Des trajectoires singulières pour assurer la relève
Confrontée au vieillissement de ses éleveurs, la filière ovine bénéficie pourtant d’un taux de renouvellement plus dynamique que d’autres secteurs. Un phénomène analysé récemment à l’occasion de la conférence Grand Angle ovin proposée par l’Idèle.
Traditionnellement organisé en présentiel, le cycle de conférence « Grand Angle » proposé par l’Idèle s’est tenu à distance en début de semaine dernière. La filière ovine a ouvert le bal de cette série 2021 où une fois n’est pas coutume, de nombreux thèmes ont été balayés (état du marché, impact du Brexit, organisation du travail, techniques de pâturage, alimentation, sélection…). À l’heure, où la moitié des éleveurs ovins ont plus de 50 ans, la question du renouvellement des générations a fait l’objet d’un focus approfondi. « Travailler sur l’attractivité du métier, la compétitivité et la vivabilité est un enjeu majeur si nous voulons assurer un avenir à la filière ovine française », indique Brigitte Singla, éleveuse de brebis laitières dans l’Hérault, présidente de la commission filière ovine de l’Idèle et secrétaire général de la FNO. Pour disposer d’une vision objective des forces en présence, Christophe Perrot chargé de mission Economie et Territoires à l’Idèle a passé au crible les données de la MSA enrichies par celles de la BDNI : « Le point de départ de ses travaux s’explique par des résultats déroutants des analyses MSA qui signalent des singularités du secteur ovins-caprins. En effet, entre 2010 et 2019, cette population n’a diminué que de 0,2 % par an contre 1,3 % pour les agriculteurs en général. Le secteur ovins-caprins bénéficie du meilleur taux de remplacement, de l’ordre de 80 à 100 % quand le secteur bovins lait et mixte plafonne autour de 50 % ». Un travail d’analyse et d’isolement des données, entre ovins et caprins notamment, a permis d’affiner cette approche démographique.
Un turn-over plus important
Au final, on arrive en ovins viande à un taux de remplacement (entrants/sortants) de 94 % et un taux de renouvellement de 9 % avec toutefois de fortes disparités selon les régions. Midi-Pyrénées, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Rhône-Alpes avec en tête Drôme et Ardèche, sont les territoires où la dynamique d’installations est la plus forte. « Ce taux de renouvellement élevé cache un phénomène de turn-over sensiblement plus important que dans les secteurs bovins lié à une plus grande fréquence des carrières courtes (10-15 ans) voire très courtes (moins de 5 ans) », précise Christophe Perrot. Ce renouvellement est le résultat de 506 installations par an avec des systèmes très différents où les tailles de cheptel varient du simple au triple selon la forme juridique. Si la filière ovine n’échappe pas au vieillissement de ces éleveurs, il est toutefois moins marqué que dans d’autres filières à la faveur de l’allongement des carrières des exploitants en place, de la progression d’installations tardives fruit de l’arrivée des NIMA (voir ailleurs), et d’installations de jeunes stimulées par une PAC plus attractive et de politique à l’installation plus favorable depuis 2013 notamment.
Un décalage entre offres et demandes
Reste que l’enjeu du renouvellement des générations, des actifs, du potentiel de production est bien réel quand on sait qu’entre 24 et 38 % des brebis viande sont actuellement gérées par des éleveurs de plus de 50 ans. Il se heurte toutefois à des vents parfois contraires. « Il existe un double décalage : entre les souhaits de nombreux candidats à l’installation et l’offre de ferme ou de plus en plus souvent de places (dans une forme sociétaire) à reprendre ; et entre les projets agricoles des récents installés ou certaines trajectoires d’exploitations et les attentes des filières longues pour approvisionner les outils de transformation », analyse Christophe Perrot.