« Il n'y a pas de prairies sans les ruminants »
Lors d’une conférence-débat organisée le 11 mai à Brioude, le scientifique de l’INRAe, Jean-Louis Peyraud a affirmé le rôle essentiel des ruminants, notamment à travers la prairie. Une analyse qui sonne terriblement juste alors que les préjugés vont bon train.
« L’élevage de ruminants est un acteur majeur, pour ne pas dire essentiel, pour la durabilité du système alimentaire, c’est à dire qu’on ne peut pas imaginer un système alimentaire s’il n’y a pas quelque part des animaux et en particulier des ruminants », c’est par ces mots que Jean-Louis Peyraud scientifique à l’INRAe a ouvert son intervention lors de la conférence-débat organisée jeudi 11 mai dernier à Brioude-Bonnefont dans le cadre des Finales du Championnat de France de Rugby des Lycées agricoles.
Et d’expliquer pourquoi l’importance des ruminants. Ce n’est pas uniquement parce que « la viande rouge c’est bon pour la santé, et bon au goût de même que le fromage », mais c’est parce que l’élevage de ruminants est indissociable de la présence des prairies. Il dénonce ainsi le parti-pris de certains qui ne voient dans l’élevage que les émissions de gaz à effet de serre (GES) en oubliant l’essentiel.
Un triptyque : végétaux, animaux et sol
Le scientifique rappelle que « l’agriculture, c’est un cycle, avec les productions végétales, les productions animales, les effluents et les sols… », que « les animaux recyclent les biomasses et en particulier les biomasses que ne consomment pas les humains », que « les engrais organiques naturels fertilisent les sols », et que « l’élevage favorise la diversification des rotations et produit des services écosystémiques avec la prairie ».
Jean-Louis Peyraud étaye ensuite ses propos à partir d’éléments chiffrés. Ainsi il précise que 95 % des protéines que mangent les ruminants, toutes espèces confondues, ne peuvent être mangées par l’homme. Il démonte l’argument des anti-élevage qui affirment que pour produire 1 kg de viande, il faut 7 kg de protéines consommées, en démontrant que certains systèmes, notamment en vaches laitières mais même en bovins et ovins viande, sont créateurs nets de protéines.
Des systèmes perfectibles
Bien sûr tous les systèmes d’élevage ne sont pas vertueux, mais dans le massif-Central, nos systèmes herbagers, bien que perfectibles, vont dans le bon sens, dans le sens d’une « agriculture circulaire et plus efficiente ».
Le scientifique insiste aussi sur les effluents d’élevages, des « engrais qui n’ont aucun coût GES par rapport à de l’ammonitrate ; on produit 28 kg d’équivalent CO2 par kg d’azote minéral qu’on va épandre sur le champ et on en produit quasiment zéro avec les effluents d’élevage ». De même, les ruminants sont attaqués sur leur production de méthane. « Oui, ils produisent du méthane depuis la nuit des temps, mais on oublie de dire que les ruminants permettent de stocker le carbone dans le sol avec la prairie entre autres ». Par ailleurs, seuls les ruminants peuvent consommer la cellulose produite en quantité par la végétation ; si on n’avait plus de ruminants, les 2/3 de la biomasse produite par photosynthèse en France ne serait pas utilisable pour l’alimentation humaine. Par contre, avec les troupeaux c’est beaucoup d’émissions d’ammoniac, mais il existe des solutions pour les réduire. « Tout n’est pas blanc, tout n’est pas noir ». On peut jouer sur l’alimentation, les additifs alimentaires, la qualité des fourrages, la génétique… et baisser de 30 % l’intensité des émissions de GES.
L’élevage contribue à la fertilité des sols, combat l’érosion, et participe à une meilleure activité du sol, ce qui fait dire au spécialiste que « la prairie, le troupeau et l’éleveur qui gère le système, c’est un trio. Et l’un ne va pas sans les autres ».
L’élevage entretient la biodiversité
Autre affirmation, l’élevage entretient la biodiversité. « Une prairie permanente c’est 50, 60 voire 70 espèces végétales présentes et une multitude d’espèces d’animaux dans le sol, c’est aussi une diversité de paysages. Selon les chiffres de l’institut de l’élevage, 1 UGB en France, c’est à peu près 90 m de haies ; on supprime les vaches, on supprime les haies… » précise Jean-Louis Peyraud. Et d’ajouter : « il n’y a qu’un seul système agricole qui permette autant de biodiversité que la forêt primaire, c’est la prairie permanente. Si on supprime de l’élevage et donc de la prairie naturelle, on perdra en biodiversité… ».
En conclusion de son intervention, le scientifique a résumé : « la réalité est complexe et les messages sont souvent trop simplistes. Pour chaque performance, l’élevage peut avoir des effets positifs ou négatifs, tout dépend du système et de la conduite : The problem is not the cow, it is how ! ¹ ».
Les systèmes d’élevage ont des atouts à faire valoir, mais ils doivent aussi évoluer en profondeur pour bénéficier des atouts tout en limitant les impacts : effectifs totaux, répartition territoriale (systèmes alimentaires circulaires), évolution des pratiques. Il faut maintenir la diversité des systèmes : diversité des contextes, des demandes (prix, qualités…), du besoin de résilience…
Jean-Louis Peyraud a ressorti une ancienne étude de l’INRA, qui a quantifié qu’un hectare de biodiversité d’une prairie permanente européenne, c’était 600 euros. Ça donne une idée des services que rend l’élevage.
1. Le problème ce n’est pas la vache, c’est comment elle est élevée !