Christian Prudhomme : «Le Tour de France est le seul évènement sportif qui défend la France rurale»
Gamin, il rêvait derrière sa télé d’être journaliste sportif sur le Tour de France. Une course mythique dont il a pris les rênes il y a 12 ans. Rencontre avec Christian Prudhomme, directeur du Tour.
On a souvent évoqué vos liens privilégiés avec le Cantal, Pailherols… qu’est ce qui vous séduit ici ?
Christian Prudhomme : Quand on dit «on va dans le Cantal», ce n’est pas sexy pour les gens. Or c’est un département formidable, avec des paysages, des grands espaces. On n’imagine pas ça vu des grandes villes. Les gens ne connaissent pas, ont une fausse image. Toute ma famille est alsacienne, j’y ai passé toutes mes vacances, petit, et là-bas c’est la même chose. La France recèle de trésors méconnus, cachés. Moi je suis un Français de l’intérieur, très sensible à la province, aux régions… Et puis ici on est reçus comme des amis. Les gens sont incroyables. Prenez la famille Combourieu(1), ils sont débordés et en même temps, ils vous donnent l’impression d’avoir tout leur temps pour vous. Quand on les voit, on se dit que si tous les Français étaient comme ça, on n’aurait pas trop de souci à se faire pour notre pays. Ils ont aussi une humilité que l’on retrouve chez les champions cyclistes, dont la plupart d’ailleurs sont issus de la terre, ce sont des ruraux à l’image d’Hinault, Thévenet. Ils savent très bien ce que veut dire travailler, et que sans travail, on n’a rien. Quand on disait à Bernard Hinault que le Tour était dur, il répondait : «Et travailler à l’usine c’est pas dur ?» Je doute qu’un Zlatan Ibrahimovic fasse la même réponse…
Ces territoires ruraux se sentent pourtant délaissés…
C. P. : Le Tour de France est le seul événement sportif qui défend la France rurale, parce qu’on montre des images de montagne, de mer, de campagne, nos vieilles églises, nos châteaux, des paysages entretenus par les agriculteurs. Quand on voit dans les champs des agriculteurs qui proclament «Agriculteurs, fiers de vous nourrir», c’est très fort. Et de voir aujourd’hui des agriculteurs désespérés nous rend malades, nous Tour de France, franchement ce n’est pas possible. Au-delà le Tour - et les courses cyclistes en général - donnent un peu de fierté à 90 % de ce territoire français qui est rural.
La caravane passe,les difficultés restent…
C. P. : On apporte un éclairage fort à un moment donné, après effectivement la caravane passe. Mais on conserve des liens avec le monde agricole qui remontent à Jean-Michel Lemétayer et Jean-Marie Leblanc. Avec le concours de la FNSEA, on a ensemble ordonné ce qui se faisait naturellement dans les champs. Ce qui est très touchant pour nous, c’est qu’en plein mois de juillet, alors que les agriculteurs sont très occupés, ils consacrent du temps pour améliorer encore la beauté de l’image vue par des millions de téléspectateurs. Il y a deux ans, j’ai vu, à la une d’un journal vietnamien la photo d’une réalisation des agriculteurs de la Drôme !”
Propos recueillis par Patricia Olivieri
(1) Hôteliers-restaurateurs, propriétaires de l’Auberge des Montagnes à Pailherols.