient très compliqué de réaliser des extensions de porcheries existantes. En France, les trois quarts des projets déposés ont été refusés ! Et un producteur qui a contesté ce refus a obtenu gain de cause mais... 15 ans plus tard !"

Un message en ce début d'année pour vos collègues éleveurs de porcs ?
J.- P. G. : "Leur dire que même si la situation est difficile, je les félicite et les encourage à persévérer. En attendant une conjoncture meilleure, ceux qui rencontrent des difficultés peuvent prétendre auprès de leurs banques à un PGE, un prêt garanti par l'État."

(1) 40 % de l'État, 40 % du Département avec un minimum de 5 000 EUR d'investissements.

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