Christiane Lambert : “On est capable de tout produire, mais “plus vert, c’est plus cher”
La présidente de la FNSEA, dont l’engagement syndical a puisé ses racines dans le Cantal, sera l’invitée vendredi de l’assemblée générale de la FDSEA. Entretien.
La loi issue des États généraux de l’alimentation (EGA) a été votée. Faut-il vraiment s’attendre à ce qu’elle change la donne pour les producteurs, jusqu’à présent variable d’ajustement systématique des filières ?
Christiane Lambert, présidente de la FNSEA : “De nouveaux outils ont été créés : la contractualisation sur des bases nouvelles, la prise en compte d’une référence aux coûts de production dans une construction du prix en marche avant, le rôle du médiateur commercial quand il y a blocage, l’encadrement des promotions, l’application du seuil de revente à perte pour que les distributeurs ne vendent pas avec zéro marge sur certains produits de grande marque et se rattrapent sur ceux de PME françaises, sur les fruits, la viande..., les sanctions pour prix abusivement bas. Nous voulons maintenant que les ordonnances sortent très vite pour être opérationnelles dès le 1er décembre, nous savons que des distributeurs font pression pour profiter encore des fêtes et bien se servir. Ce sont de nouveaux outils à la disposition soit des acteurs économiques soit de la DGCCRF. On a fait un travail considérable. La loi est votée, il faut s’en servir. On sait bien que ça ne va pas rendre tous les acteurs beaucoup plus vertueux du jour au lendemain mais on a plus de leviers aujourd’hui pour améliorer les choses. Ça suppose que nous aussi, producteurs, soyons capables de plus et mieux nous organiser pour peser. Il est également nécessaire que les interprofessions jouent davantage ce rôle et soient plus actives à travers des plans de filière efficaces. Ce qu’attendent les producteurs, c’est un retour de valeur.”
Les sections laitières des FDSEA ont mené la semaine dernière des actions en GMS pour dénoncer du lait bio vendu à 82 ou 85 cts€ le litre. On a l’impression que le chemin sera encore long...
C. L. : “Les États généraux ont aussi été l’occasion de faire le constat que les consommateurs expriment de nouvelles demandes alimentaires : de bio, de produits locaux, plus naturels, de produits français dont ils connaissent l’origine et l’histoire. Ils sont aussi demandeurs de plus de produits “sans” : sans antibiotiques, sans OGM... Ces tendances lourdes, il faut être capable de les entendre pour y répondre avec nos industries agroalimentaires. Mais il ne faut pas que nos industriels y voient juste l’occasion de surfer sur la vague, il faut un engagement contractuel avec les producteurs. Nous, on est capable de tout produire mais “plus vert c’est plus cher”. Si on nous demande plus de qualité, d’engagement, il faut des centimes derrière.” L’agriculture - et l’élevage - peinent à sortir du statut de responsable et coupable où certains mouvements les ont plongés. Comment (ré)agir ? C. L . : “Les débats ont été très vifs dans le cadre des EGA sur le bien-être animal, les menus végétariens, les phytos... des sujets très compliqués sur lesquels la profession a évité le pire. Notamment sur le bien-être animal où il n’y a pas eu le durcissement ni les excès voulus par certains. Le glyphosate n’a pas été interdit mais nous avons fait la proposition d’un contrat de solutions pour montrer qu’on est au travail sur ce délicat sujet des produits phytosanitaires. Les sujets sociétaux vont crescendo et ça nous concerne tous. Il faut que nous soyons plus “bavards” sur nos bonnes pratiques. C’est à nous aussi d’exiger des pouvoirs publics le respect des biens et des personnes : suite aux intrusions dans les abattoirs, dans les élevages et l’incendie (NDLR : d’un abattoir dans l’Ain), j’ai adressé, avec le président des JA, une lettre ouverte au Président de la République qui n’a pas répondu. Nous avons demandé une mission parlementaire qui est en train de se mettre en place pour étudier ces réseaux, leur financement, ces agissements. Une trentaine de parlementaires nous soutient déjà. Aujourd’hui, ce sont davantage les bouchers qui sont visés mais c’est insupportable qu’une infime partie de la population veuille imposer et dicter sa loi, dans une espèce de dictature alimentaire. On voit bien que c’est un sujet qui s’installe, on ne peut pas passer à côté mais nous y avons déjà travaillé, la FNSEA, Interbev, il y a déjà eu de nombreuses initiatives.”
Premières impressions favorables sur le nouveau ministre de l’Agriculture ?
C. L. : “C’est un ministre qui connaît les sujets agricoles, c’est un battant, il a dit qu’il serait le ministre des agriculteurs et des agricultrices, qu’il en avait assez de voir ce secteur stigmatisé et critiqué : rien que ça, c’est important. Il est d’un département, la Drôme, où le poids de l’agriculture est une vraie réalité. Il a dit qu’il serait très “punchy”. On verra les décisions qui suivent. Il est très au fait sur la question de la main d’œuvre occasionnelle, très conscient qu’il y a un problème sur ce sujet. Nous nous battons pour qu’il y ait une compensation intégrale de l’exonération du Tode (allègement de charges, NDLR). Ce n’est pas gagné mais on est déjà remonté de 0 à 105 M€, il manque encore 39 M€ pour compenser intégralement. Nous nous battrons jusqu’au bout, au Sénat et à l’Assemblée. Sinon, les employeurs de travailleurs occasionnels seraient les seuls à ne pas voir leurs charges baisser.”
(1) Taxe intérieure de consommation.