La production d’AOP salers au ralenti : la face cachée de la sécheresse
Le Gaec Roux, à La Calsade de Badailhac, n’a plus de quoi nourrir ses laitières à l’herbe. Conséquence : la production d’AOP salers est chamboulée. Les finances de l’exploitation également.
Depuis mercredi 24 juillet, la production d’AOP salers du Gaec Roux est à l’arrêt. “Nous tournons qu’au cantal”, confirme Laurent, les yeux tournés vers les terres jaunies de son exploitation, à La Calsade de Badailhac. “Tous les matins, on se lève pour voir la misère”, déprime l’éleveur, en Gaec avec son épouse Béatrice depuis 2011.
Sur ses 48 hectares, tout en herbe, ses montbéliarde et prim’holstein cherchent désespérement l’ombre et un brin d’herbe vert. Pour les nourrir, le couple a dû se résoudre à acheter de la luzerne, à 215 € la tonne. “Le stock de la grange, c’est pour l’hiver. On préfère ne pas y toucher”, confirme l’éleveur, qui, de fait, a ainsi fait une croix, qu’il espère temporaire, sur la production de l’AOP salers (lire ci-dessous). Avec une double peine : le cantal fermier, sur lequel il s’est rabattu, peine à trouver des débouchés et son affineur ne le lui achète pas...
Le retard ne se rattrapera pas
Une sensation de déjà vu chez les Roux puisque, l’an dernier déjà, la sécheresse avait touché le département et l’exploitation. Seules 330 pièces d’AOP salers étaient ainsi sorties des ateliers du Gaec, qui bénéficie d’un quota de 375 plaques. Avec une perte sur le chiffre d’affaires évaluée à 25 000 €. “Ça va faire deux ans de suite que le ce chiffre se casse la figure. Forcément, on va le traîner longtemps”, déplore Laurent Roux, qui avait opté pour la transformation à la ferme justement pour améliorer sa trésorerie. L’éleveur espère donc que “ça se décoince maintenant parce qu’après, il sera trop tard... On travaille normalement du 15 avril au 15 novembre, on ne pourra pas rattraper le temps perdu.”
Face aux aléas climatiques, sans oublier les rats taupiers, qui avaient fait chez eux des ravages en 2016, le couple Roux évoque “un changement de nos méthodes de travail”, et pense même à trouver plus de débouchés ou à assurer une commercialisation plus lointaine. “Mais cela engendrera forcément des frais, avec l’embauche d’une troisième personne...”
“Et ceux qui viennent de s’installer ?”
Malgré tout, l’éleveur estime qu’il y a pire que lui. “Je pense aux sept nouveaux producteurs engagés dans l’appellation depuis l’an dernier : eux, ils n’ont pas de trésorerie et des annuités à rembourser. C’est encore bien plus compliqué...” Et garde confiance en ceux qui ont le dernier mot : les consommateurs. “Nous sommes situés sur la Route des fromages et on travaille beaucoup avec les hôtels, les campings, de Vic-sur-Cère. Quand les touristes viennent à notre rencontre, ils veulent des bons produits, ils font attention à ce qu’ils mangent. Alors on tient le choc.”