Grande distribution : après la vague, le reflux
Après le raz-de-marée, l’hypermaché Leclerc Aurillac a vu sa fréquentation refluer avec une baisse des ventes non compensées par le drive.En interne, on s’est adapté avec une équipe réactive et solidaire.
Pendant trois jours, ceux qui ont précédé la mise en confinement du Cantal et du pays, “ça a été un raz-de- marée”, rapporte Joseph Chauvet, PDG du magasin Leclerc Aurillac(1) avec un chiffre d’affaires comparable à celui des plus grosses journées de l’année, pour Noël et le Réveillon. Sauf qu’en lieu et place des foies gras et champagnes : des paquets de pâtes et rouleaux de papier toilette, “les produits emblèmes du Covid-19”. “Ça a été un peu la panique pendant ces trois jours, mais depuis le 17 mars, on constate une très forte baisse de fréquentation. Le Cantalou est discipliné et c’est plutôt une bonne nouvelle”, estime le distributeur. C’est ainsi une baisse de 20 % du chiffre d’affaires (CA) global du magasin qui a été constatée la deuxième semaine du confinement, du fait d’une moindre fréquentation tandis que le panier moyen a lui augmenté. Une érosion de CA malgré la montée en puissance du drive dont les équipes ont été doublées (avec un fonctionnement en 3*6) et des livraisons assurées de 7 heures à 22 heures.
Anticipation
Mais avant les chiffres, la préoccupation première a été d’assurer la sécurité et la protection des collaborateurs : “Avant même le discours du président (Macron, NDLR), on était déjà en veille depuis une dizaine de jours et on a réuni dès le vendredi 13 mars un cellule de crise, qu’on tient depuis tous les jours avec l’encadrement pour nous adapter”, expose Joseph Chauvet. Une anticipation et réactivité qui ont permis à l’entreprise de recevoir dès le 17 mars des visières de protection dont tous les salariés sont désormais équipés. Chaque collaborateur est par ailleurs doté de gants et bouteilles rechargeables de gel hydroalcoolique fourni par Le Jardin de mon grand-père, un parfumeur du centre-ville aurillacois avec lequel le magasin Leclerc travaille pour son institut de beauté. Des plaques de Plexiglass ont par ailleurs été installées en ligne de caisse dès le lundi 16 mars. “On a aussi augmenté la fréquence des pauses pour que les gens puissent se laver les mains toutes les 30 minutes”, précise le chef d’entreprise.
L’entrée du magasin se fait par un système de chicane et, partout, des affiches répètent les gestes barrière. Les paniers, caddies, postes d’encaissement sont désinfectés régulièrement, le paiement par carte bancaire privilégié... “On demande à ce qu’il y ait une seule personne par caddie et on recommande d’aller à l’essentiel en ayant bien réfléchi en amont à sa liste de courses, afin de limiter le temps passé en magasin.
En termes d’approvisionnement, “pas d’inquiétude particulière”, relève Joseph Chauvet même si la logistique est plus complexe qu’à l’ordinaire. “Sur chaque famille de produits, on a toujours en rayon l’unité de besoin, c’est-à-dire un des produits mais pas forcément celui de toutes les marques. Sur le drive, c’est un peu plus compliqué, car on a à peine le temps de mettre les produits en stocks que ça repart.” Sur les 10 000 références du catalogue drive, un quart environ est ainsi en rupture. Et le distributeur invite les internautes à s’armer d’un peu de patience : “L’outil est beaucoup sollicité, mais on assure les commandes que ce soit à Belbex ou rue des Carmes entre 48 et 72 heures.” À noter également, un transfert partiel de clientèle de proximité sur le Marché Leclerc bio de Lescudilliers.
Des Alliances locales en soutien des producteurs
Et en cette période de crise, plus que jamais, Joseph Chauvet fait valoir et promeut ses “Alliances locales”. Les produits locaux trônent ainsi dans l’allée centrale à l’entrée du magasin. “On a fait le tour des 90 producteurs locaux avec lesquels on travaille, d’autres n’ont pas hésité à nous solliciter et dès qu’on a pu trouver un terrain d’entente qui ne déstabilise pas nos partenariats existants, on les a référencés”, avance le PDG. Une politique d’approvisionnement locale qui permet non seulement de répondre à une demande croissante des clients mais aussi d’éviter certaines ruptures de stocks comme sur les œufs. Autre initiative, à l’échelle nationale de l’enseigne Leclerc : la mise en place de tickets Leclerc “solidaires” financés par les magasins et destinés à inciter les consommateurs à acheter les produits des filières françaises en difficulté (produits de la marée, tomates...).
“Maintenant on va continuer à s’adapter, à faire le dos rond et tenir du mieux qu’on peut”, conclut Joseph Chauvet saluant une nouvelle fois l’équipe “formidable” de ses collaborateurs.
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Ainsi que de l’Espace culture qui reste ouvert sur la partie bureautique de 9 h 30 à 17 heures du lundi au samedi, du Marché Leclerc bio ouvert normalement, et de l’institut de beauté-parapharmacie Leclerc lui est lui fermé.
Vézac : une supérette très “Utile”…
Si le confinement affaiblit les ventes dans la grande distribution (lire ci-dessus et p. X), il bénéficie commerce de proximité, notamment en zone rurale. Reportage à la supérette Utile de Vézac.
Pour Christophe Justin, les nuits sont courtes... Pas d’insomnies mais du boulot pour le patron de la supérette Utile de Vézac. Ce jeudi, comme la veille, dès 2 heures du matin, il officie dans le magasin qu’il a repris voilà quatre ans et agrandi depuis, pour ranger et mettre en rayons les commandes. “La journée avec la fréquentation, ce n’est plus possible !” Les 300 clients journaliers qui viennent s’approvisionner dans la supérette très prisée des Vézacois et habitants des alentours se concentrent désormais sur des horaires réduits, (7 h 30 / 14 h 30 du lundi au dimanche). Des horaires qu’il a fallu adapter après que le magasin a été littéralement pris d’assaut en amont et aux premiers jours du confinement. Et si la fréquentation s’est étalée depuis, le chiffre d’affaires de la supérette est d’ores et déjà supérieur de 50 % sur les deux premières semaines de confinement. Dans les rayons, pas de signe apparent de pénurie mais Christophe Justin reconnaît que les livraisons de pâtes et farine se font au compte-goutte. “On a aussi un gros problème avec tout ce qui est fromage râpé, lardons, jambon blanc...”, précise-t-il en déplorant que l’approvisionnement via la centrale Système U soit devenu déficient. “On ne me livre que la moitié de ce que je commande. Heureusement que je travaille beaucoup en direct.” Avec des producteurs locaux (fromages des Gaec d’Espinet, Gaec Navarro, Gaec de Vézac, Gaec de la Calsade...), des semi-grossistes (Maison Benech, Montarnal, Semaprim), fromagers (Bonal)...
Protection : du sur-mesure
Ici comme ailleurs, on a pris le maximum de précautions pour protéger tout à la fois les clients et le personnel (quatre salariés). Séparation des entrées et sorties, marquage au sol pour les distances d’éloignement, affichettes... Des consignes bien respectées. “Ça va mieux, mais au départ ça a été un peu compliqué surtout pour les personnes âgées,” concède Christophe Justin. Dans cette entreprise de protection, le commerçant a pu compter sur une bonne fée en la personne d’Olivier Theil (entreprise Mécatheil) qui a élaboré un prototype de “cage” de protection en Plexiglass pour les caisses du magasin. Du sur-mesure conçu en un temps record, se félicite le patron d’Utile qui salue tout autant l’engagement de son équipe.
Mais pas le temps de s’appesantir : car il faut aussi gérer les commandes, les mails et préparer les livraisons pour les personnes âgées qui ne peuvent se déplacer. Là encore, il a pu s’appuyer sur de précieux soutiens : les mairies de Vézac et Labrousse se sont ainsi organisées pour grouper des commandes et assurer les livraisons aux habitants.