Climat
Face au changement climatique, l'agriculture de demain reste à inventer
Le Crédit Agricole Loire Haute-Loire a organisé, le 10 janvier à Vals, une conférence sur l'eau et ses usages, et l'adaptation de l'agriculture face au changement climatique.
Le Crédit Agricole Loire Haute-Loire a organisé, le 10 janvier à Vals, une conférence sur l'eau et ses usages, et l'adaptation de l'agriculture face au changement climatique.
"L'eau est une ressource naturelle pour tous, c'est donc un enjeu majeur pour l'agriculture dans notre territoire", c'est par ces mots que le président du Crédit Agricole Loire Haute-Loire, Christophe Chavot a introduit la conférence organisée par le CALHL, mercredi 10 janvier à Vals-près-Le-Puy, et intitulée “L’eau et ses usages en Haute-Loire, quelles adaptations de l’agriculture dans un contexte de changement climatique ?“. Face à ce défi, le président a donné le départ : "avec l'ensemble des Organisations Professionnelles Agricoles, nous devons être porteurs de solutions, être innovants" avant d'ajouter "le Crédit Agricole a la volonté de mettre sa pierre à l'édifice".
Prenant le relais, la directrice générale, Gaëlle Régnard a renchéri : "Le défi de la transition nous concerne tous". Elle a ensuite mis en exergue des points clés avec lesquels il faudra jouer pour aller vers cette transition. "On n'a pas toutes les solutions, il faudra donc inventer ; les attentes sociétales sont très fortes ; 50 % des exploitants vont partir en retraite d'ici 2030…". Elle a aussi assuré que "le Crédit Agricole sera aux côtés des agriculteurs pour leurs investissements", mais aussi pour "écouter et partager".
Adaptation
La parole était ensuite donnée à Serge Zaka, docteur en agro-climatologie & conférencier, spécialiste de l’impact du changement climatique sur les pratiques agricoles qui, après un rappel lexicologique sur la météorologie et la climatologie a dressé un bilan des données en termes de pluviométrie et températures sur notre département qu'il a découpé en 3 zones. Il a élargi son exposé en abordant les problématiques de vent, de saisonnalité, de canicules, de gel… tous ces éléments étant indispensables pour affiner l'analyse et mieux comprendre les situations climatiques d'aujourd'hui et appréhender celles de demain (lire l'encadré).
Cet exposé était suivi d'une table ronde animée par Régis Sanial du CALHL, à laquelle étaient invités, outre le Dr Zaka, Yannick Fialip président de la Chambre départementale d'agriculture et Bruno
Ramousse éleveur de bovins viande à Bellevue la Montagne, engagé dans une démarche vers une autonomie de son exploitation. Ce dernier a présenté son exploitation (40 à 45 VA, 78ha) en expliquant tous les leviers actionnés au fil des ans pour rechercher l'autonomie fourragère mais aussi en protéines. Gestion de la pâture et de la récolte des fourrages en fonction du cycle de l'herbe, implantation de prairies multi-espèces et de méteil, semis sous couvert, couvert végétal à l'automne… des initiatives qui l'ont conduit à une autonomie à 100% en fourrages et à 98% en protéines.
"On a des solutions…"
Yannick Fialip a, une fois encore, positivé : "Face au changement climatique, on a des solutions, on peut s'adapter", et bien sûr la Chambre d'agriculture avec ses techniciens est là pour accompagner les agriculteurs dans ces adaptations. Parmi les solutions, Yannick
Fialip invite à plus de diversité de productions, des variétés plus robustes, un assolement diversifié, à un stockage de l'eau pour pallier les déficits. Mais pour cela, il insiste sur 2 freins à lever : "nous devons retrouver un peu plus de liberté d'entreprendre sur nos exploitations, et nous devons investir et pour cela, les agriculteurs doivent être accompagnés…".
Le président de la Chambre d'agriculture a par ailleurs souligné le dialogue constructif en Haute-Loire, entre la profession et l'administration. Un point fort relevé également par Serge Zaka, car c'est loin d'être le cas dans tous les départements.
Le débat avec la salle (de nombreux représentants des diverses OPA du département) a permis de soulever plusieurs points, tels l'implication du reste de la société dans l'adaptation au changement climatique (prix des produits, changement des habitudes alimentaires…), la prise en compte des efforts à fournir avec une vraie politique d'accompagnement sur le long terme, une revalorisation de l'image de l'agriculture et des agriculteurs pour continuer à installer et donc produire et nourrir la population…
Le mot de la fin revenait au président Christophe Chavot : "efficacité et sobriété" sont les maître-mots en la matière. "Il n'y a pas d'agriculture sans eau, et pas de vie sans agriculture" dira-t-il en invitant les agriculteurs à "garder (un) vent d'optimisme" même s'il faut imaginer des modèles agricoles différents de ceux mis en place par la génération actuelle. Comme la directrice, Gaëlle Régnard, il a réaffirmé la place que le Crédit Agricole souhaite prendre auprès des agriculteurs pour faire face, "ensemble", aux défis de demain.
Zoom sur…
"L'année 2022 sera la norme en 2050"
Le Dr Serge Zaka a présenté un ensemble de relevés climatologiques sur le département de la Haute-Loire, en élargissant parfois le zoom, pour qualifier la situation de notre département et donner des axes d'adaptation à l'horizon 2050, voire 2070.
La Haute-Loire se divise en 3 secteurs, le plateau ardéchois, le secteur autour du Puy, et la plaine de Brioude ; 3 zones bien spécifiques selon le climatologue. Sans entrer dans le détail des chiffres, on retiendra que, selon lui, «en 2050, l'année 2022 sera la norme», avec une pluviométrie stable mais marquée par des épisodes de violentes précipitations (+10 à 20% d'orages), et des pénuries en été (baisse de 20% dans les sols) ; une hausse des températures moyennes (+1,7°c) avec des canicules plus fréquentes et plus intenses ; une diminution des jours de gel mais des gels plus tardifs.
Le constat posé, Serge Zaka fait un état des lieux de l'impact de ce changement climatique sur les cultures et sur les élevages. Mais à chaque fois, il énumère des pistes d'adaptation sur les variétés, la génétique, le matériel, les bâtiments, l'agronomie, les paysages ou encore le numérique. Et se basant sur l'exemple de la forêt avec la diversité des essences en fonction de l'altitude et de la latitude, il démontre que peut-être notre région pourrait produire davantage de sorgho, des patates douces au lieu de la pomme de terre de chez nous qui migrera plus au nord, et pourquoi pas de la vigne.
Avec l'installation d'un climat méditerranéen sur les terres altiligériennes, l'agriculture sera toujours possible, mais nos paysages risques de changer et les agriculteurs de demain devront certainement faire d'autres choix que les productions traditionnelles que nous connaissons aujourd'hui.