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femmes  et agriculture
« Il n’y aura pas de progrès sans la volonté des hommes »

A l’occasion de la journée des droits de la femme, entretien avec la sociologue Clémentine Comer, qui est revenue sur la prise de responsabilités des femmes dans le monde agricole.

Une agricultrice au volant de son tracteurs
Une agricultrice au volant de son tracteurs
© © AdobeStock

Durant six ans, Clémentine Comer, sociologue qui travaille à l’Inrae notamment sur la profession de vétérinaire, a scruté les mécanismes à l’œuvre dans l’investissement militant des femmes en agriculture. Son travail de recherche a débuté auprès des femmes engagées dans les organisations professionnelles de Bretagne, pour très vite dépasser les frontières de l’Ouest. Invitée récemment d’une conférence organisée par l’AFJA(¹), elle a témoigné, chiffres à l’appui, d’une féminisation certes tendancielle des mandats agricoles, mais très discontinue. En cause, le poids de l’inconscient collectif et de la charge mentale qui incombent encore majoritairement aux femmes. « Les études montrent que c’est le métier où le partage des tâches ménagères et parentales présente le pourcentage le moins élevé. Historiquement, il y aussi une répartition assez genrée des tâches effectuées sur l’exploitation avec, trop longtemps, un manque de reconnaissance du travail des femmes plus cantonnées à la sphère familiale, aux tâches « invisibles » non rémunérées. Cela participe au fait que les femmes ont moins de temps à consacrer aux mandats économiques, syndicaux, mutualistes… », explique Clémentine Comer.

Plafond de verre
En termes de valeur absolu, si la féminisation des mandats progresse, cela ne veut pas dire que les organisations accueillent plus de femmes, en réalité, ce sont souvent les mêmes, qui sont élues dans plusieurs organisations professionnelles. « Cela participe à l’épuisement militant qui provoque souvent la versatilité de l’engagement ». Pour autant, le parcours de femmes comme Christiane Lambert, à la tête de la puissante FNSEA, ou encore de Michèle Boudoin, présidente de la Fédération nationale ovine (voir ci-dessous) prouve que le plafond de verre peut se fendre. « Il y a une sur-représentation des femmes dans les échelles locales, et force est de constater que plus on monte dans les échelons moins elles sont représentées. Les femmes s’engagent plutôt dans les « petits » mandats. Elles s’investissent majoritairement dans le social, les filières de niche, la communication, l’agritourisme… », analyse la sociologue.

Les femmes sont dans « le faire »
L’éloignement des femmes des mandats plus économiques et stratégiques, dans les coopératives notamment, est le produit de facteurs sociaux, selon Clémentine Comer : « Les réunions où les débats s’éternisent et qui débouchent sur peu de concret, tout cela ne convient pas aux femmes, c’est certainement pour cela qu’elles n’ont pas envie de franchir le pas ». Autrement dit, comme le résume Michèle Boudoin, « le ronronnement n’est pas pour les femmes. Quand on met le pied par terre on sait que l’on doit avancer ». Parce qu’elles n’ont pas de temps à perdre, car conscientes de toutes les choses qui leur restent à accomplir, les femmes élues font souvent l’impasse sur les moments d’après réunion. Et pourtant, c’est souvent dans ces espaces informels que les tactiques se dessinent et les places s’attribuent. « L’engagement est assez tentaculaire, et il y a une logique de cooptation. Sans compter, que les attributs d’un bon dirigeant agricole, que sont le charisme, le goût pour le débat, la capacité à trancher les litiges, dans l’imaginaire collectif, se conjuguent encore majoritairement au masculin ».
Pour autant, le temps fait son œuvre, les générations évoluent… et les femmes ont tout intérêt à faire leur place. « Il y a un certain nombre de femmes fortes qui, où qu’elles soient, réussiront, pour d’autres ce sera plus compliqué, elles auront besoin d’être accompagnées. Mais se dire que ce n’est pas impossible, est déjà un premier pas ».
 

1. AFJA : Association française des journalistes agricoles.

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