Et si Woodway révolutionnait l’éco-construction mondiale ?
La PME aurillacoise Woodway adapte son process de construction Batipack aux contraintes climatiques et sismiques des pays en voie de développement.
Ce n’est pas en améliorant la bougie que l’on a inventé l’ampoule” : un proverbe que Jean-Pierre Ladvie a fait sien et qui sied à merveille à la trajectoire que son entreprise, Woodway, poursuit depuis sa création voilà cinq ans seulement. Quand en 2009 cet ingénieur, qui a usé trois décennies durant ses crampons dans les stations montagnardes, se lance dans l’aventure industrielle, il part pourtant d’une page blanche : pas de produit, pas d’outil de production, pas de marché. Un no man’s land que va cependant vite éclairer un projet d’éco-construction bois mûri sur les bancs de l’École supérieure des Mines de Saint-Étienne. Le concept Batipack est testé et breveté avant de sortir des anciens locaux aurillacois de GMV, où Woodway s’est installée.
Un matériau révolutionnaire
L’originalité de ce matériau de construction, fait d’un assemblage de caissons en panneaux OSB4 renfermant de la laine de roche ? Une solidité qui repose sur le principe de tenségrité, par la répartition et l’équilibre des contraintes mécaniques. Ce produit (100 % naturel, au sein duquel les copeaux de bois sont agglomérés par fritage grâce à la colle naturelle qu’ils contiennent) a fait ses preuves en se positionnant comme un concurrent de la brique. Et depuis 2013, Batipack a conquis le territoire hexagonal avant de regarder aujourd’hui vers l’international, notamment vers les pays d’Afrique, d’Amérique du Sud mais aussi vers le Nord, le Canada, la Suède. “Notre produit présente des performances thermiques importantes, qu’il s’agisse de construire en pays chauds ou au contraire très froids”, explique Jean-Pierre Ladvie. Ce concepteur plus que perspicace a donc adapté le système Batipack aux contraintes de ces différents climats: “Le système Batipack actuel ne peut fonctionner en Afrique à cause des thermites et de questions de transport d’hygrométrie, poursuit le patron de Woodway. Aussi, on va utiliser le principe du bois ciment.” Un matériau révolutionnaire, liant de la cellulose à de la terre, qui pourrait rendre obsolètes les besoins en climatisation tout en répondant à des contraintes économiques : “Pour un bâtiment en France, il faut compter environ 1 000 euros du m2, en Afrique on ne dépasse guère 300 euros /m2. Notre solution s’avère à la fois frugale et hyper efficace”, avance celui qui fut sacré Auvergnat de l’année 2011.
L’entreprise a ainsi mis au point plusieurs prototypes en lien avec le CTB (Centre technique du bâtiment) et le FCBA (institut technique du bois de Bordeaux), testés au Togo, au Burkina Faso et au Mali dans le cadre du jumelage entre la cité géraldienne et la Ville de Bouroundi (avec un projet de construction d’une école). “Nous travaillons sur de gros marchés - avec 200 maisons à construire en Zambie et Afrique australe - qui ne seront confirmés qu’une fois que les prototypes livrés auront montré leurs performances. C’est un travail de fond que de percer à l’international, mais nous sommes déjà hyper crédibles techniquement et nous nous appuyons aussi sur la Coface(1).” Au-delà de sa carte de visite technologique, le patron de Woodway mise aussi sur les réseaux et l’expérience africaine des voisins aurillacois d’Africa sun(2). “Nous échangeons aussi régulièrement avec Matière”, précise Jean-Pierre Ladvie, qui vient par ailleurs de recruter Jean-Baptiste Rambaud, un ancien de chez Bolloré, groupe de transport et logistique international pour lequel il a assuré la gestion de plusieurs sociétés en Afrique.
De la Zambie à Porto Rico
Tous deux sont aussi en contact avec le marché portoricain intéressé par les caractéristiques sismiques du produit Batipack. Un continent où il faut aussi composer avec un climat équatorial chaud et humide, qui nécessite de créer des convections naturelles dans les bâtiments. Quel que soit le marché cible, Woodway conservera à Aurillac la partie complexe et enverra aux pays concernés le produit usiné qui restera à monter sur place. “Cela permet une relation gagnant-gagnant en créant sur place environ 30 % de la valeur finale du produit assemblé”, relève l’entrepreneur. Depuis quelques semaines, Jean- Pierre Ladvie et son équipe suivent aussi l’évolution d’un prototype installé sur le parking de Woodway. Élaboré avec “le pire qu’on puisse faire”, c’est à dire une terre très grasse, le matériau est testé sur sa résistance à la pluie et aux intempéries. Et l’essai s’annonce prometteur : malgré l’automne cantalien quasi équatorial cette année, le produit de construction n’a pas bougé. De quoi conforter Woodway dans l’idée que son projet, c’est du solide...
(1) Compagnie française d’assurances pour le commerce extérieur.
(2) Qui exporte notamment des kits autonomes permettant d’alimenter durablement en électricité une habitation grâce à un module photovoltaïque.