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Loi de modernisation de l’agriculture
La contractualisation ne régulera pas les marchés

Les acteurs de différentes productions sont tombés d’accord sur un point : la contractualisation n’a pas vocation à réguler les marchés.

« Contractualisation », « contrats », c’est la rengaine de la rentrée 2010 au ministère de l’agriculture et dans les discussions entre agriculteurs, à la veille de l’examen du projet de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche (LMAP), attendu à l’Assemblée nationale après les élections régionales des 14 et 21 mars. Au cours d’un débat organisé par l’Association française des journalistes agricoles et de l’Alimentation (AFJA) au siège de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA), le 17 février, des producteurs de lait, de betteraves, de fruits, de pommes de terre, un expert juridique, un président de coopérative laitière se sont au moins entendus sur un point : la contractualisation n’est pas un outil de régulation des marchés agricoles mais elle concerne la mise en place d’une nouvelle gouvernance dans les filières agricoles et agroalimentaires. « Le vrai sujet de la contractualisation, c’est le rééquilibrage du rapport de forces au sein des filières » au travers de « l’organisation économique des producteurs », estime Etienne Fabrègue, conseiller juridique de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL). Mais le sujet peut sembler anodin tant la contractualisation est déjà de mise en agriculture. Alors pourquoi en faire l’un des sujets phares de la LMAP ?

Volatilité des prix

En fait, c’est la dérégulation des marchés agricoles depuis une dizaine d’années au niveau européen, inspirée des thèses libérales ayant cours à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui contraint aujourd’hui les agriculteurs à se pencher sur la contractualisation. Ainsi, face à la forte volatilité des prix et une rude concurrence internationale qui découlent de la libéralisation des marchés, les producteurs agricoles espèrent garantir un revenu minimum et le sécuriser en concluant des contrats de fourniture avec des coopératives ou des industriels comme dans le secteur laitier qui verra la fin des quotas le 1er avril 2015 ; ou directement avec des distributeurs comme dans la filière fruits, la grande distribution concentrant 70 % des contrats passés par les producteurs de fruit français.

Mais Josian Palach, producteur de lait et membre de la Confédération paysanne, juge que la contractualisation « n’est pas un projet d’avenir » et qu’elle « n’assurera jamais la maîtrise de la production et engendrera des guerres entre régions et Etats ». Il redoute en fait une intégration des producteurs par les industriels et se positionne exclusivement sur le terrain politique, réclamant que les pouvoirs publics « n’aillent plus vers la libéralisation des marchés et la dérégulation ». Le vice-président de la FNSEA, Pascal Ferey, estime que la contractualisation n’est « pas le remède à tous les maux », mais il considère de son côté qu’il ne faut « pas attendre que les politiques réagissent » et « proposer des choses pour que les agriculteurs se structurent et s’organisent face aux industriels ». Et on explique aussi à la FNSEA qu’on continue de « se battre en même temps sur la régulation des marchés » au niveau européen.

« Responsabilité » et « pragmatisme »

En Europe, les décisions se prennent à 27 et il n’est pas certain que la France, favorable au maintien de régulations sur les marchés, arrive à convaincre un nombre suffisant d’Etats membres pour la nouvelle PAC 2014-2020. En attendant, Etienne Fabrègue juge qu’« il faut être pragmatique car les forces politiques ont voté des orientations, et responsable […] afin que le monde agricole ne soit pas la variable d’ajustement des industriels et de la grande distribution ». Pascal Ferey, lui, martèle : « Le contrat ne palliera pas les déficiences du marché, il n’assurera pas à lui seul le revenu des producteurs, mais j’espère qu’il assurera des prix planchers. » Le vice-président de la FNSEA insiste enfin, aussi, sur « la responsabilité de gérer la situation actuelle ». Bruno Dupont, qui préside la FNPF (producteurs de fruits), attend quant à lui de la contractualisation qu’elle « moralise les relations commerciales » entre l’amont et l’aval, et permette « une lisibilité du prix pour le consommateur ».

Volumes et prix

Mais que vont contenir ces contrats ? Pascal Ferey plaide pour des « contrats types adaptables », avec certaines dispositions obligatoires comme des indicateurs de prix et de volumes pour éclairer les marchés, et l’officialisation d’un guide de bonnes pratiques. Néanmoins « le contrat ne sera jamais en dehors du marché », tient à préciser Etienne Fabrègue. Dominique Chargé, président du groupe coopératif laitier Laïta et secrétaire général de la Fédération nationale des coopératives laitières, estime cependant qu’« il faut aller plus loin dans la LMAP sur les volumes et les prix » par rapport à ce qui existe déjà en terme de contrats en agriculture. Seulement, la contractualisation proposée dans la LMAP intégrera-t-elle le risque climatique par exemple ? De plus, si ces contrats ne sont pas indexés sur les variations des coûts de production, ils pourraient être destructeurs pour les trésoreries des exploitants. Alexandre Quillet, lui, producteur à la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB), formule un souhait : « Que les mots contractualisation et régulation soient dans la PAC d’après 2013, sinon nous partons très mal ! »

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