De l’Aubrac au musée du quai Branly
Conservéesdurant150ansàJabrunparlafamilleGilibert,60piècesdelaculturekanaketdu patrimoine de Nouvelle-Calédonie vont rejoindre les collections du musée des arts premiers.
Conservéesdurant150ansàJabrunparlafamilleGilibert,60piècesdelaculturekanaketdu patrimoine de Nouvelle-Calédonie vont rejoindre les collections du musée des arts premiers.
Mardi 2 juillet, à Jabrun, Pierre Gilibert, descendant de la famille du père mariste Jean Gilibert, et Emmanuel Kasarhérou, président-directeur du musée du quai Branly-Jacques-Chirac dédié aux arts premiers, ont officialisé par le premier don à l’établissement public d’une soixantaine d’objets et manuscrits provenant de Nouvelle Calédonie et envoyé par le missionnaire à ses proches. Ce même jour, les correspondances entre Jean Gilibert et son frère Antoine ont été données aux archives diocésaines de Saint-Flour (voir par ailleurs). Ce jour-là, il ne pouvait pas ne pas y avoir une messe pour cet homme d’église qu’était Jean Gilibert, parti en mission évangéliser l’île de Pot dans l’archipel calédonien. L’office religieux était célébré par Mgr Noblot, évêque de Saint- Flour, en présence du père Duffy, provincial des pères maristes.
Missionnaire en Calédonie
Né en 1818, Jean Gilibert quitte sa famille et l’Aubrac et s’embarque le 2 décembre 1858. Un long voyage de cinq mois le conduit vers les terres lointaines du Pacifique. Il mourra en 1891 après 40 années dans ce nouveau monde. Un livre relate son histoire. “Mon père avait demandé à sa cousine Marie-Louise Gondal, religieuse de Saint-Joseph, docteur en théologie, de transcrire le journal manuscrit de Jean Gilibert”, précise Pierre Gilibert. Et de citer sa parente : “L’œuvre du père Gilibert reste un riche matériau de réflexion non seulement pour la mémoire calédonienne et auvergnate mais aussi pour l’histoire du christianisme et de l’évangélisation ou tout simple- ment la rencontre des cultures.” En effet, le père missionnaire notait tous les faits de son existence auprès des populations kanak. Telle son arrivéee sur place en ce milieu de XIX siècle : “Jusqu’à présent, je me voyais toujours en Europe mais là, je suis bien dans un pays nouveau, une foule de pauvres, couleur cuivre terreux, cheveux crépus et figures repoussantes, avec des vêtements rudimentaires inspirent compassion.”
Transmettre
Son abondante correspondance avec sa famille, parfois plusieurs lettres par mois, offre aujourd’hui un aperçu de la vie sur place et de la culture kanak. Mais davantage encore, il expédie à Jabrun auprès des siens et comme autant de preuves concrètes de son récit d’innombrables objets mais, également des graines, des coquillages, des fruits, de la canne à sucre, des échantillons de bois. “Tout cela a été conservé dans la maison familiale de génération en génération, explique Pierre Gilibert. Certaines pièces étaient présentées dans une vitrine. Je voulais transmettre et que cela puisse servir au plus grand nombre.” Par l’intermédiaire d’Alain Marleix, ancien ministre, le musée du quai Branly s’est montré très intéressé. En mars dernier, Magali Mélandri est venue sur place faire un inventaire de la soixantaine de pièces offertes.
Un témoignage rare
“Nous allons étudier leur état, les nettoyer pour rejoindre les collections, précise la responsable de l’unité patrimoniale Océanie du musée des arts premiers. Nous pouvons dire qu’elles ont été très bien conservées et nous avons affaire à quelques pièces rares comme une hache ostensoir en coquillage bénitier dont il n’existe qu’un autre exemplaire dans les collections du musée. Pour l’anecdote, servant à frapper le soleil pour qu’il pleuve, visiblement elle fonctionne comme l’a fait remarquer lundi dernier Pierre Gilibert : “Je ne pensais pas à l’automne dernier en la remuant que nous aurions sept mois de pluie !” En abandonnant leurs croyances pour le catholicisme, les Kanaks abandonnaient leurs objets qu’ils confiaient au père Gilibert. Emmanuel Kasarhérou, lui-même originaire de Nouvelle-Calédonie, n’a pas caché son émotion de pouvoir accueillir ce don en faveur du patrimoine universel. “Tant les objets que les écrits qui les accompagnent nous permettent de mieux comprendre la culture kanak non écrite et en particulier de mieux connaître la population de cette île, qui a totalement disparu suite à la propagation microbienne importée sans le savoir et sans le vouloir par les premiers visiteurs européens auprès d’une population restée iso-lée du reste du monde durant des milliers d’années. Il y a un autre élément important c’est aussi le travail des pères missionnaires, un travail presque d’ethnologue, comme nous pouvons le constater avec Jean Gilibert, nous permet- tant de montrer la culture et la vision du monde à cette époque. C’est une mémoire chère qui nous rassemble.”