Emmanuel Macron envisage sa politique agricole dans «une Europe forte et protectrice»
Le nouveau Président de la République défend une agriculture capable d'être compétitive sur tous les marchés, quel que soit le modèle. Zoom sur son programme agricole(1).
Le nouveau président de la République, Emmanuel Macron, veut une politique agricole dans un cadre européen et le maintien du budget actuel. Il souhaite modifier l'application par la France de la Pac actuelle, et proposer des orientations pour la prochaine réforme. Il veut augmenter certains budgets (modernisation, environnement) et développer les outils de gestion de risque. La proposition la plus marquante de son programme agricole consiste en «un plan de transformation agricole de 5 milliards d'euros sur 5 ans», cofinancé par l'Europe et les régions. Cela consiste à multiplier par quatre des crédits nationaux du plan de modernisation (PCAE) actuellement d'un milliard d'euros sur 5 ans, et à augmenter des crédits dédiés à l'innovation et au développement rural (P3A, Casdar). Il propose également de créer des «paiements pour services environnementaux» (PSE) pour 200 millions d'euros par an.
Répondre aux demandes du marché
Emmanuel Macron ne veut défendre aucun modèle en particulier, mais plutôt la capacité des exploitations agricoles à conquérir tous les marchés. «Il faut arrêter de vouloir traiter systématiquement l'agriculture à travers la question des modèles de production, explique-t-il. Il faut reconnaître la diversité de l'agriculture française». Pour lui, ce qui fait la richesse de l'agriculture française, c'est justement cette coexistence entre des exploitations tournées vers l'exportation et compétitives, et des exploitations davantage centrées sur les circuits courts.
Sur le foncier et sa transmission, Emmanuel Macron est partisan du renforcement de «la transparence des transactions agricoles, en soumettant toutes les sociétés foncières au contrôle des Safer», et il plaide pour «faciliter le recours à des outils de portage : le crédit-bail immobilier, la location-vente progressive, prêt viager hypothécaire, etc».
Convergence européenne
Emmanuel Macron est le seul candidat à la présidentielle à avoir défendu la signature de l'accord de libre-échange avec le Canada (Ceta). Il est globalement favorable aux accords de libre-échange, auxquels il souhaite intégrer des «clauses sociales et environnementales contraignantes, en abaissant en priorité les tarifs douaniers sur les biens et services propres».
Concernant les secteurs agricoles sensibles à la concurrence internationale, Olivier Allain, député européen et conseiller d'Emmanuel Macron sur les questions agricoles (ndlr : lors de la campagne présidentielle) assure que «pour Emmanuel Macron, il est hors de question de poursuivre une négociation qui pourrait mettre en péril les secteurs sensibles comme celui de la viande bovine.
Chez Emmanuel Macron, la protection des agriculteurs européens passe par une «convergence sociale et fiscale au niveau européen». Même idée sur les normes environnementales.
Dans une lettre adressée aux agriculteurs le 21 avril, il explique que «les règles doivent être les mêmes partout en Europe» dans leur définition et dans leur application. Il cite en exemple le cas des interdictions de pesticides, appliquées «plus rigoureusement en France qu'en Espagne et en Italie». Ainsi, il veut revenir sur toutes les sur-transpositions des normes par la France «dès cet été». Pour autant, il prévoit «l'élimination progressive des pesticides, en commençant par ceux qui présentent un risque pour la biodiversité ou la santé».
Pour relancer la compétitivité des entreprises françaises, il propose également une transformation du crédit d'impôts compétitivité emploi (CICE) en une baisse des charges patronales permanente.
États généraux de l'alimentation
Concernant les négociations commerciales, Emmanuel Ma-cron prévoit d'organiser des «États généraux de l'alimentation» pour «définir un partage équilibré de la valeur». En cas d'échec de cette grande table ronde, il envisage une réforme de la loi de modernisation de l'économie (LME). Emmanuel Macron propose le renforcement des organisations de producteurs et leur généralisation. «Tous les éleveurs ne sont pas adhérents aux organisations de producteurs, regrette Olivier Allain. Il faut les renforcer, notamment les associations d'OP territoriales». De plus, il défend une «dérogation au droit de la concurrence pour le secteur agricole».
Gestion des risques
La gestion des risques de marché ou climatiques est une demande forte de la profession agricole. Emmanuel Macron plaide «pour la mise en place d'outils de régulation adaptés à chaque filière» et pour des «outils de gestion des risques».
Il cite par exemple l'épargne de précaution ou l'assurance climatique, sans précision sur les budgets alloués à ces politiques. «Il est favorable aux aides contracycliques», rapporte également Olivier Allain.
C.Rolle d'après Agra Presse
(1) Programme agricole élaboré par le mouvement En Marche ! durant la campagne présidentielle et avant l'élection d'Emmanuel Macron.
Un programme agricole «co-construit avec des agriculteurs»
Comment a été construit le programme agricole d'Emmanuel Macron ? En co-construction avec les agriculteurs français et des personnes du monde agricole, répond le mouvement En Marche !. Des réunions avec des adhérents ont été organisées partout en France. «Beaucoup d'agriculteurs sont venus expliquer leurs attentes. Dans le même temps, nous avons reçu plus de 3 000 réponses au questionnaire dédié à l'agriculture, des centaines de comptes rendus de réunions locales», explique Audrey Bourolleau, référente nationale d'En Marche ! sur l'agriculture et la ruralité. La volonté a aussi été d'adapter les réponses aux différentes régions et différentes filières. «Ensuite, au sein d'un groupe d'experts, nous avons réuni des spécialistes techniques des sujets agricoles, des agriculteurs, des élus locaux qui connaissent les territoires et apportent des solutions efficaces et simples à mettre en oeuvre», poursuit-elle. C'est ce groupe qui a «couché sur le papier» des solutions en s'assurant de leur faisabilité technique et économique. Enfin, ces solutions ont été proposées à Emmanuel Macron qui en a constitué son programme, en ligne avec ses deux axes forts : protéger et libérer.
Plus classiquement, il veut travailler à une convergence sociale et fiscale au niveau européen, et propose une politique commerciale ouverte et une relance des soutiens à la modernisation.