Jean-Louis Etienne promeut l’agroforesterie pour atténuer les impacts du changement climatique
Selon Jean-Louis Etienne, médecin-explorateur, la décarbonation de l’agriculture et l’adaptation au changement climatique rendent l’essor de l’agroforesterie incontournable. Mais les agriculteurs doivent aussi produire plus et mieux.
Selon Jean-Louis Etienne, médecin-explorateur, la décarbonation de l’agriculture et l’adaptation au changement climatique rendent l’essor de l’agroforesterie incontournable. Mais les agriculteurs doivent aussi produire plus et mieux.
Le climat s’emballe avec des phénomènes de plus en plus torrides et extrêmes. En France, le réchauffement de la Méditerranée accentue la fréquence des épisodes cévenols dans le sud-est. La mer Méditerranée se réchauffe de plus en plus. Cet été, sa température a atteint 31°C.
Comme les agriculteurs n’ont pas les moyens de combattre frontalement les phénomènes climatiques violents qui s’abattent sur leurs exploitations, ils doivent adapter leurs pratiques agricoles pour atténuer le dérèglement du climat et atteindre la neutralité carbone sans pour autant renoncer à produire », explique Jean-Louis Etienne, médecin-explorateur.
Infatigable défenseur de la nature, il a été le premier homme à atteindre le Pôle Nord en solitaire et il a réussi la plus longue traversée de l’Antarctique (6 300 km) en traineau à chiens. Le médecin-explorateur tiendra une conférence sur le climat le 6 décembre prochain à la 64e bourse de commerce européenne à Paris au Grand Palais devant 4 000 acteurs du commerce et de la transformation des matières premières agricoles du monde entier.
Un mot d’ordre, adaptabilité
« Lors de mes conférences, je propose un canevas de réflexions que chacun doit intégrer dans sa zone d’influence », explique Jean Louis Etienne. « Mes solutions prodiguent l’adaptabilité. Elles reposent sur l’intelligence humaine et l’usage à bon escient des technologies ». En agriculture, l’agroforesterie est la voie à suivre pour concilier décarbonation, changement climatique et production. « Il ne s’agit pas de renoncer à produire en réservant une partie des parcelles à la plantation de haies », explique le médecin-explorateur. « Non. Il s’agit de créer des écosystèmes résistants à la sécheresse, capteurs de CO2 atmosphérique et sources de biodiversité ». A l’échelle de la parcelle, l’agroforesterie atténue le dérèglement climatique. L’eau est mieux retenue dans le sol. Les céréales et les prairies poussent plus régulièrement. « L’Afrique est en avance sur l’Europe car les paysans ont compris depuis longtemps que l’essor de l’agriculture repose sur l’agroforesterie », soutient Jean-Louis Etienne. Mais la transition agroécologique s’inscrit dans la durée. « Les céréaliers qui adopteront les pratiques agricoles vertueuses pour décarboner l’agriculture n’en tireront pas immédiatement profit », prévient l’explorateur. « Ils bâtiront le paysage propice à l’activité des générations d’agriculteurs à venir ».
Renouer avec l’écosystème Terre
L’ancien tourneur-fraiseur devenu médecin compare l’état de santé de la planète à celui d’un malade chronique avec 38,5 °C de température, soit 1,5 °C de plus que la normale requise. Aussi, ramener cette température à 37 °C demande du temps et un remède approprié. « Il faut renouer avec l’écosystème Terre dont l’homme s’est éloigné. Il repose sur la production primaire, la consommation et le recyclage », dit-il.
Jean-Louis Etienne n’est pas du tout un adepte de la décroissance économique. L’agriculture européenne, et française en particulier, doit prendre sa part dans la souveraineté mondiale alimentaire de la planète pour nourrir 8-10 milliards de personnes. « Mais il faut donner aux agriculteurs les moyens de produire et de contribuer à atteindre la neutralité carbone de l’agriculture à l’horizon de 2050 », affirme-t-il. La source d’énergie décarbonée abondante de l’agriculture sera essentiellement l’électricité d’origine nucléaire. Et dans les champs, l’accès aux OGM et à l’édition génomique paraît incontournable car le climat évolue plus vite que la nature.
Les produits de protection des plantes : « les interdire serait absurde. Les agriculteurs n’auraient alors plus les moyens de produire. Les mouvements écologistes très intransigeants ne veulent pas comprendre la complexité de la production agricole », soutient-il.
Pour lui, « les agriculteurs n’ont pas à être montrés du doigt en les rendant responsables de tous les problèmes écologiques de la planète et en leur imposant des normes déconnectées des réalités du terrain », tempête l’explorateur des Pôles. « Mais le lobby de certaines entreprises phytosanitaires et les profits qu’elles dégagent pourraient avoir ralenti la mise au point et la production de physiocontrôle qui ne détruisent pas les écosystèmes ».
L’Inrae s’y penche depuis des années mais elle ne peut pas être seule à trouver des solutions.