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La crise sanitaire interroge les modes de production et de commercialisation

Les épisodes de confinement bouleversent le comportement des consommateurs et désorganisent les circuits habituels d’écoulement. Si certains producteurs en tirent un petit profit tandis que d’autres sont pénalisés ; tous reconnaissent la difficulté de s’organiser et de se projeter en ces temps de crise. L’activité agricole n’est pas un robinet que l’on ouvre ou que l’on ferme facilement.

Le bilan sera mauvais mais le GaecMaugein a pu sauver les meubles. Entre incertitudes et rebondissements, le secteur horticole a particulièrement peiné en cette année 2020.

Une année épuisante


Installé sur les hauteurs de Tulle, le GaecMaugein connaît son premier pic d’activité de fin février à début avril, lors de la commercialisation des plantes bisannuelles, vivaces et des premiers plants maraîchers. Serge Maugein n’oubliera pas l’annonce du 1er confinement. « Le 16 mars, tout s’arrête. Les jardineries et les marchés ferment, il n’y a plus de transport, notre activité de vente directe doit aussi cesser ». Les 3 associés du Gaec bâtissent alors plusieurs stratégies jusqu’à se résoudre à l’idée que le confinement sera long et qu’il faut jeter l’équivalent de 25 000 euros de marchandises, en espérant ne pas rater le deuxième temps fort prévu en avril-mai, pour les plantes estivales et les plants de légumes.

Après 3 semaines de confinement total et déjà de lourdes pertes pour la filière, les jardineries commencent par rouvrir en se limitant aux semences et aux plants potagers. Le GaecMaugein s’organise en conséquence. « Tous les plants maraîchers sont partis très vite. Il faisait beau, les gens étaient à la maison et se sont pris de passion pour le jardinage. On aurait pu écouler plus de volumes, d’autant que certains gros fournisseurs avaient complément fermé. Mais il était bien difficile d’anticiper une telle réaction ». Les fleuristes et le rayon des plantes d’ornements des jardineries devront attendre le 11 mai pour connaître un retour à la normale qui ne sera finalement que temporaire. À nouveau, le 30 octobre, le couperet tombe. « Ce nouveau confinement tombe encore très mal car il coïncide avec notre troisième pic d’activité annuel de la Toussaint ». Le Gaec produit beaucoup de chrysanthèmes et commercialise également à cette occasion d’autres plantes d’ornement. Malgré l’obtention d’une dérogation pour que jardineries et horticulteurs puissent vendre jusqu’au jour de la Toussaint, les ventes diminuent et certains produits ne pourront être mis à la vente. 1 200 pots seront à nouveau jetés.

Jeter ou vendre, c’est le même travail

La prospérité passagère du mois de mai ne suffira pas à combler les pertes. L’exploitation accuse une perte d’au moins 5 % de son chiffre d’affaires annuel, avec des charges équivalentes. Une baisse raisonnable en apparence mais à mettre en relation avec la faiblesse des marges pour des exploitations tournées vers la vente en gros. Le Gaec n’a même pas pu placer une partie de ses employés permanents ou saisonniers en chômage partiel, car « jeter ou vendre, c’est le même travail ».

Les associés ont pourtant cherché à s’adapter pour limiter les dégâts. « Nous avons développé la communication, mis en place un drive, proposé des points de retrait à Ussel ou Égletons. Mais pour une exploitation qui écoule habituellement 80 % de ses volumes au travers des revendeurs, la vente au détail est chronophage et nous avons rapidement atteint nos limites. » Un peu comme si un éleveur conduisant une bande de 4 000 poulets devait se mettre à les vendre à l’unité.

Quelle stratégie pour 2021 ?

La crise n’est pas résolue et déjà la campagne 2021 doit s’organiser. « Les gens ont montré un engouement inattendu pour le jardinage. On peut alors se demander s’il ne serait pas opportun de prévoir plus de plants maraîchers l’an prochain. Mais qu’en sera-t-il si le beau temps n’est pas au rendez-vous et si les gens ne sont pas confinés à la maison ? Certains néophytes ont découvert le jardinage mais aussi ses contraintes : l’arrosage quotidien, les résultats parfois décevants et la difficulté d’entretenir son jardin lorsqu’il faut partir en vacances. Ce n’est pas sûr qu’ils y reviennent ». Serge Maugein s’interroge également sur le comportement commercial des jardineries. Si elles ont joué le jeu de l’approvisionnement local pendant la crise – essentiellement par nécessité – qu’en sera-t-il en 2021 ? Bâtir des stratégies d’adaptation à court terme avec toutes ces inconnues reste donc hasardeux. Serge préfère réfléchir sur le long terme. « Face au changement climatique, on s’oriente sur des plantes moins sensibles aux épisodes caniculaires et plus résistantes à la sécheresse ».

Au Gaec Privat, les ventes de viande en direct ont été dopées cette année. Mais face à un effet confinement qui reste difficile à appréhender, Corinne Privat joue la modération.

Une demande qui a doublé

 

Corinne Privat s’est installée en 2007 en Gaec avec son époux à Montaignac-Saint-Hyppolyte, pour développer la vente directe de viande aubrac aux particuliers. Une bête est abattue puis conditionnée en caissettes dès que les commandes sont suffisantes. Cette activité trouve rapidement son rythme de croisière avec un animal tous les 2 mois environ.

Début 2020, elle rejoint le drive-fermier mis en place par la Chambre d’agriculture. Dès l’annonce du confinement en mars, la demande s’accélère jusqu’à doubler. Corinne planifie alors l’abattage d’un animal par mois. En plus d’augmenter les volumes, ce nouveau système de commercialisation l’amène à rencontrer une clientèle différente, qui consomme de la viande de manière plus occasionnelle et ne cherche pas à remplir le congélateur. Elle commercialise donc à l’unité, « un steak » ou une « entrecôte » plutôt qu’une caissette entière. De quoi trouver un peu plus de valorisation.

Dès la fin du confinement le 11 mai, la demande diminue significativement. « J’ai tout de même fidélisé 20 % de cette nouvelle clientèle mais 80 % ont dû retourner vers un mode d’approvisionnement plus classique ». C’était sans compter le deuxième confinement annoncé le 30 octobre. « La demande augmente de nouveau. Plus on confine, plus je vends » admet Corinne qui peine toutefois à trouver une explication rationnelle à ce phénomène. « Les boucheries et les grandes surfaces sont ouvertes et cette fois, les parents sont au travail et les enfants à l’école. Peut-être que les gens ont peur de s’approvisionner dans les rayons des magasins, peut-être que le drive donne l’occasion aux gens de sortir, peut-être encore que, à défaut de loisirs, les gens se font plaisir en achetant un bon morceau de viande… » sont autant d’hypothèses prudemment avancées.

Le fait que la crise ait changé durablement le comportement alimentaire des français et leurs modes d’achat reste encore à démonter. Si les exemples de vente directe à la ferme, dont les volumes ont explosé, sont de belles réussites pour les exploitations agricoles concernées, il convient de tempérer ces succès au regard des volumes écoulés et de ne pas miser trop vite et trop fort sur un phénomène dont on ne sait s’il est durable ou passager.

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