« Il faut savoir si dans ce pays, on veut encore des paysans »
Non content d’avoir atteint un point de rupture climatique et économique, le monde agricole fait les frais d’une politique sans cap, qui sans sursaut pourrait finir d’entamer le moral des paysans.
La sécheresse qui sévit dans la plupart départements de la région s’accentue à mesure que les semaines sans pluie passent…
Ce phénomène est dramatique, d’autant plus que c’est la énième sécheresse à laquelle nous devons faire face. Passer cette sécheresse va être un véritable enjeu pour beaucoup d’entre nous. La nature ne nous fait plus de cadeau, c’est un problème prioritaire pour nos zones. Face à cette situation, le réseau FNSEA-JA s’est rapidement positionné pour activer le fonds « calamités ». Nous n’avons pas d’autres choix que de solliciter les mêmes outils à notre disposition : dégrèvement de taxes, et activation du FNGRA (Fonds national de gestion des risques en agriculture). Les procédures sont en cours dans la plupart des départements à la demande des FDSEA et des JA. Nous espérons que les décisions politiques soient rapidement à la hauteur afin d’éviter une décapitalisation massive du cheptel.
Les États généraux de l’alimentation (EGA) et la loi qui en est issue ont suscité beaucoup d’espoirs pour ramener du prix à la production. Où en-est-on aujourd’hui ?
Les effets des EGA tardent très concrètement à se faire sentir, dans l’élevage en particulier. D’une part, la loi n’a pas été prise en main de manière suffisante par les opérateurs économiques, et d’autre part, le législateur a sous-estimé lourdement le poids des quatre centrales d’achat, et de certains opérateurs qui ont un monopole extrêmement conséquent, notamment en viande bovine. Nous ne baissons pas la garde. Nous devons continuer à nous battre pour que cette loi soit appliquée.
Le contexte climatique et économique n’est pas bon. Pourtant, les pouvoirs publics ne semblent pas prendre la mesure des difficultés, pire, par leurs décisions, ils multiplient les incohérences…
Les signaux envoyés par le pouvoir sont dépourvus de toute logique. D’un côté, on nous demande de monter en gamme sans avoir forcément davantage de prix, et de l’autre, on signe des accords tout azimut avec des pays comme le Canada (CETA) pour faire entrer n’importe quoi. Sauf qu’en jouant sur ces deux tableaux, les pouvoirs publics s’assoient sur les lois qu’ils ont voté eux-mêmes. En effet, à travers l’article 44 de la loi EGALIM, la France s’est engagée à interdire toute commercialisation de produits « pour lesquels il a été fait usage de produits vétérinaires ou d’aliments pour animaux non autorisés par la réglementation européenne ou ne respectant pas les exigences d’identification et de traçabilité imposées par cette même réglementation ». Il est indiqué à la fin de cet article que « l’autorité administrative prend toute mesure de nature à faire respecter cette interdiction ». La première de ces mesures devrait être, en vertu de la loi, de refuser de ratifier le CETA pour en exiger le retrait de la viande bovine. Aujourd’hui, cela ne dérange pas le Gouvernement de ne pas respecter ces accords. Cette loi n’est pas respectée car de la viande brésilienne arrive déjà en Europe avant même le Mercosur. Le CETA nous est vendu comme une potion magique, à grands coups de mensonges, y compris sur l’utilisation des farines animales. Le monde agricole a légitimement l’impression qu’on lui demande toujours plus dans des conditions économiques et climatiques plus que délicates. Il est temps que cela cesse.
Le réseau FNSEA-JA appelle donc clairement à la mobilisation. Sous quelle forme ?
Le temps est venu de passer à l’action syndicale. Dans les semaines qui viennent, nos réseaux vont se mobiliser de diverses manières, pour légitimement demander de la cohérence politique : on veut bien continuer de monter en gamme, avec des prix corrects, mais sans être face à des produits qui ne respectent pas les mêmes normes. Cette mobilisation est nécessaire pour obtenir un cap politique pour l’agriculture. On ne peut pas nous demander tout et son contraire, on ne peut nous demander toujours plus et laisser entrer de plus en plus de produits non-conforme du reste du monde. La situation climatique, économique et l’incohérence politique mettent grandement en péril nos métiers et exigent de passer à l’action.