Agronomie
Comment évaluer son sol ?
Les Vendredis de l'Agro se poursuivent en Limagne avec deux thématiques, le 4 juin dernier, autour de la fertilité des sols et de la culture du blé dans un contexte séchant.
Les Vendredis de l'Agro se poursuivent en Limagne avec deux thématiques, le 4 juin dernier, autour de la fertilité des sols et de la culture du blé dans un contexte séchant.
Dans une parcelle de blé près de Montpensier en Limagne Nord, plusieurs méthodes d'analyse des sols ont été réalisées. Un mini-profil de sol 3D, un test bêche et la méthode beer-can (voir encadré ci-dessous) ont été exposés par la Chambre d'agriculture du Puy-de-Dôme en collaboration avec Arvalis et VetAgro Sup.
Le mini-profil de sol 3D
" On regarde toujours le sol du dessus mais jamais en dessous alors que c'est le plus important." Yoann Ginestière ouvre cette matinée agronomique placée sous la surface du sol, par la réalisation d'un mini-profil 3D. La méthode consiste à l'aide d'un télescopique à soulever un bloc de terre d'environ 50 à 60 cm. Dès lors, il est facile d'observer ce qu'il se passe sous sa culture et de bénéficier de conseils. " Les conseils du sol sont extrêmement complexes à donner parce que nombreuses composantes rentrent en jeu" souligne le conseiller. D'après son expérience, "la seule analyse chimique du sol ne suffit pas à établir un diagnostic complet". L'agronomie s'est longtemps arrêtée à la seule fertilité chimique (teneur en azote, phosphore, matière organique...) en omettant les autres composantes. Depuis près de 20 ans maintenant, la fertilité d'un sol est à la fois chimique mais aussi biologique et physique et chacune d'entre elle interagit avec les autres. "Le sol n'est pas un simple support de culture, il est vivant !"
La particularité des sols de Limagne Nord est leur teneur importante en argile ; des sols lourds aux nombreux avantages culturaux mais également fragiles. Le mini-profil de sol en est le témoin. En surface, la parcelle de blé de Marielle Boile est superbe. En dessous, le sol porte les stigmates des travaux. " L'aspect béton, compacté du sol est synonyme d'un semis dans des conditions pluvieuses. On voit très bien l'impact sur le développement des racines qui s'est fait principalement en surface sur environ 30 cm. " Le diagnostic se poursuit avec l'observation de restes de paille sur 15 cm, signe d'une dégradation ralentie. "Il faudrait rééquilibrer le rapport carbone/azote (C/N) par l'implantation d'engrais verts " recommande Yoann Ginestière.
Le test bêche
C'est sans nul doute le plus connu de tous. Le test bêche (mis au point par l'ISARA(1)) se réalise ni plus ni moins qu'à l'aide d'une bêche et d'une bâche. Comme avec le télescopique, il s'agit de ressortir un bloc de terre d'environ 30 cm de profondeur et de le déposer sur une bâche pour l'observer. L'agriculteur doit noter l'aspect du bloc en général ainsi que tous les types de mottes qu'il produit (mottes poreuses, tassées...). A l'aide d'une grille d'interprétation, il suffit ensuite de déterminer le tassement du sol. Cette méthode est préconisée par Pascale Metais, spécialiste sol à Arvalis.
Cartographie des sols
Durant cette matinée, deux pédologues et cartographes de VetAgro Sup ont fait le déplacement. Véronique Genevois et Camille Martin ont travaillé à la caractérisation des types de sol dominant de Limagne pour établir une carte dont la parution devrait avoir lieu en septembre prochain. Ces informations viendront également enrichir la plateforme Géoportail.
Réglementation vs Innovation
La nature du sol et les conditions climatiques lors des travaux impactent plus ou moins la fertilité physique et biologique du sol. Marielle Boile, l'agricultrice, témoigne être "surprise" par ces observations : "j'étais loin de penser que c'était dans cet état en dessous". Pourtant l'agricultrice est vigilante et veille à limiter le travail du sol. Elle entend les conseils fournis mais exprime un bémol : la réglementation. En zone vulnérable, ses moyens d'actions sont limités. Ainsi, elle ne peut pas "réa-
liser des apports d'ammonitrate pour rééquilibrer le rapport C/N" et améliorer la dégradation de la matière organique. Quant aux engrais verts et autres cultures intermédiaires, c'est au tour du climat de limiter leur champ d'action. " Ils ne poussent pas parce qu’à la période légale d’implantation, nous manquons toujours de pluie. On voudrait faire des choses, améliorer nos pratiques mais entre la réglementation complexe et inadaptée, les risques financiers et le changement climatique, on hésite à prendre des risques et à innover."
(1) Institut supérieur d’agriculture Rhône-Alpes