Grêle et sécheresse : nouvelles plaies des éleveurs cantaliens
Sept cantons du Nord-Est et de l’Est Cantal touchés par une sévère sécheresse printanière. Certains éleveurs ont aussi cumulé les dégâts de l’orage de grêle du 22 juin.
Ici à Coltines, on ne scrute plus le ciel qu’en soupirant. Il a bien fait 2 mm jeudi dernier, mais 2 mm ou rien pour Mickaël et Frédéric Gravejat, c’est pareil. “Ça s’arrête à Tanavelle”, constatent les associés du Gaec des Normandes. Et même si la pluie revenait, pour les deux frères installés successivement en 2005 et 2009 sur l’exploitation parentale, le mal est déjà fait.
70 % de la récolte en moins
Depuis début avril, leurs parcelles n’ont reçu en tout et pour tout qu’une vingtaine de millimètres. Conséquence : une récolte d’herbe amputée de 70 %. “L’an dernier, on avait ramassé 800 ballots de foin, contre 180 ce printemps. Avec ça, on va tenir un mois et demi, après il ne restera que le silo d’ensilage d’herbe où il manque également 50 % avec seulement 325 m3 contre 800 l’an dernier”, ont expliqué les deux éleveurs entourés d’une trentaine de responsables FDSEA et JA des communes et cantons touchés par cette sécheresse printanière. Et ils ne comptent guère sur les 6,5 hectares de maïs qui souffre également avec déjà pas mal de pieds morts. Les deux frères estiment qu’il va manquer 240 tonnes de matière sèche pour passer l’hiver. Sorties début mai, leurs 75 laitières ont pu pâturer un mois et demi avant que les Gravejat ne soient contraints de distribuer du foin (quatre ballots par jour) et du mash à raison de 200 kg/jour. Soit un coût journalier de 50 euros. L’impact de la sécheresse s’est aussi fait ressentir sur la production laitière du troupeau : “Quand on a vu qu’on commençait à perdre 100 litres par jour, on s’est dit que la pâture ne suffisait plus”, raconte Mickaël.“J’avais misé sur une bonne seconde coupe, le pari est complètement raté, enchaîne pour sa part Michel Pitot à la tête d’un troupeau d’abondances sur Ruynes-en-Margeride. J’ai dû commencer à distribuer du foin il y a une dizaine de jours et les boules défilent. Il va falloir passer par des achats.” Pour lui, la question primordiale est celle d’alimenter et d’abreuver les vaches cet été avec des ponctions sur le réseau public. “Pour nous, c’est pire qu’en 2011 parce que ça a attaqué cette année plus tôt”, estime-t-il.“On pourrait se dire, on va attendre la pluie mais on est sur une zone de prairies naturelles où 80 % du rendement se fait au printemps, la perte ne se récupèrera pas même si le temps change”, a indiqué le président de la FDSEA Patrick Bénézit qui, avec les Jeunes Agriculteurs, a sollicité la Direction départementale des territoires (DDT) pour que soit manda- tée une commission d’enquête avec l’objectif pour les éleveurs touchés d’émarger au fonds national des calamités agricoles. Un fonds dont il a été rappelé que le financement est également assuré par les agriculteurs.
Plusieurs centaines d’exploitations concernées
Comme pour la procédure engagée pour les dégâts causés par la grêle (lire ci-dessous), une estimation des pertes va devoir être réalisée avant qu’une commission départementale d’expertise ne valide le dossier de demande d’aides adressé à la commission nationale des calamités agricoles dont la première réunion n’est prévue qu’en octobre. Sous le pilotage de Guy Touzet, délégué cantonal FDSEA de Saint-Flour nord et secrétaire général adjoint, un premier recensement des communes affectées a été entamé. “Ça fait une sorte de croissant, ça part d’Allanche, Massiac, ça reprend la Planèze jusqu’à la Margeride, tout le bas de Saint-Flour”, trace ce dernier. Entre 500 et 1 000 exploitations cantalien-nes pourraient ainsi être touchéessur les cantons de Massiac, Murat, Saint-Flour nord et sud, Ruynes-en-Margeride, Allanche et Chaudes- Aigues. Des demandes de dérogation au cahier des charges des AOP fromagères vont également être sollicitées.
140 ha broyés à terre
Tout est haché, broyé. Le 22 juin, ce coin de Vèze comme les communes voisines a vu s’abattre un rideau de grêlons de 3 à 4 cm de diamètre qui, au terme d’une demi-heure d’un orage d’une rare violence, ont constitué un tapis de 10 cm d’épaisseur et détruit la végétation. Pour Éric Vinatier, un agriculteur installé il y a trois ans en bovins allaitants, c’est la troisième calamité de sa jeune carrière : “En 2011, il y a eu la sécheresse, puis les rats taupiers et maintenant la grêle...” Un coup d’autant plus dur que le 22 juin, sur ces parcelles situées entre 1 100 et 1 250 m d’altitude, rien n’avait encore été récolté. “C’était prêt à faucher mais onattendait une bonne fenêtre météo”, expose Éric Vinatier. Quinze jours après, ses 140 ha de prairies sont toujours à terre. Il a fallu en effet attendre le passage d’une commission d’enquête (le 3 juillet) diligentée par la DDT à la demande des syndicats FDSEA et JA. “On va engager de l’argent pour ramasser mais ça n’a aucune valeur alimentaire, ça ne peut même pas remplacer de la paille”, déplore cet éleveur laitier. Même constat pour les parcelles de pâture : “Là où il y avait un peu de stock d’herbe sur pied, les vaches essaient de trouver un peu de vert mais elles trient énormé- ment.” À d’autres endroits, la végétation a pourri et l’éleveur doit compléter l’alimentation avec des concentrés. “Est-ce qu’a-près ça va repartir ? On n’en saitrien mais pour l’instant, il y a un arrêt complet de la végétation”, relève-t-il. Sans autre alternative, l’agriculteur de Lajarrige (commune de Vèze) a commencéà commander du foin en Haute- Loire. “Je profite de cette période de récolte pour m’approvision- ner car le risque c’est que les prixgrimpent”, craint Éric, même sicette année, les disponibilités en foin sont importantes dans l’Hexagone. Pour ce dernier, les dépenses sont énormes car il fautcouvrir les besoins des six mois d’hiver. Son seul espoir ? Que la commission nationale des calamités agricoles donne un avis favorable aux demandes cantaliennes.
Plus d'infos à lire cette semaine dans L'Union du Cantal.
Droits de reproduction et de diffusion réservés.