Manifestation
Coup de gueule des producteurs laitiers
Les producteurs de lait refusent d’être la variable d’ajustement des entreprises et de vendre à perte leur lait pour maintenir les usines à leurs dépens. Ils le font savoir à la laiterie Garmy.



Parce que, une à une les entreprises laitières mettent à genoux les producteurs, l’Udsea, la Fdpl et les JA du Puy-de-Dôme interpellent les responsables politiques et informent leurs concitoyens.
Le coup d’envoi a été donné mardi dernier à Thiers, par la mise en place d’un barrage filtrant à l’entrée ouest de la ville.
Jeu dangereux
Pourquoi Thiers ? Tout simplement en réponse au comportement de la laiterie Garmy qui de manière unilatérale et sans préavis, a décidé, il y a quelques semaines, de diminuer le prix d’achat du lait aux producteurs, afin de gérer la crise qui frappe l’entreprise thiernoise. Pour Pascal Servier, président de la Fdpl, ce comportement est inqualifiable. «Depuis 2011, les entreprises laitières intensifient des pratiques de baisse de prix auprès des producteurs. Après le Glac et la laiterie Dischamp, c’est aujourd’hui la laiterie Antoine Garmy qui pressurise les producteurs pour tenter de sauver son entreprise ! Et demain, à qui le tour ? Nous ne pouvons pas cautionner de tels agissements. Garmy ne sauvera pas ses 35 salariés en ne payant pas ses producteurs. C’est innommable de mettre l’emploi dans la balance face au revenu des producteurs ». Un jeu dangereux, poursuit le président car « lorsqu’il n’y aura plus de producteurs de lait, il n’y aura plus d’entreprise non plus ! »
Claude Raynaud enfonce le clou en mettant en garde la Laiterie Garmy sur les suites qu’elle donnera au mécontentement des producteurs. « Si nous ne sommes pas entendus, si rien ne change dans le comportement de la laiterie, notre mobilisation sera encore plus dure et nous n’hésiterons pas à faire pression sur l’économie de l’entreprise » explique le président de l’Udsea.
Entreprise dans l’impasse
La laiterie Garmy a réellement mis le feu aux poudres il y a quelques semaines, en appliquant du jour au lendemain une baisse du prix d’achat et en stoppant nette la collecte auprès des producteurs de lait de chèvre. Une situation intenable pour ces derniers et qui a conduit certains d’entre eux à arrêter totalement la production. Dans un communiqué en date du 8 avril, le directeur général Alain Garmy, a tenté de faire «la vérité » sur les difficultés qui touchent son entreprise. Le responsable selon lui, se trouve dans les excédents de lait, « depuis 2009, la société a perdu plus de 350 000 euros dans la revente du surplus» se justifie le directeur. Il explique également que la survie de l’entreprise et de ses 35 salariés passe impérativement par « une diminution du prix d’achat du lait ou du nombre des producteurs ». Des propos qui inquiètent Sabine Tholoniat, présidente de l’association des producteurs de Garmy. « Il semble que la laiterie soit dans une impasse ; elle a attendu trop longtemps pour réagir. Sur les 7 mil-lions de litres de lait de vache collectée, la laiterie n’en transforme que 3 millions, preuve qu’elle a laissé partir la valorisation du lait pour se rendre dépendante des aléas du marché. L’entreprise attend maintenant que les producteurs trouvent une solution »
A l’issue de la manifestation, tracteurs et éleveurs ont convergé en direction de la laiterie Garmy à Pont-Astier, pour dénoncer la situation insoutenable que fait vivre l’entreprise aux 35 producteurs et aussi à la trentaine de salariés, très inquiète de la situation.
Sylvain Barge témoigne
Sylvain Barge est producteur de lait de chèvre à Celles sur Durolle. « Deux jours avant la collecte, la laiterie m’a prévenu qu’elle ne viendrait plus collecter ma production. Dans la précipitation, il a fallu que j’achète une remorque et que je récupère des cuves pour livrer moi-même le lait à l’entreprise Garmy » raconte ce jeune agriculteur de 30 ans. Malgré cela, la laiterie a continué à diminuer le prix d’achat du lait et demandé à Sylvain de réduire sa production de 30 % ! Aujourd’hui, la perte pour le jeune éleveur se monte à 19 000€ pour l’année complète, sans compter l’acquisition de la remorque et le prix du carburant pour livrer son lait. Cette situation inquiète sérieusement Sylvain Barge, « si cela persiste, je vais devoir arrêter la production de lait de chèvre. C’est d’autant plus triste que ce sont mes parents qui ont créé cette activité en 1993. Nous avons aujourd’hui un troupeau avec un bon potentiel qui permettait à mon épouse de s’installer suite à sa formation. Mais aujourd’hui c’est en stand-by. Et nous allons certainement devoir démanteler le cheptel de par la mauvaise gestion de Garmy ». Sylvain regrette d’avoir été mis « au pied du mur » par la laiterie, « nous aurions pu anticiper si ses dirigeants avaient pris soin d’exposer la situation avec les éleveurs ».
C.R.