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«Il faut innover et travailler à d’autres formes pour notre produit»

Michèle Boudoin, présidente de la Fédération nationale ovine (FNO) et éleveuse dans le Puy-de-Dôme revient sur les grands sujets de la filière ovine.

Michèle Boudoin, présidente de la Fédération nationale ovine (FNO)
Michèle Boudoin, présidente de la Fédération nationale ovine (FNO)
© HLP

Les chiffres montrent une belle remontée de la filière ovine. Pour autant il ne faut pas oublier le point de départ et les nombreux chantiers qu’il reste à accomplir. Michèle Boudoin, présidente de la FNO le martèle, «oui nous allons mieux mais ce pourrait-être encore mieux !»

 

Au premier regard, la filière ovine est en meilleure santé qu’il y a quelques années et se porte même mieux que d’autres. Est-ce le cas en profondeur ?

«La filière ovine n’est pas en marge des autres productions. Nous subissons aussi la volatilité des prix, l’augmentation des coûts de production, les normes et les réglementations. Comme toutes les autres productions, nous sommes à la veille d’une rupture démographique. Même si nous ressentons un léger frémissement au niveau de l’installation, l’enjeu du renouvellement des générations reste de taille. Plus de 60% de nos producteurs ont une seconde activité en plus de l’élevage ovin. Le revenu est meilleur mais il ne faut pas oublier que nous partons de très bas. Mais il ne suffit pas à rémunérer le travail fourni.»

 

La filière ovine a tout de même des marges de manœuvre que d’autres filières n’ont pas ?

«Seulement 48% de la viande d’agneau consommée en France est française. L’Union Européenne dépend des importations. Les ventes de viande sous signes officiels de qualité (Label Rouge) augmentent. Nous avons effectivement une marge de manœuvre à saisir et une bonne notoriété auprès du consommateur. Le maintien des prix et le dernier rééquilibrage des aides PAC, nous redonnent du souffle. Nous devons profiter de cette embellie pour gagner en technicité et investir dans les élevages. Mais après 30 à 40 ans de mondialisation, avec les conséquences que l’on connait, l’éleveur ovin est devenu prudent. Il investit à juste titre mais rarement démesurément, même s’il en a la trésorerie. La Nouvelle-Zélande réactive et redoutable est toujours là. Leurs éleveurs ovins sont capables d’augmenter ou de diminuer leur production en très peu de temps. Notre challenge est de faire en sorte que le contingentement, leur permettant d’exporter vers l’Europe 228 000 tonnes d’agneau réfrigéré sans taxe, n’augmente pas.»

 

La FNO a plusieurs gros chantiers en cours notamment la contractualisation ?

«Oui, nous la défendons ardemment. La contractualisation permettra de sécuriser les prix et gérer les volumes mais à condition qu’elle soit tripartite. Des marges justes pour l’éleveur, l’opérateur et le distributeur doivent être établies. Tout le monde doit trouver son compte y compris le consommateur. C’est l’un de nos grands défis. L’autre est d’arriver à toucher des consommateurs plus jeunes. Il faut innover et travailler à d’autres formes pour notre produit. I have a dream (j’ai un rêve NDLR) : faire du haché d’agneau français pour des plats préparés ou tout simplement à saisir à la poêle. Mais attention, j’ai bien dit d’agneau pas de mouton. Nous devons défendre la qualité de nos animaux et imposer à la viande importée un étiquetage sur l’âge de la bête. Un agneau c’est un animal de moins de 12 mois et aujourd’hui, dans trop de cantines ou de plats préparés on cuisine des bestioles de réformes qui cocotent ! Les jeunes après ça ne veulent plus manger d’agneau. Il faut arrêter. »

 

Il y a quelques semaines, le parc du Gévaudan a perdu six loups dont seulement cinq ont été retrouvés. Cette affaire a révélé certaines failles dans la sécurité et la gestion du site. Quel est votre sentiment ?

«Une vive colère ! La FNO a pris contact avec les ministères de l’Agriculture et de l’écologie ainsi que le secrétaire d’état à la biodiversité. Nous demandons fermement à ce qu’il y ait un renforcement dans la traçabilité des loups (puce électronique obligatoire), une gestion stricte des naissances et des contrôles réguliers et inopinés des clôtures par la DDT. Mince à la fin ! On nous demande, à nous éleveurs, de boucler nos animaux, de relever chaque naissance, d’enregistrer la moindre entrée et sortie d’animaux. L’administration est capable de nous envoyer un contrôleur sans prévenir et au moindre écart, on récolte une amende. Et un parc animalier, qui plus est d’animaux dangereux, a tous les droits ? Après cet épisode, il y a eu un comptage dans le parc en question. Ils ont trouvé 40 loups alors que seuls 32 étaient déclarés quelques semaines auparavant. Même dans un élevage ovin de 1 000 têtes il n’y a pas un tel écart entre les déclarations et la réalité. Il faut ajouter que les éleveurs qui ont eu des attaques de loups l’année dernière attendent toujours leurs indemnisations. Où est passé cet argent ? C’est un scandale. On dirait qu’autour du loup plus personne n’est maître de rien.»

Propos recueillis par M.Comte

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