François Fillon se positionne en candidat des “territoires oubliés”
Dernière ligne droite pour les candidats à moins de deux semaines du premier tour de l’élection. François Fillon est venu vendredi labourer à Saint-Cernin le terrain agricole.
À peine dérangé par le vol printanier de mouches, c’est un essaim médiatique qu’a vu déferler tout à coup vendredi après-midi le troupeau salers de Lionel Duffayet et Brigitte Troucellier. Une agitation inhabituelle dans la stabulation du plateau de Saint- Cernin qui a servi de cadre à une étape champêtre de la campagne du candidat des Républicains. Attendu en fin de journée à la Grande Halle d’Auvergne pour un meeting, François Fillon a fait auparavant escale dans le Cantal, sur le terrain agricole à la rencontre des éleveurs, avant de visiter la coopérative de Saint-Bonnet-de-Salers et d’échanger autour d’une table-ronde sur la ruralité. “Avec 120 mères salers en race pure, 150 ha, notre exploitation est dans la moyenne du département. Mais malgré un capital d’environ 2 millions d’euros, nous devons faire vivre avec 8 000 € à l’année une famille avec trois enfants, et si tout va bien, on percevra une retraite de 600 €.” En une phrase, Lionel Duffayet a planté le décor d’une profession sinistrée par des crises - économiques, sanitaires, climatiques, rats... - à répétition. Et le président du herd-book et du GSE n’a pas manqué non plus d’évoquer le désengagement financier de l’État (- 50 000 € ces dernières années) auprès des instances raciales : “Nous avons la génétique la mieux identifiée au monde, une race dont les effectifs sont en progression constante depuis quatre ans, mais si l’État ne permet pas de la faire vivre, on ne pourra plus rivaliser sur la scène internationale.”
Exception agricole au droit de la concurrence
Après la photo très prisée de la presse parisienne aux côtés d’un des taureaux phares de l’élevage sélectionneur, François Fillon, entouré notamment du président du Sénat, Gérard Larcher, de Brice Hortefeux et Alain Marleix, s’est vu exposer les spécificités de l’agriculture cantalienne : élevage essentiellement bovin, à l’herbe, territoire classé en zone de montagne, avec une forte politique d’installation et une stratégie de différenciation de ses productions via six AOP fromagères, des filières d’engraissement en viande bovine... qui n’empêchent cependant pas des revenus flirtant à peine avec les 10 000 € annuels. Les représentants de la FDSEA, des Jeunes agriculteurs et de la Chambre d’agriculture se sont ensuite relayés pour affirmer les priorités agricoles d’une future action présidentielle et gouvernementale. “Entre 2015 et 2016, ce sont entre 4 et 5 milliards d’euros d’écart de richesse entre ce que les consommateurs ont payé en plus et ce que les producteurs ont perçu en moins”, a mis en exergue Patrick Bénézit, affichant l’urgence d’une réforme de la LME - qui introduise dans les contrats les coûts de production - et, surtout, l’activation de l’exception agricole au droit de la concurrence européen. “Afin qu’on ne soit plus condamnés pour entente illicite dès lors que trois paysans se mettent autour de la table pour discuter prix comme les endiviers ! Nous sommes favorables à l’Europe, mais on ne pourra pas le dire longtemps si on continue comme ça avec l’autorité de la concurrence et des prix inférieurs aux coûts de production de 300 €/tête en bovins viande et de 100 €/t pour le lait.”
Touche pas à mes ICHN
Autre enjeu majeur affiché par la profession cantalienne : les indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN), une politique instaurée sous Pompidou pour “gommer des écarts de compétitivité entre territoires” et que l’actuel projet bruxellois, de réformer les zones défavorisées, pourrait remettre en cause en faisant doubler les besoins budgétaires. Le président de la Fédération nationale bovine (FNB) a lui interrogé le candidat LR sur sa position sur les accords transatlantiques et bilatéraux (Ceta, Mercosur, UE-USA) actés ou en discussion, avec un risque majeur de déstabilisation du marché de la viande bovine. En faisant de surcroît entrer dans l’UE de la viande dont les conditions de production sont aux antipodes de celles exigées par l’Europe et bien loin du modèle d’élevage vertueux du Massif central. Il a enfin été question d’installation et de transmission, les Jeunes agriculteurs militant pour de la visibilité, des prix rémunérateurs et des normes allégées. Tandis que les aînés rappelaient la misère des pensions agricoles et les engagements non tenus depuis des décennies par les gouvernements successifs pour assurer des retraites décentes à leur génération et surtout aux suivantes.
Plus d'infos à lire cette semaine dans L'Union du Cantal.
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